Je ne sais quelles gens
de Wisława Szymborska

critiqué par Septularisen, le 24 avril 2013
( - - ans)


La note:  étoiles
LA DAME QUI PARLAIT DE POÉSIE.
Voici donc le deuxième livre publié en langue Française de l’œuvre singulière de Mme. Wislawa SZYMBORSKA, (1923-2012), après que le Nobel lui fut décerné en 1996. Comme pour le recueil «De la mort sans exagérer» (déjà présenté ailleurs sur CL), il s’agit ici d’une sélection de poèmes s’étendant des années 1957 à 1996, toujours dans une magnifique traduction de Piotr KAMINSKI.
En préface de ce livre on trouvera le Discours prononcé par l'auteur lors de la remise de son Prix Nobel de Littérature.

Comme toujours chez la poétesse Polonaise ce qui frappe le plus c’est la beauté et la simplicité de son langage et de son écriture. C’est une poésie facile d’accès, toute en images, en finesse… Avec un langage direct et limpide, c’est lucide, lyrique, «vivant», avec des mots de «tous les jours», qui s’y glissent et qui de ce fait passent quasiment inaperçus. Ce n’est pas sans rappeler la poésie de Francis PONGE ou d’Eugène GUILLEVIC.

C’est une poésie libérée de toutes les contraintes et qui «libère» de ce fait tout ce dont elle parle, on passe ainsi sans s’en étonner le moins du monde, de l’humour à la réflexion philosophique, de l’être humain aux animaux, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, de la compassion à un humour grinçant, du concret à l’inconsistant, d’un paysage à un « Camp de la faim », d’un tableau de BRUEGEL à un hommage à Thomas MANN…

Encore une fois je ne peux donc que recommander au plus grand nombre de découvrir l’œuvre de Wislawa SZYMBORSKA, si empreinte de l’époque dans laquelle nous vivons…

Une fois de plus je laisse l’œuvre, qui se suffit largement à elle-même, parler à ma place, car tout ce que je pourrais dire ne suffira sans doute pas à vous faire apprécier le talent de la «grande dame» des lettres Polonaises…

Voici donc, tiré du recueil "Cas où" (Wszelki wypadek), de 1972, la poésie intitulée «Éloge des rêves » (Ponchwala snów) :

En rêve
je peins comme Vermeer De DELFT.

Je parle couramment le grec
et pas seulement aux vivants.

Je conduis des voitures
qui consentent à m’obéir.

Je suis douée,
j’écris de grands poèmes.

J’entends des voix
Aussi bien que des saints très sérieux.

Vous seriez étonnés
de ma vélocité au piano.

Je vole comme il se doit,
c’est-à-dire par moi-même.

Tombant du toit,
je sais tomber mollement dans la verdure.

Je n’ai aucun mal
à respirer sous l’eau.

Je ne me plains pas :
je suis parvenue à découvrir l’Atlantide.

Je ne réjouis de savoir
me réveiller toujours avant la mort.

Sitôt la guerre éclatée
je change de côté.

Je suis, mais sans être obligée,
un enfant de mon époque.

Il y a quelques années
j’ai vu deux soleils.

Et, avant-hier, un pingouin.
Parfaitement, comme je vous vois.