Comme un gant de velours pris dans la fonte de Daniel Clowes

Comme un gant de velours pris dans la fonte de Daniel Clowes
(Like a velvet glove cast in iron)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Comics , Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Blue Boy, le 13 avril 2013 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 6 étoiles
Visites : 4 191 

Velvet paranoïa

Dans une Amérique contemporaine et dénuée de sens, Clay, un type un peu déphasé au bord de la déprime est intrigué par un film sans queue ni tête au titre éponyme qu’il vient de visionner dans un cinéma de quartier. Il décide de retrouver la maison de production qui est à l’origine du film, ce qui va le conduire dans une quête, ou plutôt une errance surréaliste et cauchemardesque où il croisera une galerie de personnages tous plus étranges les uns que les autres.

Il serait très facile de descendre cette BD en apparence sans queue ni tête, tant il semble que l’auteur fait tout ce qu’il faut pour échapper à la logique d’un scénario conventionnel, avec une détermination qui friserait presque l’inconscience voire le mépris pur et simple de son lectorat… Les cases comportent en outre de multiples symboles, références et autres clins d’œil (en tout cas j’ai cru le comprendre, à moins que, là encore, Daniel Clowes ait décidé de se jouer de nous). Et pourtant…

Cette histoire façon polar fantastique se rapproche davantage d’un cauchemar lynchien (pour le coup, il y a ici des références assez évidentes à « Eraserhead ») qui sait vous mettre très mal à l’aise, car non seulement on n’y comprend pas grand chose mais en plus la folie y étale ses sourires grimaçants et ses névroses à chaque coin de page… Comme le croisement d’un surréalisme sous acide avec un univers SF des fifties US qui peut facilement rappeler de vieilles séries TV comme la « Quatrième dimension ». Le style graphique en noir et blanc est par ailleurs très proche de celui d’un Charles Burns au cerveau tout aussi « maladivement » créatif mais dont l’approche scénaristique semble plus cohérente. N’est-ce qu’un portrait au vitriol de plus de la société US névropathe par un de ses sous-produits ? Cela est bien possible, et il faudra non seulement de la patience (pour qui ne voit que par le scénario) mais des nerfs bien accrochés, car c’est tout de même une drôle d’expérience qu’une bd de Daniel Clowes…

En ce qui me concerne, c’est la première fois que je lis quelque chose de cet auteur. Sur le moment, j’étais plutôt déconcerté (cette fin !) et me sentais frustré d’avoir trouvé si peu de clés (donc un peu agacé aussi), mais en même temps, j’en ressortais avec un sentiment de fascination qui fait que je récidiverai peut-être avec un autre de ses ouvrages. Peut-être ne faut-il pas chercher à tout comprendre du premier coup avec ce style de récit, mais simplement se laisser aller au gré des pages et attendre de voir, une fois le livre refermé, quelles images émergent selon le phénomène de persistance rétinienne. Et du coup, celui-ci ne laisse pas indifférent…

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