La première sardine à avoir bouché le fleuve de l'Union sacrée

Cet ouvrage était sorti en 2011 dans une édition plus luxueuse et le critique de "La Revue des Deux-Mondes" écrivait à son propos : « Par un jeu de miroirs déformants, Jean-Yves Le Naour nous révèle, un Midi tel que les Français d'alors le redoutaient ».

Avec le développement très important des journaux dès la fin du Second Empire, est née une opinion publique. Le ministre de la Guerre Adolphe Messimy (lui-même journaliste et alors député de l’Ain) comprend qu’il faut nourrir les journalistes et ne pas se contenter de faire confiance à la censure. Les deux premiers mois de la guerre sont une hécatombe pour l’armée française, on relira à ce propos notre critique de "Le jour de deuil de l’armée française, 2" de Jean-Claude Delhez. La raison en est essentiellement la supériorité tactique de l’armée allemande, celle-ci ne lance à l’assaut son infanterie qu’après une préparation d’artillerie. Accessoirement le soldat allemand a une tenue bien moins voyante que le pantalon garance et les officiers supérieurs allemands se sentent autorisés à prendre des initiatives (un peu trop d’ailleurs …).

Joffre avant de se voir remis en cause pour sa conduite des opérations, fournit une explication à son ministre de la Guerre qui met en cause la tenue au feu des troupes issues des régiments du Midi. Adolphe Messimy va donner un fromage à la presse en utilisant … le petit Gervais.

Ce dernier est journaliste, mais aussi sénateur de la Seine (de 1909 à sa mort en 1917) et il a servi dans l’armée comme officier de 1877 à 1882 , il est prénommé Auguste et s’est fait passer pour un Auguste sur les questions militaires. En matière d’ancrage local il part d’Issy-les-Moulineaux dont il est maire vers une partie de l’arrondissement de Sceaux (il est là député entre 1898 et 1909), en passant par le canton de Vanves.

Le ministre de la Guerre Adolphe Messimy accepte les explications données par Joffre et semblerait très fortement avoir convoqué le sénateur Gervais pour lui dicter l’article qui paraît dans "Le Matin" le 24 août, ce choix n’est pas anodin car ce titre tire alors à 1 500 000 exemplaires.
Le reste de la presse trouve généralement maladroit un papier qui jette l’opprobre sur une partie de l’armée française et s’étonne que l’on ait favorisé un journal pour publier des informations confidentielles qui étonnamment ont échappé à une censure si prompte à réagir. Il est à noter que pour une fois "L’Action française" ne crie pas haro sur le baudet, il est vrai que Maurras né à Martigues (la Venise provençale) se sent humilié par cette attaque centrée sur les régiments provençaux et niçois et que c’est Hervé (encore socialiste) qui va le plus loin dans la critique en parlant de coup de poignard dans le dos. Toutefois certains journaux reprennent à leur compte le discours de Gervais et "L’Homme libre" du sénateur varois (mais d’origine vendéenne) Georges Clemenceau n’est pas le moins virulent dans la façon dont il traite les soldats du Midi.

Voilà pour les faits, nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les caractéristiques attribuées aux Méridionaux (Gascons, Languedociens, Provençaux et Niçois confondus) . Il est vrai qu’un demi-siècle plus tôt le géographe universitaire Victor Adolphe Malte-Brun en décrivant une région n’oubliait jamais par parler des penchants de ses habitants (qualités et défauts de leur caractère) et que le français Gobineau est l’auteur d’un fameux "Essai sur l’inégalité des races humaines" au milieu du XIXe siècle. Dans les petites histoires et géographies départementales en usage à l’école primaire sous la première partie de la IIIe République, globalement ce sont les aspects valorisants qui étaient retenus pour un ouvrage à destination prioritaire des écoliers locaux.

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  La légende noire des soldats du midi

  de Le Naour, Jean-Yves
  Vendémiaire
  ISBN : 9782363580757 ; 8,00 € ; 20/03/2013 ; 192 p. ; Broché

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