La religion du jazz, Petites improvisations sur la musique américaine ancienne de Gabriel Conesa
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Quand le jazz est là...
Le jazz comme religion ? Pourquoi pas ? Après tout, la musique a l’avantage de parler à tous, de faire entrer en transe, de provoquer une sorte de communion spirituelle entre le public et les musiciens ; les points communs sont nombreux avec les religions. Sauf que personne ne tue au nom de la musique mais c’est là un autre débat.
En plus d’être amateur de jazz et musicien, il joue régulièrement en public, l’auteur, Gabriel Conesa est surtout spécialiste du théâtre, principalement de Molière. C’est donc avec une certaine érudition qu’il aborde ce court volume édité chez Transboréal dans la collection « Petite philosophie du voyage ».
Erudition certes, mais sans pédantisme. Ici, tout est fluide à défaut d’être gracieux et poétique. Je n’ai pas trouvé dans l’écriture de Conesa le rythme du jazz mais tout le monde ne peut écrire comme Kerouac. Il possède une écriture bien balancée, équilibrée mais sans folie, le côté universitaire sans doute plus que côté musicien.
Cependant, étant musicien, il lui est plus facile de présenter certaines subtilités du jazz traditionnel de la Nouvelle Orléans. Ici, on traine avec Louis Armstrong ou Sydney Bechet, pas avec Miles Davis. L’auteur fait bien comprendre cette spécificité du jazz : l’improvisation. De loin, avec une oreille distraite ou novice, l’improvisation ressemble à une mise en avant d’un instrument par-rapport aux autres, une sorte de crise d’égo plus ou moins contrôlée que l’on retrouve plus aisément dans le rock.
Or, dans le jazz, le solo est un élément de communion par l’individu qui ne peut rien faire sans l’apport des autres musiciens derrière lui, qui le soutiennent, l’inspirent, le guident et lui, le soliste, à son tour, propose son propre chemin à l’orchestre. De même que le blues vient des chants d’esclaves basés sur le principe du chant/réponse, un homme chante une phrase que le groupe reprend puis s’adresse à lui et ainsi de suite, le jazz, dans ses improvisations, repose sur un principe similaire où, tour à tour, le soliste et le groupe se soutiennent et se répondent.
Reste que le soliste doit avoir quelque chose à dire. La règle de base est simple : si tu joues comme un autre, reviens quand tu auras ton style. Et quand tu t’exprimes, fais-le bien. Pour revenir à Kerouac, reprenez Sur la route, retrouvez le passage dans un club de jazz quand Dean Moriarty explique ce qu’est le « it ». L’époque est au bop mais le message est le même : le soliste s’exprime et emmène tout le monde dans l’inconnu mais pas tout seul, il ne peut partir sans le groupe derrière lui.
Pas de jazz sans une solide technique. Et surtout, pas de jazz sans un minimum d’humilité. Même si les musiciens sont d’excellents techniciens, ce qui n’est pas une obligation, ce sont surtout des interprètes inspirés, à l’inverse des musiciens classiques, figés dans des partitions qui ne permettent pas l’expression personnelle. Le carcan est plus serré en musique classique.
Il n’y a pas besoin d’aimer ou de connaître ce genre musical pour apprécier ce texte car la passion de l’auteur pour cette musique suffit à faire tenir le tout. Pas de palabres techniques sur les gammes employées mais du ressenti car le jazz, comme le blues, se ressent profondément avant de passer par le cerveau.
Les éditions
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La religion du jazz [Texte imprimé], petites improvisations sur la musique américaine ancienne Gabriel Conesa
de Conesa, Gabriel
Transboréal / Petite philosophie du voyage
ISBN : 9782361570347 ; 8,00 € ; 05/10/2012 ; 90 p. ; Broché
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