Les Dames du Chemin
de Maryline Martin

critiqué par JulesRomans, le 3 avril 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
J'ai rencontré trois capitaines avec mes sabots dondaine
Voilà douze nouvelles, d’une bonne dizaine de pages chacune, qui permettent de bien mettre en valeur diverses dimensions culturelles de la Grande Guerre. Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’approche à travers un personnage principal féminin, on retiendra en particulier trois nouvelles au contenu fort émouvant.

"Nénette et Rintintin" est un extrait d’un journal d’une écolière ; cette dernière raconte les privations quotidiennes, ses lectures patriotiques, l’attente du courrier du père et la visite dans la classe de l’inspecteur d’académie (plus vraisemblablement de l’inspecteur primaire de circonscription) et bien entendu l'envoi à son père des « petites poupées de laine porte-bonheur qui le protègeront jusqu’à la fin de la guerre ». Celles-ci sont nommées "Nénette et Rintintin" par référence aux poupées en porcelaine bien françaises de Poulbot (les industries allemandes et autrichiennes du jouet dominent alors le marché européen), créées peu de mois avant la déclaration de guerre.

La nouvelle "Enfant de personne" évoque à la fois les souffrances des femmes victimes de viol par l’occupant et les dures conditions de travail dans les usines d’armement françaises. Pour faciliter la compréhension du récit, on aurait gagné à préciser que l’action se situe au départ dans un village reconquis lors de la Première bataille de la Marne.

Le texte "L’alouette" pointe le rôle essentiel des femmes dans l’action de renseignements au milieu des territoires conquis du nord de la France ; l’on sait qu’à l’instar de Louise de Bettignies, certaines payèrent très cher leur dévouement patriotique. Ici le personnage dit "L’alouette" aurait une vie plutôt proche de celle de la Marthe Richard de la Première Guerre mondiale, un peu d'exotisme en moins.

Nos laisserons au lecteur le soin de découvrir les autres traits des personnages mis en exergue pour approcher l’atmosphère de cette époque. Jean-Pierre Verney, qui a fait don de ses énormes collections au Musée de la Grande Guerre de Meaux, a préfacé l’ouvrage, il parle à propos de son contenu de « lucide, poignant et incisif regard porté sur les terres dévastées, les corps meurtris, les âmes violées, les innocents fusillés, enfin tout ce qui a nourri cette Grande Guerre ». Si ce titre dans son ensemble s’adresse à un lectorat adulte ou composé de lycéens, certaines nouvelles pourraient très bien convenir à des collégiens. On reste réservé à proposer à des jeunes manquant de maturité la totalité de son contenu du fait de certains passages, certes sobrement traités mais évoquant des drames comme le viol ou des comportements qui renvoient à une certaine forme de prostitution.

L’ouvrage est un hommage à Abel François Victorien Marchand. Une recherche complémentaire nous apprend qu’il s’agit d’un soldat de deuxième classe du 156e régiment d'infanterie (basé à Toul en août 1914) né en 1896 à Pontchardon, un village alors de 350 habitants, près d’Argentan dans l’Orne. Il est décédé le 16 avril 1917 au Chemin des Dames lors de l’offensive Nivelle, plus précisément à Moussy dans l’Aisne.