Une femme aimée de Andreï Makine

Une femme aimée de Andreï Makine

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Alma, le 12 août 2013 (Inscrite le 22 novembre 2006, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (42 982ème position).
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« Une grande amoureuse toujours déçue »

Cette « femme aimée », c’est la tsarine Catherine II, « cette femme grand homme » qui a pratiqué tout au long de son règne, de 1762 à 1796 « le jeu du pouvoir et du sexe ».

Elle est le pivot de ce récit, le sujet du scénario d’un film que le personnage principal, Oleg Erdmann, écrit dans les années 80, puis d’un téléfilm à épisodes qu’on lui commande, 16 ans plus tard. Evoquer Catherine II, dans le premier cas, c’est prendre le risque d’irriter le comité de censure en traçant d’elle le portrait trop flatteur d’une tsarine éclairée, dans le 2e cas, c’est de déplaire à l’audimat, en ne montrant pas assez de scènes racoleuses de la « Messaline russe » et de ses multiples amants.

Autour des 2 personnages du scénariste et de son héroïne , deux périodes et deux thèmes alternent et s’entrelacent: au travers de l’évocation de la vie amoureuse et du destin politique de Catherine « Sémiramis du Nord, Cléopâtre des Scythes, tsarine éclairée, héritière des Lumières qui cite Voltaire et Diderot au milieu des steppes du khanat des Tatars. », la Russie du 18 e siècle.
Au travers d’Oleg, une plongée dans le quotidien de L’URSS et dans l’univers du cinéma pendant plus de 15 ans, de la période de Brejnev à celle d’Eltsine. L’objectif d’Oleg est de faire sortir Catherine II de ce qu’il appelle « la cage » dans laquelle deux sortes de récits historiques l’ont enfermée « les uns montrent une femelle en chaleur, d’autres une championne de jeux politiques » Sa marge est étroite, il se propose en effaçant « les clichés qui la défigurent » de « démasquer la femme oubliée », une femme sincèrement et simplement aimée. Les destins du cinéaste et de son personnage vont finir par se superposer. Lui, le Russe, qui, comme Catherine II est d’ascendance allemande, va finir par réaliser avec Olga « un rêve vieux de 2 siècles », celui d’un voyage amoureux en Italie que l’impératrice vieillissante avait envisagé avec son jeune amant Lanskoï.

Les 2 thèmes se croisent, se séparent, se recroisent. A l’évocation historique d’une scène au 18e siècle, répondront ses différents projets de mise en scène au 20e siècle. La construction narrative est parfaitement maitrisée mais implique de nombreux retours sur des scènes antérieures, que certains pourront qualifier de redites.

Plus qu’un ouvrage historique sur l’impératrice, le roman m’est apparu comme un tableau, au travers du thème du cinéma, des transformations d’un pays passé en moins de 20 ans du communisme à l’affairisme , et plus largement encore d’une réflexion sur l’écriture cinématographique, sur le droit du scénariste à un regard personnel sur son personnage, sur les rapports entre le projet personnel d’un cinéaste et les désirs d’un public soumis actuellement « à la dictature de la médiocrité » et qui en vient à se contenter de feuilletons « de bas étage ».

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Les éditions

  • Une femme aimée [Texte imprimé], roman Andreï Makine
    de Makine, Andreï
    Seuil
    ISBN : 9782021095517 ; 20,90 € ; 03/01/2013 ; 362 p. ; Broché
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Roman historique

6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 11 avril 2022

Deux héros dans ce roman … pas comme les autres, à la fois roman historique et roman … romanesque.
La Tsarine Catherine II, qui régna sur la Grande Russie sur la seconde moitié du XVIIIème siècle, pour la partie historique, et Oleg Erdmann, personnage fictif, scénariste et cinéaste de notre période contemporaine, qui se penche sur la vie de la tsarine, réalise un film sur sa vie pendant la période communiste de l’URSS, période Brejnev/Andropov puis une série téléfilm alors que le carcan communiste a explosé, que Gorbatchev puis Eltsine sont au pouvoir et que les affairistes dépècent le pays.
C’est assez habile mais pas forcément si facile à lire. Et moi qui suis resté sur les romans « sibériens » d’Andreï Makine (le Testament français, La femme qui attendait, …), me manque le grand souffle de cette magistrale nature livrée peu ou prou à elle-même et que des auteurs comme Andreï Makine, Gouzel Iakhina ou Victor Remizov, savent nous faire ressentir.
L’air est vicié dans ce roman ! Autour de la tsarine, dans l’ambiance affairiste et dénuée de bonheurs d’une cour auprès d’une puissante, ou dans un monde communiste imposant à un réalisateur de film historique une espèce d’autocensure châtrant la réalité au profit d’une pensée unique et « dans la ligne du Parti », ou encore dans un petit monde médiatique qui n‘envisage la création que sous l’angle du crapoteux susceptible de créer le buzz et, partant, le succès financier.
Oui cet air est vicié. Rendez-moi la Sibérie !
Mais bon, pour réviser vos connaissances sur Catherine II, pour des considérations intéressantes sur l’évolution du monde soviétique entre l’ère Brejnev et celle d’Eltsine, il est utile et intéressant de lire cette Femme aimée.

Ce n'est pas le meilleur de Makine

6 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 8 mars 2014

Avant d’ouvrir ce livre et pour mieux le comprendre, je vous conseille de vous documenter un minimum (ou un maximum...) sur celle qui en est le personnage principale : Catherine II de Russie. Car ce roman est entre autre un dialogue, une interrogation, une réflexion sur cette petite princesse allemande dont le jeu des mariages arrangés a fait un des plus grands dirigeants qu’a connu la Russie.

Oleg, écrivain et scénariste va porter à l’écran à deux reprises ce personnage : une fois sous forme de film du temps du communisme en tentant d’éviter la censure, une deuxième sous forme de feuilleton dans la Russie moderne des oligarques en tentant d’éviter la dictature de l’audimat. Que peut-on dire de ce dirigeant extraordinaire, qu’a réellement pensé et voulu cette femme hors du commun, a-t-elle seulement été aimée ?
Entremêlant le récit de la vie de Catherine II et celle d’Oleg, Andrei Makine nous fait découvrir trois périodes de l’histoire russe : tsariste sous Catherine, communiste sous Brejnev et contemporaine sous Eltsine.

Makine manie la langue française avec toujours autant de délicatesse, mais le roman est maladroit à mon goût, déséquilibré en faveur de fastidieuses répétitions sur la biographie et les amants de Catherine II. La réflexion sur les deux autres périodes aurait pu être approfondie et gagner plus de force, l’histoire d’amour de la fin qui se veut un reflet des épisodes passés aurait été plus convaincante, la chute aurait été moins artificielle.

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