Le Rat de Venise et autres histoires de criminalité animale à l'intention des amis des bêtes
de Patricia Highsmith

critiqué par Pierrequiroule, le 24 juillet 2013
(Paris - 43 ans)


La note:  étoiles
La revanche des bestiaux serviteurs de l'homme
Dans ce recueil de nouvelles (1975), Patricia Highsmith donne toute la mesure de son talent en combinant ses deux obsessions majeures: la criminalité - sujet qui la fascine depuis l'adolescence - et les animaux.
Ces histoires sont destinées à un public averti; ce ne sont en rien des contes pour enfants! On y trouve un étonnant mélange de cruauté, de tristesse et d'humour noir. Mais en tout cas la fantaisie n'en est jamais absente et on ne peut qu'être fasciné par l'imagination, l'ingéniosité quasi diabolique que déploie l'auteure au fil des pages.

Chaque nouvelle a pour héros un animal, qu'il soit domestique ou "sauvage", et dans presque tous les cas, il est menacé - ou se juge tel - par les comportements humains. Le point de vue adopté est en général celui de l'animal, mais Mrs Highsmith évite le piège du misérabilisme bien-pensant adopté par certains défenseurs des animaux. Ici nous sommes en présence de bêtes révoltées qui vont agir, souvent de manière fort surprenante. Pour échapper à leur statut de victimes, ils deviennent bourreaux, parfois de manière préméditée, parfois en toute innocence, avec l'aide du destin. Chaque nouvelle est un chef d'œuvre de suspense. Le style est simple, mais l'auteure va à l'objet avec un art consommé. De plus, P. Highsmith réussit un tour de force: celui de varier considérablement l'atmosphère d'un récit à l'autre, de sorte qu'il est impossible de s'ennuyer un seul instant. Sitôt une nouvelle achevée, on en redemande!

Voici un petit aperçu de ce qui vous attend dans ce recueil sur la criminalité animale:
° "La dernière proie de Ming" est l'histoire d'un chat de luxe jaloux du fiancé de sa maîtresse. Estimant que cet individu menace sa vie de rêve, le diabolique félin décide d'éliminer l'intrus.
° « La vengeance de Djemal » se passe dans le désert, puisque le héros n’est autre qu’un chameau.
° « Eddie, le singe passe-partout » nous entraîne dans une histoire rocambolesque de cambriolage, jusqu’au moment où l’animal ainsi instrumentalisé prend enfin sa revanche.
° Dans « Harry le Furet », le plus cher compagnon d’un adolescent devient un meurtrier sanguinaire.
° Quant au "Rat de Venise", la nouvelle-titre, c’est l’un des plus cruels, des plus sordides récits du recueil, l’histoire d’un rat d’égout qui se bat pour survivre et dont le destin croise un jour celui d’une joyeuse famille italienne.

L’ouvrage comporte huit autres nouvelles où l’on rencontre entre autres un chien, un éléphant de cirque, une vieille jument, des hamsters, un cochon chercheur de truffes et même un cancrelat !

Le monde animal, Patricia Highsmith le connaît bien. Elle s'intéresse très tôt à la zoologie, puis s'entoure de compagnons à poils et à plumes toute sa vie durant. D'ailleurs lorsqu'elle posait pour les photographes, c'était souvent en compagnie de ses chats favoris. Cet amour des animaux transparaît dans chacune de ces histoires qui sont, à leur façon, autant de plaidoyers brillants contre la bestialité de l’homme.