Un merveilleux malheur de Boris Cyrulnik

Un merveilleux malheur de Boris Cyrulnik

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Psychologie

Critiqué par Rotko, le 18 mars 2003 (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 612ème position).
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résilience

"Aucun malheur n'est merveilleux", précisent les premières lignes. On s'émerveille seulement de rencontrer des enfants qui triomphent de leurs malheurs. L'auteur examine rapidement certains itinéraires qui relèvent de la "résilience".
Initialement la résilience désignerait "l'aptitude des matériaux à résister à de fortes pressions". En psychologie, "la résilience est la capacité, pour une personne confrontée à des évènements très graves, de mettre en jeu des mécanismes de défense lui permettant de tenir le coup, voire de rebondir en tirant profit de son malheur". Il ne s'agit pas de bénir les circonstances difficiles connues par ces enfants !
prenons le cas de 200 tout-petits sans structure ni famille en train de se laisser mourir par carence affective :
"Si presque d'un tiers de ces enfants se sont développés correctement dans des circonstances épouvantables, combien auraient-ils été si on leur avait proposé un soutien plus propice à leur épanouissement ?" Encore faut-il rencontrer " des tuteurs de développement solides et compréhensifs", c'est-a-dire des personnes et des occasions qui redonnent à des caractères bien trempés l'occasion de reprendre pied. On peut donc y voir un signe d'espérance dans les capacités humaines, et un appel à la compréhension et au soutien tant personnel que social en faveur de ceux qui dès leur naissance connaissent les pires épreuves.

Ici la résilience est ainsi définie: "un tricot qui noue une laine développementale avec une laine affective et sociale." Certains enfants qui ont connu des traumatismes importants parviennent, dans des circonstances favorables, à survivre et même à tirer leur épingle dans le jeu social. L'itinéraire n'est pas frappé du sceau de la morale, et devenir chef de gang sera considéré comme une survie réussie. Cyrulnik propose donc de nombreux exemples et d'abondantes citations, mais si rapidement que le lecteur reste parfois sur sa faim.
Certes il est des survies "miraculeuses" qui forcent notre admiration parce qu'elles témoignent d'un dynamisme exceptionnel. Est-ce aussi fréquent que ce livre tendrait à le faire croire ? Le lecteur se pose de nombreuses questions. Est-il vrai que dans le contexte d'Auschwitz, la poésie et le refuge dans un monde intérieur deviennent des armes de survie ? "Il arrive même [à ces "artistes, philosophes, mystiques"] d'éprouver de grandes sensations de beauté provoquées par leurs représentations intimes, alors qu'autour d'eux le réel est atroce". On voudrait le croire, contre le témoignage de Primo Lévi et Jorge Semprun, par exemple. Par ailleurs la difficulté d'évaluer les traumatismes subis amène Cyrulnik à proposer des exemples paradoxaux, tel cet enfant qui vit son arrivée à Drancy comme une fête sociale car il échappe ainsi à une famille d'accueil bienveillante mais glaciale. Accumuler des cas isolés ne fait pas une démonstration.
Toujours est-il que Cyrulnik par des survols historiques rapidement brossés montre la maltraitance, ou la perte des parents comme des phénomènes courants dans le passé. Est-ce à dire que notre époque - et le discours social, les met abusivement en relief, et crée ainsi le traumatisme par le regard jeté sur ces phénomènes ? Le nier serait imprudent, mais accepter sans réserve et banaliser cette analyse ne le serait-il pas aussi ? on comprend toutefois l'intention de Boris Cyrulnik : changer un discours social traumatisant.

Voila donc quelques réflexions, naïves assurément, que m'a suggérées la première partie du livre, intitulée "l'espoir inattendu". J'aborde donc, intéressé, convaincu parfois, (cf les études statistiques sur la dépression dans les différents milieux sociaux), réservé, voire dubitatif aussi sur l'extension du phénomène, la suite de cet ouvrage stimulant qui secoue nos certitudes et l'eau du puits de nos connaissances.

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"Courage"

7 étoiles

Critique de Pierre666 (Strasbourg, Inscrit le 13 octobre 2005, 43 ans) - 9 novembre 2005

Un bon livre où on apprend qu'il est tout à fait possible de s'en sortir et d'avoir une vie saine et ce, même lorsqu'on a pris un très mauvais départ.

Résilient: capacité "supérieure" d'un individu victime, qui le rend plus fort et plus à même de trouver les clés d'une vie saine.

On apprend que très souvent les enfants sont doublement victime de la société; premièrement ceux-ci sont victimes de (viols, maltraitance..) , deuxièmement ils sont victime d'être "victime"...et on ne voit en eux que des êtres blessés, à qui on rappel sans cesse leur passé... sans leur donner une chance d'évoluer et de tirer définitivement un trait.

Bref avec ce livre on perçoit très bien que du malheur peut naître le bonheur... et que bien souvent, un mauvais départ révèle le côté résilient des gens... en en faisant des gens plus tenaces que la moyenne.

L'ombre d'une lueur

8 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 26 février 2004

Une analyse très claire des mécanismes qui s'enclenchent suite à un traumatisme et du fonctionnement des rouages psychiques et physiques qui assurent la survie de l'individu, malgré les souffrances endurées durant l'enfance et de leurs prolongements dans le temps. Obligé de survivre en dépit des blessures intérieures, l'individu doit en plus braver le monde extérieur qui tente de nier son histoire pour ne voir en lui qu'une espèce de "Quasimodo" asocial. Souvent, au lieu de lui offrir les tuteurs de développement propices à une réparation de l'âme, la société pointe du doigt ses blessures qui carencent son existence comme pour lui infliger en plus de son malheur permanent, une injonction à se taire qui déstructure et exclu le survivant du monde aveugle des vivants.

Une déstructuration d'autant plus forte qu'elle semble être initiée par une volonté farouche, de la part d'une société intolérante, à morceler les différentes phases de l'évolution de l'individu comme une tentative pour vider de leurs sens les liens ténus qui unissent les hommes entre eux et à leur environnement, tout en réfutant également la corrélation entre les contextes culturels, sociaux et historiques. Processus qui permet de nier le fait qu'une existence puisse être un ensemble de faits et de conjonctures, où chaque évènements participent à l'écologie humaine.

Loin d'apporter une réponse à chaque question que soulève le phénomène de la résilience, l'auteur propose une réflexion sur ce sujet, pour que soit modifier le discours social à l'égard des résilients, et qu'enfin ils puissent êtres considérés comme des êtres sociaux à part entière.

Un ouvrage nécessaire à la compréhension comportementale des personnes qui, après avoir vécu un drame, ne peuvent s'épanouir et envisager une réparation psychologique qu'au contact d'un environnement humanisé.

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