Emile ou de l'éducation
de Jean-Jacques Rousseau

critiqué par Vladivostok, le 24 mars 2013
( - 38 ans)


La note:  étoiles
La préoccupation de Rousseau : la bonne éducation
Jean-Jacques Rousseau est un auteur qui vaut vraiment le détour.
Ce livre là "L'Emile" est une somme, ce qui peut décourager, mais une fois entre les mains, on ne le lâche plus.
Le titre l’indique, le livre porte sur l'éducation d'un jeune homme prénommé Emile.
M'appuyant sur les analyses d'Henri Guillemin, je dirais que pour comprendre ce livre, il ne faut pas faire abstraction de l'ensemble de l'oeuvre de Rousseau.
Rousseau est le penseur de la volonté générale, c'est à dire de l'accord de toutes les volontés dans la direction du Bien.
Il faut bien avoir en tête que "l'Emile" se propose d'édifier l'individu dès sa plus tendre enfance en lui apprenant à tendre vers le Bien. Il pourra ainsi, avec ses semblables élevés de la même manière, prétendre à une société basée sur la volonté générale.
Quand on pense à "l'Emile", on pense tout de suite au Livre IV, et plus précisément à la profession de foi du vicaire savoyard.
A mon humble avis, c'est là un texte d'une importance tant en ce qui concerne la vie même de Jean-Jacques Rousseau que le monde des idées.
Du fait de ce texte, Jean-Jacques Rousseau a essuyé de nombreuses critiques. Il y fait l'éloge de la Religion naturelle, celle de la relation à Dieu sans intermédiaires. Tout de suite, vous avez compris. Le "sans intermédiaires" signifie simplement sans institutions. Donc, pas d'Eglise, pas de clergé. Cela ne veut pas pour autant dire que Rousseau rejette le Christianisme. Au milieu du texte, l'on a l'impression qu'il met les religions sur le même pied d'égalité. Mais, petit à petit, il y vient. Il est fasciné par les Evangiles qui, même s'ils paraissent au premier abord contradictoires, doivent être néanmoins pris au sérieux. Et ce qui le fascine le plus, c'est le Christ qui est supérieur à tous les sages, même celui de Grèce (Socrate).
Le fait que la profession de foi du vicaire savoyard a une place importante dans ce livre signifie que, pour Rousseau, l'on ne saurait se passer de la religion, notamment dans l'éducation des enfants.
De ce fait, disons que Rousseau est singulier en ce siècle des Lumières.
Bon, ce qui peut irriter c'est le Livre V où Rousseau parle de l'amour et des rapports homme-femme. Il est évident que ce chapitre du livre ne correspond pas tout à fait à notre conception des rapports homme-femme. Sinon, il est toujours intéressant de connaitre ce que pense Rousseau de ce genre de questions. Surtout qu'il n'est pas le premier ni le dernier à penser la même chose.
Pour conclure, je dirais qu'avec Rousseau, ce philosophe néo-romantique, une journée à le lire n'est jamais perdue.
Long 8 étoiles

L'énorme point fort de Jean-Jacques Rousseau c'est son style, peut-être le meilleur écrivain de la langue française. D'ailleurs il est reconnu, il y a une cascade à son nom à Môtiers, une île à Genève, une autre à Bern, une rue à Annecy et en plus deux bâtiments où sa chambre est restée intacte, la visite est rapide avec une barrière devant le lit pour ne rien toucher, on a l'impression que son lit est encore chaud. Quant à ce livre, on le lit étant étudiant, après il devient difficile de le lire, c'est long à n'en plus finir. Après l'éducation je ne sais pas si c'est son meilleur sujet, il a abandonné trois enfants, laissés à l'assistance. Alors comment fait-on pour éduquer un enfant dans ces cas là. Il y a beaucoup de parlote, l'homme s'explique, il donne des exemples, après rien n'est à retenir, mis à part cela cet homme, cet écrivain, a juste marqué l'histoire.

Obriansp2 - - 54 ans - 16 janvier 2016


Éduquer, c'est confronter à la nature 9 étoiles

Cet ouvrage traite de l’éducation privée idéale telle que Rousseau la conçoit, depuis la naissance d’un enfant jusqu’à son mariage. Pour être plus concret et donner des exemples pratiques, Rousseau s’invente un élève qu’il appelle Emile et nous soumet parfois quelques dialogues qu’il a avec lui, entre deux parties plus argumentatives sur les nécessités de se comporter plutôt de telle ou telle manière. Ces dialogues, s’inspirant parfois de la maïeutique, sont peut-être les passages les plus instructifs et les plus concrets, nous permettant de nous représenter vraiment comment Rousseau dessine l’éducation parfaite. Parfaite dans le sens qu’elle rend l’individu heureux et qu’elle permet de l’inscrire pleinement dans la société, dans le respect de son fameux « contrat social » (dont il dessine d’ailleurs une ébauche dans le dernier livre). Cependant, cette éducation ne s’adresse qu’aux enfants des privilégies, héritant déjà d’un « bon naturel » ; il n’est pas bon que tous les enfants soient formés sans prendre en compte leur origine sociale. Il vaut mieux laisser des ignorants, qui trouvent le bonheur et l’utilité par exemples dans les travaux agricoles.

Comme son prénom l’indique, Emile est un garçon, est c’est sur l’éducation de ce sexe que Rousseau se concentre le plus. Il consacre cependant un livre entier (sur les 6 dont est composé Emile ou de l’éducation) à la façon dont devraient être élevées les filles. Il s’appuie alors également sur une Sophie fictive. Ce livre sera l’occasion de traiter des relations hommes-femmes telles qu’elles devraient être. J’y ai trouvé un intérêt moindre.

Le livre dont on entend le plus parler constituant l’Emile est sans doute la profession de foi du vicaire savoyard. Elle est introduite par le passage le plus philosophique que j’ai lu de Rousseau jusqu’à présent, toutes œuvres (soit 5 ou 6) confondues. Il nécessite une lecture hâtive pour ne pas déformer ou extrapoler la pensée de son auteur. C’est d’ailleurs cette partie de l’Emile qui lui a valu la censure et un départ précipité de la France où il n’était plus le bienvenu, qu’il nous relate dans Les Confessions. Il traite dans ces passages de sa conception de la religion et particulièrement du christianisme, et donc en conséquence de la façon dont on doit parler de religion à un enfant, en critiquant le catéchisme tel qu’il est alors délivré. Il me semble qu’il délivre un message de tolérance à l’égard de tous les croyants. Ces derniers ont deux attitudes possibles ; soit ils passent leur vie à chercher en quoi la religion en laquelle ils croient est plus vraie que les autres, en les étudiant donc toutes et en comparant leurs preuves ; soit ils sont tolérants avec celle des autres. Cette position me semble assez inhabituelle pour l’époque.

La base de l’éducation qu’il prône est de se focaliser sur l’observation et l’expérimentation. Il faut susciter la nécessité et la curiosité afin que l’élève comprenne et s’intéresse réellement, sincèrement, aux choses qui l’entourent. Sur le long terme, cela sera beaucoup plus profitable que l’apprentissage par cœur et la contrainte scolaire, qui constituent aujourd’hui la plus grande part de l’éducation. Cet extrait qui va dans ce sens me parle beaucoup :
« On borne pourtant toujours l’enfant à ces signes, sans jamais pouvoir lui faire comprendre aucune des choses qu’ils représentent. En pensant lui apprendre la description de la terre, on ne lui apprend qu’à connaître des cartes ; on lui apprend des noms de villes, de pays, de rivières, qu’il ne conçoit pas exister ailleurs que sur le papier où on les lui montre. Je me souviens d’avoir vu quelque part une géographie qui commençait ainsi : Qu’est ce que le monde ? C’est un globe de carton. » (p91)

En fait, l’éducation telle que la conçoit Rousseau ne doit finalement constituer qu’un encadrement de ce que la nature fait toute seule, lorsque l’enfant est à son contact. De la même manière que le thérapeute a souvent pour rôle d’accompagner la guérison naturelle plutôt que de délivrer une substance ou des gestes possédant une efficacité propre ; c’est en tout cas le parallèle que j’établis.

De nombreux sujets en rapport avec l’éducation mais aussi avec les thèmes chers à Rousseau que l’on retrouve quasiment dans toute son œuvre sont abordés comme par exemple les questions de « liberté », d’hommes à « l’état sauvage ». On y trouve aussi une dénonciation de l’histoire telle qu’elle est conçue est enseignée :
« L’histoire en général est défectueuse, en ce qu’elle ne tient registre que de faits sensibles et marqués, qu’on peut fixer par des noms, des lieux, des dates ; mais les causes lentes et progressives de ces faits, lesquelles ne peuvent s’assigner de même, restent toujours inconnues. » (p246)

Les 600 pages de cet ouvrage (en édition ebook gratuite et libre de droit) peuvent se lire de manière distrayante et rapide à la vue de la richesse des sujets abordés. Mais si l’on veut en saisir l’intégralité, je crois qu’il nous faudra de nombreuses et attentives lectures. Je me suis pour ma part focalisée sur les passages qui m’ont le plus titillée ou ravie, me permettant de parcourir un peu plus vite les autres, persuadée d’y revenir un jour.

Elya - Savoie - 34 ans - 4 octobre 2013