La mer, le matin de Margaret Mazzantini
(Mare al mattino)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Romans historiques
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Deux belles histoires sur le déracinement
Deux femmes d’un côté de la Méditerranée seules avec leur fils, respectivement en Libye et en Italie. Traverser la frontière entre les deux pays relève alors du parcours du combattant. D’un côté, Farid et Jamila fuient une Libye en guerre et tentent de passer clandestinement la frontière italienne. De l’autre, Vito et sa mère Angelina qui a passé son enfance en Libye et regrette de ne pas avoir pu y retourner. Elle fait partie de cette génération de colons contrainte de retourner en Italie et soulève la question du déracinement profond et de la perte d’identité.
Ces deux belles histoires inventées illustrent parfaitement le colonialisme italien en Libye et les liens forts qui ont existé par le passé entre ces deux pays. Les liens d’amitié récents qui ont uni Berlusconi et Kadhafi renforcent davantage cette histoire commune que l’on vit de manière intense grâce à ces récits.
Troisième roman de cette auteure que je lis et qui ne parvient toujours pas à me décevoir. Toujours ses mots précis, percutants et émouvants qui permettent de ressentir la souffrance et la douleur de ses personnages, sans parler de cette belle façon qu’elle a de raconter l’Histoire.
Les éditions
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La mer, le matin [Texte imprimé] Margaret Mazzantini traduit de l'italien par Delphine Gachet
de Mazzantini, Margaret Gachet, Delphine (Traducteur)
R. Laffont / Pavillons (Paris. 1945)
ISBN : 9782221131398 ; 11,95 € ; 23/08/2012 ; 132 p. ; Broché -
La mer, le matin [Texte imprimé] Margaret Mazzantini traduit de l'italien par Delphine Gachet
de Mazzantini, Margaret Gachet, Delphine (Traducteur)
10-18 / 10-18
ISBN : 9782264061775 ; 6,10 € ; 22/05/2014 ; 118 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (10)
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Histoires croisées de réfugiés
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 23 septembre 2015
Ce court roman est composé de 2 parties. L'une nous raconte la fuite d'une libyenne et de son fils lors de la chute de Kadhafi, de son village dans le désert vers la mer dans l'espoir d'arriver en Italie. L'autre conte le périple d'une italienne vivant en Libye, chassée de ce pays lors de l'arrivée au pouvoir de ce même dirigeant, son arrivée avec ses parents dans leur pays d'origine et leur difficile réintégration. Leurs destins se croisent par l'intermédiaire d'un colifichet porte-bonheur.
IF-0915-4384
Les migrants, des hommes avant tout
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 15 septembre 2015
L'écriture est très belle, poétique, pittoresque. En lisant ce roman, j'avais l'impression d'avoir les images sous les yeux tant les descriptions sont saisissantes. On a le sentiment d'avoir les odeurs et les couleurs de cet Orient si beau et tant martyrisé par de nombreuses puissances.
Je ne me suis pas ennuyé une seule seconde et j'ai trouvé ces histoires touchantes, voire bouleversantes. Le lecteur peut ainsi réfléchir sur la condition des migrants et sur les déracinés. Ce sont des héros tragiques qui n'ont donc aucune emprise sur leur destin. On a parfois l'impression que les hommes ne sont que des pions sur un grand échiquier et que ce sont les Grands qui jouent au hasard ou par intérêt. Derrière ces injustices, il y a ceux qui pleurent et ne comprennent pas. On a tendance à oublier la souffrance de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants ballottés par l'Histoire.
Je ne connaissais pas l'écriture de Margaret Mazzantini, il s'agit d'une belle découverte. Je compte bien lire d'autres romans de cet auteur.
Drames de l'arrachement
Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 75 ans) - 14 août 2015
Au premier plan: les destins individuels de victimes arrachées à leur terre, à leur culture, des vies à jamais déchirées, saccagées, car c'est bien sur ce drame de l'arrachement aux racines que se focalise ce court roman. Quel que soit le côté de la Méditerranée dont elles sont originaires, Jamila la libyenne,ou Angelina, née sur le même sol mais de colons italiens chassés par le Colonel - deux figures maternelles qui ne se connaîtront jamais - auront vécu la souffrance de drames parallèles, à des années d'intervalle, ballottées dans les convulsions d'une Histoire qui les dépasse.
Entre elles deux: la mer, personnage à part entière, cruelle ou consolatrice, source de peurs ancestrales pour les enfants du désert - le petit Farid n'a jamais vu la mer - compagne intime pour Angelina et son fils Vito qui ont toujours vécu près d'elle, mais passage obligé vers l'autre rive, celle de l'espoir, du rêve d'une vie meilleure ou simplement possible, ou celui du retour à ses racines, à ses souvenirs. Au bout du voyage...que restera-t-il de cet espoir?
L'auteur traite là, non sans talent, d'un thème qui traverse l'histoire de trop de gens chassés par la faim ou les guerres, et connaît hélas ces temps-ci une actualité brûlante. Le récit, poignant, consacré à la fuite de Jamila et de son petit Farid est un véritable coup de poing qui ne peut que nous interpeller dans le contexte et revêtir une intensité toute particulière. Tout y est de ce qui nous parvient tous les jours: bateaux pourris sans pilote, cupidité des passeurs...De l'autre côté, sur l'île (supposée) de Lampedusa, Vito ne veut plus aller à la pêche "il n'aime pas penser à ce que mangent les poissons"; Farid, Vito, que finira par relier un geste de mémoire...
Mazzantini met le doigt sur des choses tues ou que l'on préférait ne pas voir ou savoir: par exemple, la réalité crue et atroce derrière les fameux accords de Khadafi avec l'Europe pour bloquer les flux migratoires. Au passage, elle n'épargne pas le comportement des pays riches à l'égard des pays pauvres.
Pourtant, malgré cette réalité qu'elle nous assène, ce livre s'avère bien loin du document, par sa qualité littéraire. J'ai particulièrement apprécié le récit de la fuite, haletante, de Jamila, jusqu'à la mer, vue à travers le regard de l'enfant protégé par sa mère, qui perçoit des lambeaux de réalité sans en saisir le sens dans sa totalité, perception elliptique à laquelle colle parfaitement le rythme un peu syncopé qui procède par sauts dans le temps.
Plus largement, je n'ai pas trouvé l'écriture "distante", mais au contraire vibrant d'une densité émotionnelle à la fois très forte et très contenue, dans un équilibre assez remarquable, une écriture sensible et efficace, non dénuée de poésie, qui touche au cœur sans jamais sombrer dans le pathos. Belle apparition que celle de cette gazelle, symbole de la beauté du désert et de l'innocence, que Farid devra quitter sans avoir pu lui dire adieu...
Un moment d'émotion douloureuse que cette lecture...
"Briser le mur des émotions".
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 8 mai 2015
Deux histoires qui font écho à celles de milliers de réfugiés économiques, politiques à travers le monde.
Un court roman empreint d'une grande sensibilité où l'auteur s'attarde sur de petits instants de bonheurs éphémères.
Des destins sacrifiés, des traumatismes ressentis par les générations suivantes.
J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman. Les deux histoires se rejoignent.
Une oeuvre qui résonne encore puissamment en 2015 avec l'arrivée massive de migrants africains en Europe.
Un moment de lecture fort pour aiguiser la réflexion.
De l'autre côté de la Méditerrannée
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 27 mars 2015
L’écriture de Margaret Mazzantini est fort plaisante, poétique et a le mérite parvient à échapper (de justesse) au pathos. Elle fait bien ressentir que ses personnages sont écartelés par les rêves et le désespoir, par la mélancolie du passé et la foi en un avenir meilleur. Le propos est au final plutôt pessimiste, l’auteure portant un regard amer sur ces vies abîmées et ballottées par les flots du destin. Heureusement, Margaret Mazzantini accompagne Vito, Angelina, Farid et Jamila, déracinés dans leur chair ou dans leur histoire familiale, avec bienveillance et humanité.
Mais où est Dieu dans ce désert là ?
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 1 mars 2015
Cette phrase était murmurée par un migrant, un homme condamné à quitter ses racines pour une vie inconnue. Margaret Mazzantini parvient à donner par de tels énoncés une ampleur qui sent le vécu. On souffre en lisant.
L'histoire est un mille pattes et chaque patte veut prendre une direction différente, et au milieu, le corps, c'est nous.
Ce livre décrit par deux histoires l'exode entre la Libye et l'Italie. Entre les deux pays, la mer. Une mer de sang.
Des passages durs, nourris par une poésie sensible, qui ne masquent pas l'horreur.
"Au milieu, il y avait la mer"
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 18 février 2015
Au milieu, il y avait la mer». La mer qui réunit les côtes d’Afrique, de Libye en l’occurrence, et les côtes des îles italiennes qui reçoivent régulièrement la marée des populations africaines qui fuit ce continent de malheur. Dans un village perdu aux confins du désert libyens, le petit Farid vit avec sa jeune mère qui ne peut chanter que pour lui, et avec son père ; « Ils ne possédaient rien. Rien que des traces de pas que le sable bientôt effaçait » mais ils connaissaient la paix et même la tendresse et la douceur qu’une gazelle leur apportait jusque dans leur cour. Cette vie simple, frustre, mais paisible bascule un jour quand la guerre se déchaîne emportant le père dans sa cruauté cynique, alors la mère et Farid fuient, dans le sable brûlant, puis sur la mer à bord du misérable rafiot d’un marchand de chair humaine. Ils veulent partir vers l’Europe, espérant seulement pouvoir y survivre, en profitant de la politique d’émigration du Raïs qui cherche à noyer les plages européennes et les consciences occidentales sous le flot de la misère africaine.
Sur la plage d’une île italienne, Vito un jeune homme qui ne sait pas encore quel sens donner à sa vie après ses études secondaires, ramasse les débris que la mer rejette sur le rivage. Vito n’a pas connu la Libye où son père et sa mère sont allés s’installer à l’instigation du Duce, ils y ont prospéré, ont eu une fille, la mère de Vito, un autre Vito mort très jeune et abandonné dans un cimetière local. Mais le Rais a un jour décidé que les Italiens devaient rentrer chez eux, alors la famille est partie abandonnant tous ses biens sur place. La mère de Vito n’est jamais devenue une Italienne métropolitaine et quand elle est a pu retourner en Libye, elle n’a pas retrouvé ses racines. Elle est restée en suspens entre les deux continents, entre les deux cultures.
Deux versions de la fatalité africaine, les colons envoyés sur le continent africain par un dictateur débordant d’ambition et abandonnés par leur pays d’origine et les pauvres indigènes qui n’ont pas choisi le bon camp, ou qui n’ont rien choisi du tout, qui n’ont plus que la solution de quitter leur maison et leur patrie pour seulement pourvoir survivre ailleurs. L’illustration simple et claire comme le langage de Margaret Mazzantini fait de phrases courtes et efficaces, de l’histoire les migrations forcées, entre la Libye et les îles italiennes du sud, qui envahissent encore actuellement la Méditerranée et les pages des journaux. Ce texte sert aussi à démontrer que cette fatalité n’est pas si fatale que ça, qu’elle doit certainement beaucoup plus aux Duce et Rais qui ont exercé dictatorialement et brutalement le pouvoir, repoussant au gré de leurs humeurs et ambitions des peuples entiers sur les flots de la Grande Bleue, qu’à tous les prétextes qui ont été inventés pour expliquer ces migrations meurtrières.
Et quand les grandes puissances se mêlent du jeu des dictateurs, elles oublient que ce jeu ne se termine pas quand le plus fou des belligérants est vaincu, il y a toujours un après, un après incertain à gérer... « Qu’est-ce qu’elles vont devenir, toutes ces armes quand tout sera fini ? »
"L'histoire de l'homme se confond avec celle de la faim"
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 8 février 2015
Nous suivrons donc le périple de ces voyageurs clandestins essayant à tout prix de fuir un pays où ils sont nés mais où ils n'ont plus leur place.
Et puis Angelina, fille de Santa et Antonio, italiens installés à Tripoli, eux aussi chassés de la Libye où ils avaient leur vie, se retrouvant émigrés dans leur pays d'origine. Avec la volonté d'être dédommagés, la volonté de revoir Tripoli. Il faudra cependant attendre une génération pour que Vito, fils d'Angelina, emmènent une dernière fois Santa et sa maman sur les traces de leur enfance.
Quelquefois un peu perdue dans la narration parallèle de ces destins inversés parmi les différents personnages, les différentes époques, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir à cette lecture même si il m'est arrivé d'être touchée par la douleur de certains, particulièrement celle de Jamila.
Une impression de déjà-lu avec une écriture que j'ai trouvée un peu distante; j'ai découvert que la Libye et l'Italie entretenaient les mêmes rapports douloureux que la France et l'Algérie.
À noter qu'un autre livre de l'auteure, lu il y a 10 ans , m'avait laissé cette même impression, et très peu de souvenirs de lecture.
La visite d’une gazelle
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 1 février 2015
L’écriture de Mazzantini alterne entre la précision chirurgicale et la poésie. J’ai été complètement happé par sa maîtrise du récit. Et bien que les personnages soient plutôt unidimensionnels, Mazzantini démontre une habileté remarquable à les évoquer par simples touches. Vraiment bien et surtout très efficace.
« Elle sait comment finissent les dictateurs. Quand leur corps devient un mannequin que l’on traîne par terre. Le déchaînement insensé de la colère posthume. Pas la moindre joie, rien qu’un macabre trophée qui salit les vivants. »
Italie – Libye – Italie
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 28 janvier 2015
Angelina, italienne, née en Libye donc, a vécu jusqu’à l’âge de 11 ans en Libye. Sa famille s’enfuit du jour au lendemain, sans rien, pour sauver sa peau, et le traumatisme d’Angelina est purulent. Quand les relations s’améliorent entre les pouvoirs italien et libyen, les touristes italiens sont autorisés à revenir, voir. Angelina, sa mère et Vito son fils font le voyage, pour constater les changements. A tous niveaux, et notamment concernant l’ami libyen laissé sur place à l’époque et qu’elle n’avait jamais oublié. Ce voyage ne va pas la guérir ni probablement lui permettre de faire son deuil. Drame du déracinement …
Mais il y a plus dramatique encore puisque deux courtes histoires sont menées en parallèle. C’est qu’en 2011, après ce qu’on a appelé le « Printemps arabe » (et qui ne voit pas que fleurs pousser !), Kadhafi est éliminé et des rebelles de tout poil sévissent. C’est aussi pour sauver sa peau et celle de son fils, Farid, que Jamila, après le meurtre d’Omar, son mari, par des rebelles assoiffés de sang, met toutes ses économies dans les mains de passeurs sans scrupules pour tenter de gagner l’Italie. Des boat people version méditerranéenne, à l’actualité brûlante et mortifère.
Oui, c’est un parallèle que dresse Margaret Mazzantini entre ces voyages inversés et là aussi, l’inégalité entre pays du Sud et du Nord (de la Méditerranée) est flagrante. Reste que le déracinement, dans un sens ou dans l’autre reste de toutes façons un déracinement …
Margaret Mazzantini traite ceci sans pathos particulier, avec détachement presque malgré l’horreur des situations. D’une actualité brûlante …
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