Le principe responsabilité : Une éthique pour la civilisation technologique
de Hans Jonas

critiqué par Lectio, le 16 septembre 2013
( - 75 ans)


La note:  étoiles
Une éthique nouvelle
Le développement des sciences et techniques menace l'homme et met en péril l'existence de l'espèce elle-même. Face aux techniques nouvelles de l'homme, la vulnérabilité de la nature constitue une dimension jusqu'alors inconnue. Penser une éthique nouvelle s'avère nécessaire, car l'éthique antérieure trop anthropocentrique n'avait pas à prendre en compte la condition globale de la vie humaine et l'existence de l'espèce elle-même. H.Jonas disserte longuement sur la théorie de la réhabilitation de l'utopie d'Ernst Bloch et sur le rapport naïf du marxisme face à la technologie. Nos savoirs sont insuffisants pour mesurer l'impact à long terme de nos actions (on pense entre autre au problème des déchets nucléaires):" le savoir devient prioritaire, il devrait être du même ordre de grandeur que l'ampleur causale de notre agir. Cela n'est pas possible, reconnaître l'ignorance c'est l'autre versant de l'obligation de savoir". Ainsi notre responsabilité ne porte pas uniquement sur nos actions immédiates et dépasse l'individu seul. C'est au pouvoir politique d'imposer une limite aux technologies dangereuses. Ceci pouvant aller à contre courant des aspirations du peuple, H. Jonas préconise une "tyrannie bienveillante", la démocratie lui semblant peu compatible avec l'éthique du futur. Cette éthique nouvelle rompt avec la réciprocité des droits et devoirs (exemple : la responsabilité non réciproque des parents envers leurs enfants). Jonas s'appuie sur la peur "utile dans la quête du bien" et il faut "davantage prêter l'oreille à la prophétie du malheur qu'à la prophétie du bonheur". A ses détracteurs le philosophe réplique que "la prophétie du malheur est faite pour éviter qu'elle se réalise" et qu'"un héritage dégradé dégradera en même temps les héritiers". Ce livre (1979) connut un vif succès en Allemagne et aujourd'hui encore constitue une référence solide dans les domaines de l'écologie. C'est malheureusement un ouvrage difficile à lire. Les phrases longues, lourdes, les répétitions abondantes, la pensée sinueuse gênent une clarté pas toujours au rendez-vous. Mais il vaut la lecture et la réflexion tant son actualité est encore criante.