L'histoire de la cuiller en argent dans la bouche

Je me suis fait prendre à mon propre piège en achetant Une famille : reconnaissant aussitôt l’illustration de Pierre Le-Tan en couverture et voyant que le roman était signé de sa fille, je n’ai pas voulu douter qu’elle pût être un bon écrivain du seul fait de son ascendance. Le titre, en outre, a flatté ma propension à vouloir passer un œil à travers la serrure de ceux qui font le parisianisme : j’en ai été pour mes frais.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins : Cléo Le-Tan n’a aucun talent d’écrivain. Son style simpliste imite l’écriture plate mais ressemble plus souvent à une série de tics de langage magazineux ; les fautes d’orthographe sont grossières et effrayamment nombreuses ; les règles élémentaires de grammaire telles que la concordance des temps lui semblent parfaitement étrangères ; et le récit, enfin, qui règle ses comptes avec une mère sans doute assez malheureuse en essayant de se faire passer pour un objet littéraire, et ainsi de donner à Cléo Le-Tan un statut d’auteur qui la mettrait à l’abri des critiques psychologisantes dont pourtant regorge son pseudo-roman, n’est pas sauvé par une poignée de phrases grâcieuses qui le ponctuent comme quelques brèves respirations lors de trop longues apnées.

Bien entendu, son célèbre patronyme et les très bonnes fréquentations de papa lui valent, pour la sortie de ce brouillon d’adolescente, des colonnes dans presque tous les magazines : en profitant ainsi d’un système qui lui avait de toute évidence ouvert les bras avant qu’elle n’ait écrit une ligne, elle semble bien préparée à connaître le destin de sa chère mère, décrite sous sa propre plume comme une bécasse qui vit pour se donner l’air de ce qu’elle n’est pas.

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  Une famille [Texte imprimé], roman Cléo Le-Tan

  de Le-Tan, Cléo
  B. Grasset
  ISBN : 9782246807469 ; 15,90 € ; 08/05/2013 ; 208 p. ; Broché

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