Le montage
de Vladimir Volkoff

critiqué par Guigomas, le 21 août 2013
(Valenciennes - 55 ans)


La note:  étoiles
L'art de la guerre... froide
Le Montage est un roman paru en 1982, qui a été suggéré à Volkoff par A de Marenches, alors directeur des services secrets français. Nous sommes en pleine guerre froide et Marenches veut, par cet intermédiaire, faire prendre conscience au public des réalités de la désinformation.
Le Montage dont il est question dans le titre, c’est une gigantesque opération de désinformation imaginée par le KGB et mise en œuvre, notamment, par l’orchestre d’Aleksandre Psar, descendant d’immigrés russes, éditeur et agent littéraire, recruté comme agent d’influence par le KGB.

Ce montage est minutieux et retors, c’est une manipulation à grande échelle de l’opinion publique qui commence par des fuites, celles de quelques pages du journal d’un dissident soviétique emprisonné sorties d’URSS à grand péril. A partir de ce moment, chacun joue son rôle sans se douter (ou en se doutant) qu’il n’est qu’un rouage d’une mécanique complexe imaginée dans les bureaux glacés de Moscou.

C’est un livre brillant que ce roman de Volkoff, qui nous décrit cette machination, les moyens de tenir en main un orchestre, le comportement acéphale de l’opinion publique… Ecrit avec élégance, il a été salué à sa sortie par le grand prix de l’Académie française. Il mériterait bien une réédition car, si la guerre froide est derrière nous, la désinformation, la manipulation et l’influence n’ont pas disparu.
Note : l’orchestre, dans ce contexte, c’est l’ensemble des personnes que l’on influence, celles qui reprennent et amplifient une information.
Dans le marigot des "opérations humides" 5 étoiles

Le sujet de ce livre de Vadimir Volkoff est étonnamment moderne même s’il se situe dans un contexte historique particulier et daté, celui de la Guerre Froide. Les services secrets soviétiques lancent une vaste opération de manipulation de l’opinion publique par l’intermédiaire d’un de leur agent les plus performant, Aleksandre Psar fils d’émigrés russe blanc qui n’a qu’un désir, revoir la Russie mythifiée de son enfance. Mais le Guébé et l’appareil d’Etat soviétique sont des monstres froids et les promesses n’engagent que ceux qui y croient…
Un sujet moderne donc puisque la manipulation des opinions publiques reste clairement un outil privilégié dans l’arsenal non seulement des Etats mais également des groupes d’opinion et d’intérêts qui utilisent les dernières techniques de la psychologie des masses pour parvenir à leur fin… On a sans doute tort de circonscrire la guerre aux simples opérations militaires. Les Etats ont de plus en plus recours aux méthodes visant à saper le moral de la population civile de l’adversaire afin de briser sa volonté de combattre, de désorganiser la structure de cette société et de vider les valeurs fondamentales pour lesquelles l’adversaire va tendre à la résistance. Par ailleurs, la bataille culturelle, théorisée par Gramsci en son temps est une réalité désormais démontrée par les opérations de contrôle déployés dans les media.
Malheureusement l’auteur a selon moi un peu gâché son sujet en rendant certaines situations et certains personnages un peu trop caricaturaux. Par ailleurs, l’intrigue en elle-même est assez mal construite et peu crédible… on a du mal à croire que les services secrets soviétiques puissent déployer autant de moyens afin de décrédibiliser des dissidents qui de toute façon n’ont jamais eu beaucoup de résonance dans les milieux intellectuels occidentaux. Qu’on en juge par la mainmise de la gauche sur les journaux, la télévision, le cinéma la littérature durant des décennies à partir des années 60 jusqu’à aujourd’hui. Les Soviétiques avaient bel et bien gagné cette bataille culturelle mais en ayant effectué un travail de sape bien plus important, et évoqué d’ailleurs dans le livre : celui de la destruction programmée de l’école, de l’Eglise, de la famille, des institutions qui ont toujours structuré les sociétés européennes à travers les âges.
Un bon livre donc par son sujet et qui décortique les méthodes sournoises et parfois expéditives des services secrets mais qui parfois manque de crédibilité en forçant le trait…

Vince92 - Zürich - 47 ans - 17 décembre 2015