L'homme de paille
de Daniel Poliquin

critiqué par Dirlandaise, le 30 mai 2013
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
La truculente histoire de Benjamin de Saint-Ours
Daniel Poliquin est un franco-ontarien originaire de la belle ville d’Ottawa en Ontario. Il détient un doctorat en lettres de l’Université d’Ottawa et exerce le métier de traducteur. Il a traduit Jack Kerouac, Mordecai Richler et Matt Cohen. Il défend la cause de la minorité francophone ontarienne ce qui le rend fort sympathique à mes yeux.

Ce livre retrace l’histoire de Benjamin de Saint-Ours dit l’Homme de paille, seigneur de La Sapinière durant les années tumultueuses du siège de la ville de Québec par les Anglais. La Nouvelle-France vit ses derniers balbutiements et bientôt, les habitants de Québec deviennent des citoyens de la couronne britannique. Le livre est divisé en trois parties. Dans la première, nous suivons une troupe de théâtre tentant de survivre aux bombardements anglais et bivouaquant dans les ruines. La deuxième partie nous relate le réveil de Benjamin après sept années de sommeil et ses difficultés d’adaptation dans sa seigneurie de La Sapinière. La troisième partie met en scène des personnages tous plus insolites les uns que les autres qu’on croirait sortis de nulle part mais dont l’origine nous est révélée à la toute fin du livre.

J’ai eu un peu de mal à apprivoiser le style particulier de l’auteur. Ce récit est en fait un conte à ne pas prendre au sérieux, une création de son imagination débordante sur un fond historique solide et détaillé. L’écriture impeccable, le vocabulaire riche, le talent indéniable de raconteur de monsieur Poliquin font de ce livre une réussite à condition de se laisser prendre par la magie du récit, la truculence des situations et l’humour parsemant les chapitres. L’intérêt historique est indéniable. L’auteur est sans contredit bien documenté sur cette période charnière de notre histoire. Il nous plonge dans le quotidien des gens avec un foisonnement de détails pittoresques et captivants.

Par contre, le style est parfois si étrange qu’on se demande où l’auteur veut en venir. Tous ces changements de narrateurs sont parfois un peu irritants. On s’y perd, on ne sait plus qui raconte. J’ai eu parfois l’impression que tout cela était bien débridé, sans queue ni tête. Pourtant, rien n’est laissé au hasard, tout est calculé et pensé ce qui m’a procuré une grande satisfaction et un sourire après avoir refermé le livre.

Un roman historique de qualité mais qui demande un certain effort de concentration pour bien assimiler tous ces personnages et ces événements qui relèvent d’un folklore un peu suranné.

« Franchement, je n’ai jamais tant pris plaisir à faire mon métier que dans ces jours-là. Si on faisait ce que j’ai fait, il y aurait moins de gens qui souffriraient sur terre. Ce n’était pas très difficile. J’ai mis le mort dans un cercueil de sapin au fond d’un petit caveau à légumes pour que son odeur n’incommode personne, et j’ai ensuite fabriqué un mannequin qui était censé le représenter. Je suis assez habile de mes mains, c’était ressemblant, j’étais content de moi. Comme c’était jour de marché et que c’est toujours un bon moment pour faire un exemple, j’ai emporté le mannequin au pilori de la rue Saint-Paul, j’ai fait battre le tambour, j’ai lu sa sentence, je lui ai appliqué ses cent coups de fouet et je lui ai coupé le poing. Sans m’évanouir une fois, hein ? Malheureusement, la place était vide, parce qu’un patient qui ne souffre pas, ça n’intéresse personne. »

« Montcalm a livré la bataille dont il rêvait dans les règles de l’école de guerre et il a perdu en quelques minutes. On a compté six cents morts parmi les Français, dont Montcalm qui a été enterré à la hâte dans un cratère d’obus, au beau milieu de la chapelle des ursulines. Saint-Ours était avec les miliciens canadiens et les Indiens de Dumas qui ont harcelé les Anglais sur leur flanc droit et fait beaucoup de morts, dont le général Wolfe qui est allé mourir sur son navire. Québec a capitulé ce matin, à la demande des bourgeois, après cinq jours de pourparlers. »