La souterraine de Christophe Pradeau

La souterraine de Christophe Pradeau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sissi, le 20 mai 2013 (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans)
La note : 8 étoiles
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Etrange et vaporeux...

Par souterraine, on peut entendre une espèce de voie intérieure, un chemin de repli, une plongée dans le gouffre de l’intimité, l’intériorité profonde, les racines tenaces de l’imaginaire, ou encore une vertigineuse plongée fantasmagorique.
"La souterraine", c’est l’immersion dans l’étrange et l’opaque, c’est le Fourmilion, ce vers qui s’enfonce dans le sable jusqu’à capturer sa proie, c’est le Goumareix, un monstre reclus au centre de la terre…c’est le monde fantastique de l’enfance, que le narrateur et sa sœur Laurence réinventaient chaque dimanche soir, au retour de Lubersac, le village de leur grand-mère friande d’histoires.
Ils regardaient défiler le paysage, inventaient des univers magiques ou inquiétants, aux confins entre la réalité et le rêve.
« Tous lieux, villages, lacs et carrières, qui, un temps, avaient appartenu à la route. Pour certains, nous n’aurions su dire où les trouver, comment y aller, s’ils existaient encore, si même ils avaient jamais existé ; le doute était permis, peut-être étions-nous victimes de souvenirs interpolés, d’images arrachées à l’un ou à l’autre de ces mondes imaginaires que nous fréquentions à longueur de temps, nous qui n’avions de cesse d’ouvrir livres et télévisions et d’explorer l’intimité inusable de nos rêves. »

Et le narrateur se souvient de ces moments, mais surtout des mondes qui naissaient dans l’imaginaire de sa sœur, dont on comprend au détour de quelques phrases allusives qu’elle est décédée, il y a longtemps, et que ce retour en arrière procède d’une promesse qu’ils s’étaient faite, celle de se « rappeler, jusqu’à l’heure de notre mort-[..] -ce que ça fait d’être un enfant.

Et puis il y a une nuit, particulière, où le brouillard les condamne à attendre une éternité, où quelque chose de surréaliste semble se produire, comme s’ils basculaient dans un autre espace-temps.
Souvent, dans ce livre, la narrateur bascule, dans quelque chose de parallèle, une autre époque, un autre lieu... en fixant une montre ou en divaguant…

« Pendant plus de neuf heures, nous fûmes seuls, absolument seuls, à affronter nos peurs, le poids immense des ténèbres, qui pèsent si cruellement sur les yeux aveuglés. Etouffés d’ouate, blottis dans notre voiture comme dans un cocon, nous étions réduits à l’état de larves attendant nous ne savions quelle métamorphose- ou que s’avance pour nous dévorer l’araignée qui avait jeté sa toile sur l’univers. »

La seconde partie « La route de l’ambre », est moins réussie car elle est beaucoup plus linéaire, et relate un récit qu’imaginait Laurence en l’étoffant chaque soir davantage de manière rituelle quand elle avait vingt ans, récit qui s’essouffle un peu et est moins accrocheur dans sa fantasmagorie.

Etrange et vaporeux. Une écriture soignée, imagée, qui évoque, raconte, exprime.
A découvrir.

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