Bretagne et solitude

Première lecture pour ma part de Kenneth White, dont le nom m’évoquait plutôt un chanteur ; je ne dois pas être la seule puisqu’à plusieurs reprises il relate dans La maison des marées des scènes de vie où on l’a également confondu avec un chanteur.

J’ai emprunté ce livre car le résumé nous apprend que Kenneth White y livre son quotidien en Bretagne. Celui qui est en fait un « penseur », poète et écrivain d’origine Ecossaise habite depuis quelques années dans les Côtes d’Armor, et plus précisément au bord de l’océan, à Trébeurden. D’une manière similaire à celle de David Thoreau dans Walden ou la vie dans les bois, mais plus proche dans le fond et la forme du récit de Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, Kenneth White disserte sur ce qui lui vient à l’esprit et qui a toujours un lien avec la solitude, l’écriture, la lecture ou la nature.
Il nous décrit les endroits qu’il fréquente et apprécie, des crêperies désertes aux cafés vieillots, des sentiers côtiers vieux de centaines d’années aux réserves ornithologiques, des venelles de Lannion aux rues plus fréquentées de Brest. Il détaille aussi ses activités journalières : lecture d’œuvres littéraires et de courrier, écriture dans son atelier, flânerie dans sa bibliothèque, rencontre avec des lecteurs ou des intellectuels, caresses de son chat…
On se trouve petit à petit des points communs avec l’auteur, et plus particulièrement avec son caractère solitaire ; non pas qu’il n’aime pas les autres ; seulement il y a déjà tant de choses à méditer et expérimenter seul.

Bien que Kenneth White ne parle pratiquement que de lui dans La maison des marées, je n’ai jamais ressenti une once d’égocentrisme. Car sa vie est une interaction permanente avec tout ce qu’il y a de plus universel : climats, rochers, animaux, végétation, papier…

On ressent sa passion pour la Bretagne et pour tout ce qui la constitue. Un passage est très évocateur de ce que les gens pensent de cette région ; il reflète du moins les réactions que j’ai lorsque j’explique que je suis venue volontairement passer 3 mois d’hiver en Bretagne ; réactions provenant même des bretons pure souche :

« Il faut dire que beaucoup de Parisiens n’arrivent pas à comprendre que l’on puisse vivre, en dehors des agréables mois d’été, dans un coin aussi perdu. Est-ce qu’il ne fait pas froid et sombre, disent-ils, est-ce que ce n’est pas trop dur, avec la pluie et les tempêtes ? Ne se sent-on pas isolé, n’est-ce pas mortel même, sans visites ni manifestations culturelles ? Braves gens, vous n’imaginez pas à quel point la plupart des « manifestations culturelles » m’ennuient, à quel point je préfère m’en passer et il me semble bien que vous n’ayez aucune idée du ravissement que l’on éprouve à mener une vie solitaire et retirée. Vous avez perdu contact avec toute une partie de l’existence. Pour ce qui est du froid et de l’obscurité, nous ne sommes tout de même pas ici à l’intérieur du cercle polaire : le climat est armoricain, c’est-à-dire océanique, jamais très froid, et la nuit tombe plus tard ici, dans l’Ouest, qu’à Paris. »

La Bretagne hors saison possède comme sans doute de nombreuses régions françaises un charme authentique. Les sols et végétations des forêts sont couverts de mousses et ruissellent de gouttes perlées, les sentiers côtiers et les villages de caractères sont complètement déserts, les attentes chez le poissonnier sont réduites au minimum et les lieux sacrés répandent encore plus leur aura de sérénité. La campagne éclairée par quelques petites touches éparses de soleil possède une luminosité rare et détonante.

La lecture de Kenneth White participe à réveiller ces ressentis délectables à l’égard de cette magnifique région de France.

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  La Maison des marées

  de White, Kenneth White, Marie-Claude (Traducteur)
  Albin Michel
  ISBN : 9782226167194 ; 38,00 € ; 01/06/2005 ; 282 p. ; Broché

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