En Amazonie: infiltré dans le "meilleur des mondes"
de Jean-Baptiste Malet

critiqué par Unfold, le 1 juin 2013
( - 45 ans)


La note:  étoiles
En fait, Amazon c'est juste une entreprise comme les autres...
Certains journalistes n'ont pas beaucoup d'imagination quand ils choisissent leur sujet. Jean-Baptiste Malet est de ceux-là. A 26 ans, il cherche certainement un gros coup. De qui parle-t-on en ce moment ? Des géants du net. Quel sujet fait scandale ? Les conditions de travail des petites mains de ces sociétés. Bon, ne reste plus qu'à choisir : Apple et son sous traitant chinois Foxconn : trop loin. Google et ses ingénieurs travaillant 80 heures et "vivant" littéralement au bureau : pas le niveau. Reste plus qu'Amazon et ses entrepôts français. Comment faire pour y entrer ? trop facile : l’intérim, au moment des fêtes de Noël, là où l'entreprise triple ses effectifs. Combien de temps ? Deux semaines, c'est bien assez pour du journalisme d’investigation !

Passons sur le fait que je n'ai pas la même notion de journalisme que ce monsieur et arrêtons nous sur son livre. On parle ici des conditions de travail au sein d'Amazon, pour un employé en intérim avec un travail de nuit. Voici une approche déjà très réductrice de son sujet : "l'entreprise Amazon". Après lecture de son "petit" livre (150 pages) : faire un travail répétitif, c'est dur, faire un travail de nuit, c'est fatigant, avoir des supérieurs hiérarchiques, ce n'est pas facile. Et puis Amazon, ce n'est pas le Club Med, ils sont exigeants et méfiants sur le vol interne. De plus, comme tout le monde le dit, l'évasion fiscale d'Amazon est un scandale. Sa conclusion : arrêtons de commander sur Amazon et favorisons les petits libraires qui eux, bien sûr, déclarent tout ce qu'ils vendent et embauchent à tour de bras des salariés bien payés plutôt que de faire eux mêmes 60 heures par semaine.

Chacun ira de sa remarque, je ne suis ni un "pro-Amazon" ni un "anti-Amazon". J’apprécie les prix, le vaste choix de produits, la rapidité de livraison et le service client. Tout comme j'apprécie de faire mes courses en grandes surfaces (où le travail n'y est pas moins fatiguant) et tout comme j'apprécie de manger au McDo (et l'exploitation des jeunes). Bien sûr, il y a de nombreuses choses à changer dans l'organisation d'Amazon, comme dans un grand nombre de grosses (et moins grosses) boites françaises.

Bref, avec des arguments comme ceux avancés par l'auteur, cela aurait été plus judicieux : soit de faire une immersion plus longue et de gravir les échelons au sein d'Amazon, soit de faire un état des lieux du travail intérimaire de nuit en France. Mais pour cela, il aurait fallu y passer plus que deux semaines...
Bienvenue dans le monde réel 4 étoiles

Arrivée sous la pluie, un « panneau de fer », des « canalisations rouge sang », une « méchante lumière »… Au bout de moins de deux pages, on aura compris que JM Malet a décidé de rédiger un essai à charge, avec les ficelles, pardon les cordes, habituelles du métier : la cible voyante (entreprise américaine multinationale), la dénonciation des conditions des travailleurs et les allusions ou sous-entendus accusateurs quand sa faible enquête ne lui permet pas d’obtenir d’élément concret.
Ca fait un peu « Candide à l’usine » quand il explique que les chaussures de sécurité sont lourdes et encombrantes (ben oui, elles ont une coque renforcée pour protéger) ou quand il tourne en dérision les consignes de sécurité (ces petites règles tatillonnes peuvent paraitre stupides mais ce sont les petits trucs qui limitent les accidents bêtes, comme de mettre son clignotant).
JM Malet est un peu jeune et un peu ignorant du monde réel. Avant d’aller chez Amazon, il faudrait qu’il aille voir les conditions de travail dans n’importe quel entrepôt, dans une usine d’assemblage, dans une usine de tri des ordures ménagères, à Rungis tous les matins aux aurores, dans un hôpital... Avec un peu plus de maturité et un peu moins de naïveté il aurait pu aboutir à un reportage beaucoup plus percutant et pertinent, pas nous raconter que le travail physique ça fait mal aux muscles, que le travail de nuit c’est fatigant et que finalement il n’a pas grand-chose à dire parce que pas grand monde a voulu lui parler. Il aurait aussi fallu y passer plus de deux semaines… on est loin des grands journalistes d’investigation.

Romur - Viroflay - 51 ans - 10 octobre 2014


Pour quiconque commande sur Amazon 9 étoiles

Je partage beaucoup plus les commentaires positifs de Bob, Provisette1 et CC.RIDER que l'avis négatif de Unfold. Ce livre, court témoignage, mérite seulement moi d'être lu pour quiconque commande régulièrement sur Amazon. Il se lit vite et bien (le ton journalistique aidant et le rendant même distrayant). Libre à chacun de se faire ensuite son avis sur le bien fondé de commander sur Amazon ou d'encourager plutôt d'autres initiatives, comme le site Leslibraires.fr, réseau de librairies "indépendantes" proposant la livraison à domicile.

Au-delà des conditions de travail difficiles et éreintantes décrites, ce sont aussi les magouilles juridiques, la concurrence déloyale, la rhétorique et politique lobotomisante du langage et concept amazon, le soutien financier important du gouvernement français qui sont dénoncées.

Je ne peux m'empêcher de signaler à nouveau ici que je trouve cela très dommage qu'un site comme Critiques Libres renvoie de manière automatique les lecteurs vers Amazon lorsque l'on clique sur la couverture d'un livre.

Elya - Savoie - 34 ans - 3 avril 2014


Edifiant et inquiétant 8 étoiles

Un mois avant Noël 2012, au moment du plus gros pic d'activité de l'année, le journaliste Jean-Baptiste Malet se fait embaucher comme intérimaire sur la plate-forme Amazon de Montélimar (Drôme). Il estime que c'est le seul moyen de découvrir ce qui se passe réellement dans cet entrepôt géant, grand comme plusieurs terrains de football car Amazon refuse de communiquer avec la presse et interdit même à ses ouvriers de parler à qui que ce soit de leurs conditions de travail. Il va découvrir le travail du picker, qui consiste à parcourir chaque nuit plus de vingt kilomètres pour aller chercher les produits dans les rayonnages, les scanner, les placer dans un chariot et les amener au packer, celui qui pendant ce temps reste six heures debout à emballer les dits objets culturels ou non. Et il va s'apercevoir que c'est un travail épuisant, que les cadences sont infernales, qu'il est perpétuellement surveillé par caméras et ordinateurs et poussé par des leads et des managers à donner le meilleur de lui-même quitte à tomber d'épuisement pour un salaire de misère.
Ce compte-rendu d'infiltration est à la fois édifiant (quel client commandant tranquillement sur Internet s'imagine vraiment ce qu'implique son acte ?) et inquiétant. Le lecteur sent bien qu'Amazon et ses méthodes à l'américaine, c'est à dire cumulant tous les inconvénients des principes de Henry Ford, de Taylor, de MaoTséToung ou de Moon, sans oublier les recherches sur la soumission à l'autorité ou le conditionnement, est une sorte de prototype de l'usine de demain, celle où le travailleur n'a d'autre choix pour survivre que d'accepter d'inhumaines conditions de travail et où le patron joue cyniquement sur l'offre car il sait que sa main d'oeuvre, taillable et corvéable à merci, est parfaitement interchangeable. Pour mieux maintenir les cadences et atteindre les objectifs de production, il fait miroiter au pauvre intérimaire la promesse fallacieuse d'un CDI, lui offre de petits cadeaux et le tympanise largement de sa devise d'entreprise : « Work hard » (travaille dur, ça a au moins le mérite de la franchise), « Have Fun » (Amuse-toi, prends ton pied ! On se demande comment...) et surtout « Make History » (Ecris l'Histoire, là c'est le comble de la forfaiture car seule la multinationale le fait en remodelant au bulldozer tous les circuits de distribution et en renvoyant aux poubelles de l'Histoire les petits ou gros libraires qui ne pourront malheureusement qu'imiter leurs confrères disquaires... Avec la complicité du pouvoir socialiste d'ailleurs. Impôts optimisés (euphémisme), emplois subventionnés (7500 euros payés par nos impôts pour chaque emploi créé avec un Arnaud Montebourg se réjouissant d'une telle aubaine, un comble de sottise !). Il faut absolument lire ce livre ne serait-ce que pour ne pas consommer idiot !

CC.RIDER - - 66 ans - 7 novembre 2013


Edifiant! Amazon ou la stratégie de l'emprise économique totalitaire 9 étoiles

Vous avez vu très certainement "Les temps modernes" de C.Chaplin, lu "Le meilleur des mondes" de Huxley, lu des articles sur le quotidien des employés, cadres ou autres chez Google, Apple ou d'autres "gros" employeurs renommés états-uniens, voire chez nos lointains voisins chinois et, peut-être pour certains, lu Schumpeter, eh! bien,"have fun"!

Bienvenue dans l'enfer quotidien du Dallas totalitaire amazonien où vous découvrirez, hélas!, que le pire existe déjà et est agréé, subventionné, cautionné en quelque sorte par le pouvoir en place ainsi que les collectivités locales au titre du nombre d'emplois créés-qui se révèlent, d'ailleurs, bien moindre que ceux des annonces publiques.

A l’extrême opposé de l'avis d'Unfold, évidemment, je vous engage vivement à lire ce témoignage vécu, ahurissant, presqu'inconcevable tant les conditions de travail des employés chez Amazon, destructeur foudroyant de cet univers "précieux" que sont les quelques librairies encore existantes, résistantes -"Chez Amazon, on est obsédés par nos clients... pas par nos compétiteurs... Et, franchement, on ne se pose pas la question de ce qui arrive aux autres."- conditions de travail, donc, telles que "l’épuisement est inéluctable", où le temps libre extérieur ne devient plus que "celui de l’hébétude et de l'inconsistance", que "les faux bonds des syndicalistes (CGT) révèlent avant tout leur malaise... vivent la peur au ventre", conditions si impensables que l'auteur-journaliste nous assène, en une phrase, un" résumé" de ce "monde impitoyable" qu'est Amazon- où "les femmes et les hommes... bien qu'ils bataillent parfois les uns contre les autres dans l'atelier, acceptant les injonctions des taux de productivité..., unis par les souffrances qu'ils endurent..., s’épuisant à en perdre haleine pour créer les immenses richesses de la multinationale, dont ils ne récoltent que quelques miettes. "..."rien ou presque ne les distingue"-:

"Malgré son statut de fleuron de l’économie numérique et son organisation du travail conforme aux derniers standards en matière de management et intégrant une technologie ultra-moderne, l'envers du décor du site marchand semble ramener les travailleurs d'Amazon au XIXe siècle.".

A lire d'urgence.

Provisette1 - - 12 ans - 3 juillet 2013


En Amazonie infiltré 10 étoiles

Contrairement à Unfold, je trouve cette enquête très utile et plutôt originale. "Trop facile d'y rentrer" mais il fallait encore avoir le courage de le faire. J'ai appris beaucoup de choses dans ce livre. Cet univers n'est pas connu du grand public et Amazon fait tout pour le garder secret. Il est donc normal pour un journaliste de vouloir s'y intéresser.
Quand à la conclusion, c'est votre interprétation. Il n'est suggéré à aucun moment de boycott de cette société. Il s'agit tout simplement d'informer et après chacun est heureusement libre de ses choix.

Donc pourquoi pas un livre sur ce sujet même s'il est vrai qu'il y en beaucoup d'autres à traiter. Je vous conseille d'ailleurs d'écouter l’émission service public de France Inter qui parle aussi de la grande distribution:

http://franceinter.fr/emission-service-public-les-… fait d'un choix de société

Il s'agit d'un choix de mode de société.

Bob - - 61 ans - 2 juin 2013