Une histoire vieille comme la pluie
de Saneh Sangsuk

critiqué par SpaceCadet, le 3 septembre 2013
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Au temps où l'on veillait à la belle étoile
Dans ce troisième roman publié en 2004, Saneh Sangsuk nous raconte l'histoire d'un village qui, au nom du progrès, et sous le regard inconscient de ceux qui lui ont donné vie, est en passe de disparaître, emportant avec lui un monde de connaissances et de traditions transmises depuis des générations.

'En ces nuits sans espoir, ces gosses s'arrangeaient toujours pour gauler des cosses de tamarin qu'ils faisaient rôtir et dont ils croquaient les graines à belles dents et une fois qu'ils avaient mangé ils s'allongeaient les uns contre les autres telle une portée de chiots et une fois qu'ils s'étaient houspillés et chamaillés un bon coup certains s'endormaient sans bruit et sans bouger mais il y en avait aussi qui restaient assis en silence ou allongés en silence à écouter les adultes parler entre eux et le vent froid continuait de souffler, tout paraissait abandonné et désolé et le village semblait fragile dans l'immense vide environnant, semblait une chose dénuée de sens, dénuée de substance, une entreprise en sursis provisoire, et cette existence des gens et des choses qu'ils avaient bâties semblait totalement dépourvue de nécessité pour le ciel comme pour la terre.'

C'est au cours de ces nuits passées à la belle étoile que le bonze du village, entraîné par son âme rêveuse et une imagination débordante, raconte des histoires, désormais connues et appréciées de tous, des histoires où le réel se marie avec la fiction pour dépeindre un univers bucolique peuplé de légendes, traditions, croyances et autres sagesses populaires.

Ainsi, à l'instar de son auditoire, on se laisse entraîner par ce narrateur-conteur qui nous fait vivre et découvrir l'extraordinaire monde de la jungle où tout un chacun est soumis aux implacables lois de la nature.

Riche en descriptions et en images qui voyagent sur la page telle de longues lianes traversant cette jungle magnifique, on est séduit par le verbe et la beauté de ce qu'il décrit. Cette richesse d'écriture laisse d'ailleurs deviner le défi qu'ait pu représenter la traduction d'un tel morceau de littérature, et à en juger par la qualité du texte fini, on ne peut que saluer le travail investi à cette tâche.

Une histoire vieille comme la pluie, certes, mais fort habilement servie par la plume de Saneh Sangsuk.