Là où se trouvait la mer
de Rick Bass

critiqué par Heyrike, le 8 février 2003
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
Long.......beaucoup trop long!
Le Vieux Dudley est un géologue irrévérencieux et obscène, qui tel les roches telluriques soumises au frottement chaotique ne conçoit ses rapports avec ses congénères que dans l'affrontement direct et brutal. Il envoie Wallis, embauché depuis peu, dans un village perdu au fin fond du Montana pour qu'il prospecte la région afin d'y trouver un gisement de pétrole. Le Vieux Dudley et Matthew (employé de longue date et amant de sa fille Mel) ont prospecté et échoué à 19 reprises dans cette région.
Wallis et Matthew sont en fait deux esclaves assujettis aux desiderata du Vieux Dudley, il les a brisés et soumis à ses lois, sans possibilité de retour en arrière et dans l'incapacité de redevenir indépendants. Tout comme il a procédé avec d'autres géologues avant eux, qui une fois usés et vidés sont jetés aux oubliettes de la géologie.
Wallis ira donc là bas, à Swan dans le Montana, en quête de l'or noir enfoui dans les profondeurs terrestres. Il est accueilli par Mel, qui vit dans cette vallée depuis 20 ans, attendant vainement qu'un jour Matthew vienne la rejoindre, mais la tyrannie exercée par son père sur son amant rend ce retour improbable.
Mel étudie les loups en suivant leurs traces "à l'envers" et communie avec cette nature qui n'a de cesse de la consumer. Wallis va errer longtemps et dessiner sans cesse des cartes géologiques pour cerner un puits éventuel, au point de sombrer dangereusement dans une léthargie hivernale.
Avec l'aide de Mel, Wallis renaîtra à la vie et sortira des abysses géologiques pour redécouvrir les merveilles d'une nature qui a su conserver toute sa noblesse, face à la civilisation qui menace de plus en plus la fragilité de ce sanctuaire enchâssé dans cette vallée.
D'abord distante, elle finira par tomber amoureuse de Wallis. Ensemble ils s'épanouiront à l'aube d'une vie nouvelle, et petit à petit Wallis parviendra à se libérer de l'emprise maudite du Vieux Dudley. Ce roman est un hymne à la vie, à la nature et à l'homme.
Mais que le roman est long, trop long (608 pages). Il y a environ 400 pages de trop. J'ai le sentiment que Bass a tenté d'étirer une nouvelle jusqu'à l'infini et l'au-delà. Ce qui aurait pu être une très bonne nouvelle est devenue un long roman de lassitude. Certes il y a la nature avec ces descriptions magnifique, la neige qui tombe et les arbres qui explosent sous l'effet du gel, les animaux qui errent jusque dans le village. Mais l'histoire n'en finit pas, tourne en rond et nous fait sombrer dans un océan d'ennui. J'ai bataillé ferme pour parvenir jusqu'à la fin du roman, afin de lui laisser une dernière chance de me surprendre, en vain.…. Dommage!
Survivre au temps qui n'avance pas 8 étoiles

Il existe une version courte de ce récit dans le recueil "Le ciel, les étoiles, le monde sauvage" publié chez 10/18, mais j'ai préféré la version longue, plus complète et plus riche.
La nouvelle "expurgée", que j'ai lue en premier m'avait semblée raccourcie, voire carrément tronquée d'un morceau, cela m'a intriguée et je suis tombée sur ce roman, bien plus dense et complet.
Je reconnais volontiers qu'il y a par moments quelques longueurs mais elles me semblent nécessaires pour poser le décor et créer l'ambiance, pour donner du poids aux personnages et surtout à leur histoire, ce destin de chercheur de pétrole pas toujours facile à comprendre. Une vie dure, pas très gaie, un métier casse-gueule, l'échec au rendez-vous, la gloire aussi.
Le personnage de Wallis est étonnant et terriblement humain. Un homme en quête du bonheur, qui l'effleure du bout des doigts, sombre avant de renaître. Un peu comme cette nature superbement décrite qui se réveille chaque année. Il y a un côté bien noir dans ce texte, cette dépendance et cet asservissement de Wallis, c'est oppressant mais réaliste et lucide.
Rick Bass s'étend sur des dizaines de pages pour les descriptions mais cela ne m'a pas dérangée, au contraire. Cela m'a aidée à me glisser dans la peau de Wallis et son territoire, de cette terre qui hiberne avant de s'éveiller à la vie, de cet hiver interminable qui plombe le moral tout en révélant ses beautés les plus secrètes.

Sahkti - Genève - 50 ans - 7 juin 2005


Un interminable hiver avant le renouveau... 10 étoiles

Heyrike a bien résumé "Là où se trouvait la mer", je ne m'attarderai donc pas ici à parler de l'intrigue. Par contre, je n'aurai pas trop de mots pour dire à quel point ce roman est magnifique, un hymne à la beauté des paysages du Montana, même - ou surtout - lorsqu'ils se révèlent sous leur facette la plus inhospitalière, au plein coeur de l'hiver, et une belle méditation sur les rapports que l'homme entretient avec la nature, rapports nourris d'un profond respect dans le cas de Mel en opposition totale avec son père, le vieux Dudley qui n'est qu'un autre avatar de ce Prédateur que Jim Harrison a lui aussi très bien décrit, notamment dans "De Marquette à Veracruz" à travers la lignée des David Burkett I à III.

Et pour ma part, je n'ai pas du tout trouvé que ce livre soit trop long. Mais peut-être faut-il avoir soi-même vécu un hiver interminable - au sens propre ou figuré -, un hiver où l'on se sent sombrer dans une léthargie de plus en plus profonde, où l'on croit que la lumière ni la chaleur ne reviendront jamais, peut-être faut-il avoir perçu la montée de la sève, l'odeur de la végétation qui soudain revient vous taquiner les narines et la réapparition des couleurs, tous signes d'un renouveau qu'on n'espérait plus... pour apprécier toute la justesse des descriptions de Rick Bass. Et il n'y a là, à mes yeux, aucune longueur inutile. J'ajouterai simplement que la version courte de "Là où se trouvait la mer" que Heyrike et Manu55 appellent de leurs voeux existe bel et bien, il s'agit d'une nouvelle portant le même titre, publiée dans le recueil "Le ciel, les étoiles, le monde sauvage" (voir http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=352 pour la critique de ce livre), une nouvelle qui m'a franchement laissée sur ma faim...

"Là où se trouvait la mer" est un de mes meilleurs souvenirs de lecture de l'année 2002, une année du reste très américaine pendant laquelle j'avais découvert avec autant de bonheur "La route du retour" de Jim Harrison et "Tandis que j'agonise" de Faulkner...

600 pages de pur bonheur que je vous recommande chaleureusement!

Fee carabine - - 50 ans - 27 février 2005


Dur... dur.... 5 étoiles

Prenez les ingrédients pour un bon roman, et ajoutez beaucoup, mais vraiment beaucoup de longueurs et vous obtiendrez "Là ou se trouvait la mer"

Manu55 - João Pessoa - 51 ans - 22 janvier 2004