Le Jour de la chouette
de Leonardo Sciascia

critiqué par Frunny, le 12 août 2013
(PARIS - 59 ans)


La note:  étoiles
" La lumière du jour n'aveugle que les chouettes ! "
Romancier, critique et polémiste italien, Léonardo Sciascia (1921-1989) devient un personnage incontournable des scènes culturelles et politiques internationales à compter de la sortie de son essai "L’Affaire Moro" (1978). En 1979, il est élu à la Chambre des députés. Si les dix dernières années de sa vie sont marquées par la maladie, Sciascia continue à écrire et mène un combat sensible contre la Mafia et la peine de mort.
En 1961 la parution de "Le Jour de la chouette", oeuvre aux accents policiers sur le thème de la Mafia est largement saluée.

Un roman témoignage, un fragment de mémoire de la Sicile.
La Mafia comme une mécanique abjecte qui gangrène l'Ile.
Une organisation criminelle qui affecte toutes la société italienne, de l'artisan au ministre.
Une oeuvre construite avec les ingrédients du Polar. Salvatore Colasberna abattu de 2 coups de chevrotine pour ne pas avoir accepté la protection offerte par "l'association".
Don Mariano Arena, le mafieux.
Pizzuco et Marchica, les hommes de main. Le capitaine Bellodi, commandant d'une section de carabiniers, un Emilien de Parme.
Calogero Dibella, l'indicateur.
Paolo Nicolsi, le témoin gênant. La vingtaine de témoins dont "la figure semblait exhumée d'un silence séculaire".
Mais avant tout, le pouvoir politique et religieux, complice et/ou niant l'évidence.

Un roman court, concis, qui va droit à l'essentiel en flirtant avec les limites du "politiquement correct" admit en 1961.
Avec Sciascia, il faut lire à travers les lignes, comprendre que la Mafia est une entreprise terroriste qui frappe la victime mais surtout le témoin (menacé à tout moment de devenir la prochaine victime).
Fraude fiscale, blanchiment et amitiés contre nature ne sont pas oubliés et viennent renforcer le témoignage de l'auteur.
Une oeuvre qui conserve -malheureusement- un goût d'actualité.
mafia connait pas… 10 étoiles

Quelque part en Sicile, dans les années 1950. Un homme en costume sombre est abattu de deux coups de fusil alors qu’il s’apprêtait à monter dans un car plein de voyageurs, juste à côté de l’étal d’un marchand de beignets. De nombreux témoins, donc. Hélas, lorsque les carabiniers arrivent, le car s’est vidé comme par enchantement de ses voyageurs, le receveur n’a rien vu et le marchand de beignets n’a même pas entendu de coups de feu. Ambiance typiquement sicilienne, en ces temps où la mafia renaissait de ses cendres pour imposer sa loi après la défaite du fascisme. Dans un style condensé mais d’une précision diabolique, Leonardo Sciascia décrit par le menu le processus par lequel le capitaine en charge de l’enquête, à force de ruse et une bonne dose de ténacité, va parvenir à reconstituer le fil des événements et établir la liste des coupables, au grand dam de sa hiérarchie. Un roman magistral, remarquablement traduit, qui utilise la force d’une intrigue policière au profit d’une dénonciation de la corruption et de la terreur dans laquelle n’a cessé de vivre le peuple sicilien.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 31 mars 2018