Les mystères de la Troisième République tome 1 : les démons des années 30
de Philippe Richelle (Scénario), Pierre Wachs (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 14 mai 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
"Pain, paix, liberté" (slogan du Front populaire)
En modifiant légèrement les noms de Salengro et de Stavisky, le scénario mêle habillement deux affaires qui marquèrent profondément les dix dernières de la IIIe république ; plus que d’y faire allusion, le récit en donne les clés essentielles.

De Poitiers avec Gaston Hulin à Besançon pour Julien Durand, plusieurs députés qui avaient à tort ou à raison échappé à une condamnation pour leur rôle dans l’Affaire Stavisky payèrent en 1936 de leur siège leurs imprudences ; la plupart du temps c’est un élu très à droite, pouvant être proche des Croix-de-feu du colonel de La Roque comme Louis Biétrix, qui prend le siège d'un de ces députés radicaux. Tout ce qui est avancé historiquement sur cette dernière dimension et bien d'autres relèvent de la fiction mais appartient au "mentir vrai" (tout est plausible même si cela n'est pas arrivé ainsi d'après l'historien). Le lecteur habituel de BD historiques sent vite le souffle qui passe dans le scénario de cet album. Le graphisme avec des décors fouillés et des physiques de personnages bien en rapport avec leur caractère, joint à des couleurs portant un esprit légèrement nostalgique, sert très bien le récit.

Le point de départ de cet album est le meurtre d’un journaliste parisien d’extrême-droite dans une de ses résidences en Normandie. La recherche de l’assassin est la quête essentielle, plusieurs personnages ont des mobiles possibles mais c’est peut-être en son sein que l’hydre fascisante a nourri son Hercule. Des jalons par rapport à l’histoire de la jeunesse et le destin lors des Années noires futures sont élégamment posés pour le héros. Ce dernier est un inspecteur de police originaire d’un milieu ouvrier de la région du Nord ; une histoire d’amour se dessine pour le second tome de cette série entre lui et la fille du patron qu'avait son père autrefois.
DANS LES MÉANDRES DE LA TROISÈME RÉPUBLIQUE 7 étoiles

Au début de l’histoire nous sommes en septembre 1937, Lucien Fabre le directeur du journal « La vérité » est assassiné de deux balles de pistolet dans sa résidence secondaire à Villerville, dans le Calvados, alors qu’il revenait d’une promenade à cheval.

A Paris, sa veuve Mathilde Fabre charge le commissaire Franck Peretti et ses assistants les commissaires Perrier et Lacaze de mener l’enquête. Celle-ci s’annonce tout de suite difficile, car la victime, éditorialiste talentueux, dans le journal d’extrême-droite « La vérité », s’était fait un grand nombre d’ennemis. Il avait d’ailleurs déjà reçu à plusieurs reprises des menaces de mort.

De plus le journal "La vérité", qu’il dirigeait maintenant depuis cinq années, s’était donné pour mission de dénoncer les turpitudes des élus de la France, - aveuglés par leur soif de pouvoir d’argent et d’honneur-, n’avait, en effet, pas hésité récemment à dénoncer les accointances de certains députés radicaux avec des financiers douteux…

Reprenant quelques-unes des grandes affaires et des grands scandales qui ont secoué la troisième République, M. Philippe RICHELLE, nous propose ici un scénario solide, bien ficelé et inspiré de faits réels, en prenant toutefois soin de légèrement modifier les noms et les dates. Les personnages sont bien présentés, très fouillés psychologiquement et très réussis.
J’ai notamment beaucoup aimé les dialogues, avec leur lot d’expressions utilisées à l’époque, et aujourd’hui tombées complètement en désuétude, comme p. ex "Son rustaud" pg 11, "Pas mal conformée" pg 18 ou encore "il s’était fait repasser" pg. 33.

Notons toutefois quelques erreurs historiques sur la «time line» de l'histoire, ainsi p. ex. notamment Pg 7, si nous sommes en septembre 1937, comment le héros peut-il aller acheter en librairie un livre d’Ernest HEMINGWAY paru en français en.. 1938 ? Et surtout comment peut-il voir en exposition un livre d’Agatha CHRISTIE paru en français en… 1945 ?

Le dessin de M. Pierre WACHS est lui très agréable, très bien fait. Le trait est fin et bien fini. Priorité est donnée aux personnages, avec des visages très bien dessinés aux traits très fins et très expressifs, mais je dois dire que les rares paysages sont très bien réussis aussi.
Les couleurs de Mme. Claudia BOCCATO sont également très réussies avec une préférence pour les bleus clairs et les rouges assez vifs. Jolie idée aussi le fait de présenter les souvenirs et les rêves du héros de la BD en couleur sépia, flirtant avec le noir et blanc, pour donner une impression de vécu et de nostalgie opposée aux couleurs vives du temps présent.
Je m’en voudrais de finir sans dire un mot du découpage qui m’a vraiment très agréablement surpris, avec une modernité à laquelle je ne m’attendais absolument pas, pages 15-16 ou 35-36 p. ex.

Un bonne BD historique, un bon moment de lecture, dont je lirai les volets suivants avec plaisir.

Septularisen - - - ans - 19 avril 2016