"La peur au bout du fil" c'est un de mes premiers malaises d'enfant face à la découverte d'un côté obscur du monde qui m'entourait. Avant, tout était lisse et gentil. Puis, il y eut le premier malaise, le premier cauchemar enfanté par la vision insoutenable et terrifiante de la momie de l'inca Rascar Capac, dans Tintin ("les sept boules de cristal").
Vint ensuite l'inquiétante transformation de mon cher Comte de Champignac, saisi par la folie et la méchanceté; hoquetant des bulles noires et répondant à chacun "Et moi je vous dis Zut!".
Un surprenant renversement de personnalité. Quoique, à bien relire certains albums (le voyageur du mésozoïque notamment) on s'aperçoit que derrière la bonté de celui qui peut tendrement pardonner à son vieil ennemi (Zorglub) existe un autre homme, un autre savant, capable d'assommer avec colère ceux qui voudraient sacrifier "l'oeuf" pour sauver leurs misérables et insignifiantes existences.
On y découvre aussi le Franquin écolo-pacifiste, qui se révélera en fin de carrière, lorsque la mort d'un savant atomiste (englouti par distraction et par un dinosaure) ne provoque chez ses collègues, dont Champignac, qu'une tristesse vraiment toute relative.
Oserais-je le dire ? "La peur au bout du fil", dont on a raison de souligner la colorisation exceptionnelle, c'est aussi un peu Franquin qui "se lâche" après les contraintes éditoriales de l'album et de la série. Un petit vent de liberté annonciateur des futures "Idées noires" de l'auteur.
C'est un bijou !
Et si je suis devenu grand amateur de littérature fantastique autant que de champignons, c'est sans doute à Pacôme (Hégésippe Ladislas) que je le dois en grande partie.
Sannicolao - - 70 ans - 27 juin 2013 |