Chapitres d'histoire de l'école en Franche-Comté
de Joseph Pinard

critiqué par JulesRomans, le 31 mars 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Peut mieux faire !
L'auteur de ce livre ayant été professeur d'histoire (et accessoirement député de 1981 à 1986 pour Besançon), on peut attribuer une appréciation à son livre du style de celle qu'on trouvait souvent à l'époque où il enseignait (il est né en 1936).

La Franche-Comté est une région où en particulier dans le Doubs (et spécialement dans la "Petite Vendée") les notables catholiques firent le choix en milieu rural de tenter de garder l'école publique sous leur coupe plutôt que de favoriser l'école privée. Ceci explique la présence de crucifix dans les écoles publiques jusqu'en 2004 à Maisons-du-Bois. En 1994, le ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou, avait demandé le retrait des crucifix considérés comme "signes ostentatoires", mais le maire (par ailleurs sénateur) a résisté dix ans. C'est la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques qui a permis de clore cet épiphénomène (qui n'avait rien à voir avec le statut particulier de l'Alsace-Lorraine). Cette longue histoire (sur 100 ans), l'auteur Joseph Pinard ne nous en conte pas la fin puisque son ouvrage sort en 2001.

La Franche-comté a pour particularité d'avoir comme instituteurs Pergaud, Frossard (père du PCF et du journaliste du "Figaro" ami des papes, dira-t-on avec humour) , des pionniers du syndicalisme chez les instituteurs (il faut attendre les Années folles pour que les fonctionnaires puissent se syndiquer), de nombreux syndicalistes favorable au courant révolutionnaire École émancipée ou à la CFTC puis au SGEN, des davidées (institutrices de l'enseignement publique affichant leur foi catholique) ...

Tout cela est évoqué et bien d'autres choses (dont l'absinthe qui coûte sa réélection comme sénateur du Doubs à un ministre de l'Instruction publique qui avait promu la lutte contre l'alcoolisme) sont présentes dans ce livre, mais elles arrivent de façon confuse et sans aucun réel travail sur archives (si ce n'est la presse locale de l'époque).

On s'attendait à ce que les dossiers d'instituteurs soient consultés et exploités, un seul a été utilisé, pour présenter un rapport d'inspection de 1962 sans aucun intérêt. Nous savons de nous-mêmes qu'au moins dans trois départements sur quatre ils ont été très bien conservés. L'auteur ne semble jamais avoir vu la moindre réponse à l'enquête d'Ozouf sur les instituteurs de la Belle Époque, il y aurait trouvé de quoi faire approcher la vie quotidienne des instituteurs des écoles franc-comtoises et entre autres des informations sur certains syndicalistes dont il donne le nom.

Le plan est chronologique, alors que des sujets concernent plusieurs époques (comme l'affaire des crucifix ou le pacifisme), ils reviennent alors deux fois.

Si vous ne connaissez pas bien l'histoire de l'ensemble de la IIIe république et les bases en matière de syndicalisme enseignant durant cette période, vous n'arriverez pas à rentrer dans l'ouvrage.

Si vous connaissez pas mal de choses sur le sujet, vous récolterez un petit nombre d'anecdotes. Certes l'auteur annonçait qu'il se conterait de coups de projecteurs, mais il ne vous aura guère éclairé. Vous verrez qu'il y a des oublis pour certaines figures capitales d'instituteurs comme Louis Renard du Pays de Montbéliard ou le père du révisionnisme en matière de Shoah Paul Rassinier, qu'aucun portrait d'inspecteur ou directeur d'école normale n'est dressé alors que des Francs-comtois d'origine ont exercé dans la leur région tel Numa Magnin dont la trilogie autour de son personnage "La Bique" (surnom d'un petit paysan du Haut-Doubs) fut extrêmement lue par les enfants des années 1920 à 1950... Comme il n'y pas de bibliographie et de notes de bas de pages, quand un sujet vous intéresse vraiment il vous sera difficile de trouver ici les pistes pour l'approfondir.

Vous noterez des erreurs factuelles qui prouvent que l'auteur évoque des choses dont il n'a pas vraiment l'idée, ainsi page 17 il écrit qu'il y avait quatre écoles normales dans le Doubs, pensant qu'à Montbéliard il y avait une formation pour les instituteurs protestants et une autre pour les institutrices de même confession. La consultation du "Dictionnaire de pédagogie de Buisson" est là pour prouver le contraire http://inrp.fr/edition-electronique/lodel/…. Un mémoire écrit à la fin du XIXe siècle, que J. Pinard ignore, retrace d'ailleurs l'histoire de cet établissement pour les garçons et donne le nom de tous ses élèves durant toutes les années où il exista. Parmi ceux-ci Frédéric Beucler écrivain et journaliste en marge de son métier d'instituteur à Beaucourt.

De plus les louanges continuelles à l'égard des personnes de confession catholique et certaines petites vacheries à l'encontre des défenseurs de la laïcité, font de cet ouvrage un livre militant par certains aspects. Les illustrations se font rares, il s'agit toujours de textes et elles sont parfois sans intérêt, ainsi à une circulaire du recteur demandant de lui signaler les ouvrages à proscrire en 1940, on aurait préféré la liste des ouvrages autorisés (la parution s'en fit dans tous les bulletins départementaux de l'instruction publique) et celle des livres interdits. En résumé, mieux aurait valu se centrer vraiment sur le Doubs (très privilégié ici), se limiter dans le temps (alors que l'ouvrage couvre la période 1970 à 2000) ou n'aborder que des points vraiment liés entre eux.