Heureux comme Dieu en France
de Marc Dugain

critiqué par Isaluna, le 1 avril 2003
(Bruxelles - 68 ans)


La note:  étoiles
L'héroïsme tranquille...
Lorsque débute la guerre de 1940, Pierre n'est qu'un adolescent comme bien d'autres, pour qui la résistance à l'occupant s'apparente à de l'"amateurisme chevaleresque". Jusqu'au jour où son père, communiste et résistant dans l'âme, le propulse dans la clandestinité et l'action véritable. Alors commence un combat bien différent que Pierre mène au jour le jour, dans l'ombre et la peur, mais sans jamais perdre pourtant, malgré les difficultés de ce qu'il vit, un sens de l'ironie et de la dérision qui donne au récit une dimension supplémentaire.
Il accomplit des choses extraordinaires, sans aucune grandiloquence, avec parfois le regret d'avoir à sacrifier des êtres humains que le hasard met face à vous, mais qui ne sont ni moins bons ni plus mauvais que vous. L'auteur parcourt ainsi à travers ce roman initiatique les années sombres que la France vécut entre 39 et 45 et au-delà. Pierre a le regard lucide et le verbe parfois acide lorsqu'il décrit la France de l'époque, l'héroïsme tranquille de certains, les petitesses de beaucoup d'autres, et les grandes lâchetés d'un petit nombre. Au-delà de la description d'une période historique, c'est toute la complexité du comportement humain qui nous est donné à voir.
Un très beau récit, tout en nuances.
A l'ouest rien de nouveau ... 8 étoiles

Pierre Joubert a 20 ans en 1941. Ses parents, communistes convaincus entrés dans la clandestinité, organisent son décès pour l'entraîner dans la résistance communiste. Sans grande conviction politique, il rejoint le maquis pour ne pas rester immobile et attentiste. Il prend alors sa part de l'attente, de l'ennui, des rencontres furtives de gens qu'on ne reverra pas, d'amitiés sans lendemain, de relations sans passion, ni même amour, des déplacements incessants et des lits d'un soir, des réveils brutaux et précipités, de la peur et de l'action. Pierre vit la structuration des réseaux, se fait une réputation et progresse dans les tâches action /recrutement /renseignement. On suit sa fuite en avant, de groupuscule en groupuscule, pour être plus efficace, et sa participation à un réseau monté par les Anglais (qui se méfient des groupes gaullistes) dans la surveillance rapprochée d'une base de U-boats. Il est alors au contact de l'ennemi, dans le bar de la base où échouent les sous-mariniers à quai. L'ennemi ? Des hommes comme les autres, avec leur amitié, leur chaleur, leurs peurs, leurs amours. Simplement des hommes ! Très différents des SS, des gestapistes, et des miliciens, qu'il a jusqu'ici rencontrés.
Et il y a Mila. Chef de réseau, dont il tombe amoureux. Mais c'est la guerre secrète avec les dangers de ce genre de combat! Il ne faut pas s'attacher.
Et puis le débarquement, la libération, l'heure des comptes et des luttes intestines pour le pouvoir. Et la reprise de la vie "normale". à la recherche de Mila, même si d'autres parts de son passé moins intéressant à ses yeux l'ont rejoint plus vite.

Marc Dugain change de guerre. Après la "Grande Guerre" et ses gueules cassées ("La Chambre des Officiers"), il nous entraîne dans la guerre de l'ombre avec tout autant de justesse et de bonheur narratif. L'histoire des réseaux de la résistance est tout à l'image que je me fais de cette période et de ces hommes. Les personnages de Dugain ont comme toujours beaucoup de caractère et de dimension. Les partisans ne sont pas des surhommes, mais des gens ordinaires qui mènent un combat extraordinaire (littéralement). Les militaires allemands sont mis au rang d'hommes, effarés du comportement des nazis, emportés malgré eux dans cette guerre qui les tue. Et puis la justesse du jugement de Dugain sur cette période troublée de notre histoire, avec tout le recul de quelqu'un qui n'a pas connu cette période, est étonnante. Il dépeint notamment la libération avec une lucidité terrifiante et un réalisme cru (le chapitre où Pierre est confronté à l'Administration pour recouvrer sa véritable identité, est à hurler de rire, malgré la bêtise qui suinte !) qui rejoignent certains écrits de Lucien Bodard sur la même période (Le corbillard de Jules).
Et puis Dugain dénonce de façon bien sentie de nombreuses dérives, notamment à la libération. Par exemple, pourquoi cette Française, enceinte d'un marin allemand qu'elle aimait, est-elle tondue par des gens qui ont vécu terrés, supportant passivement l'occupant, sans broncher ? Pour "propager l'idée que chacun d'entre nous avait été un résistant qui s'ignorait" ? Et les juges qui appliquent la loi des libérateurs "avec la même bonne volonté que celle qui les guidait quelques semaines auparavant dans l'application des lois antijuives".

Homo.Libris - Paris - 58 ans - 27 février 2014


Une évolution dans le personnage 7 étoiles

Une histoire bien ficelée, une écriture limpide, une fin très bien imaginée, le livre raconte l'histoire d'un grand héros qui commence petit. C'est ceci que j'ai bien aimé, le fait qu'il y a une évolution très visible chez le personnage. Pierre ne reste pas statique dans son statut mais évolue dans l'armée de l'ombre. On découvre un peu cette dernière avec ses codes et ses manières.

Par ailleurs, l'armée allemande n'est pas caricaturée, les soldats éprouvent des sentiments (Le titre du livre vient d'ailleurs d'une parole d'un soldat allemand). On découvre une guerre éloignée des personnages qui pourtant les touchent plus que tout.

Buck - Rennes - 36 ans - 1 avril 2012


le héros qui s'ignore 9 étoiles

Magnifiquement écrit, et Très agréable à lire, Marc Dugain nous emmène sur les routes de France de la guerre et des réseaux de résistance. Pourtant point de grands héros accomplissant des miracles pour la patrie! Non juste un jeune français enrôlé de force par son père dans la résistance et qui en deviendra une pièce importante sans même s'en rendre compte. Là où il croisera Milla, qu'il aimera et qu'il perdra... et s'efforcera de retrouver.

Ce qui touche c'est l'authenticité de ce livre. L'histoire sonne vraie! on aurait tous pu être Pierre et c'est ça qui nous emporte. J'ai commencé ce livre et je n'ai pu m'arrêter. Je devais le finir et au bout du compte, je n'ai pas été déçue.

très très belle histoire, à lire!

Sednonsatiata - Nantes - 35 ans - 30 décembre 2004