Nous seuls
de Emmanuel Kattan

critiqué par Libris québécis, le 21 septembre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Pour un amour originel
Nous seuls dépassent de cent coudées tous ces romans sur les trentenaires en quête de Valentin(e). Celui d'Emmanuel Kattan perce un univers idyllique en mal de consistance. Il ne s'agit pas de la peur de l'engagement, mais de circonstances qui tiennent les amoureux à distance. Soit que l'on ne sache pas décodé les messages ou soit que, carrément, on se mette les pieds dans les plats en trompant la partenaire que l'on aime.

C'est le cas d’un couple de Français. Séparée pendant neuf ans à la suite de l'infidélité d'Antoine, Judith se retrouve à New York pour régler la succession de son père. Après une furtive liaison américaine, elle revient à Paris, où elle renoue avec son ancien amant à l'emploi d'une firme située à Londres. Si les points géographiques diffèrent, l'étau se resserre par contre sur leur amour fusionnel. Il n'en ressort pas un alliage solide. Il s'agit d'une passion maladive minée par la jalousie, la bactérie mangeuse d'âme. L'héroïne cherche l'amour originel du premier couple terrestre. Pour l'atteindre, tous ceux qui ont été les partenaires de ses aventures antérieures doivent mourir ainsi que celles d'Antoine. C'est un massacre d'éliminations qui s'enclenche pour renouer avec la pureté de l'acte premier.

Le second volet de ce roman freudien se donne des allures de thriller en basculant dans un suspense qui annonce les pires malheurs. Tuer pour être pur, comme le héros d'Au-delà des visages d'André Giroux, qui renonce aux plaisirs de la chair en tuant la femme de ses désirs. Avec une maîtrise de l'écriture et de la forme, Emmanuel Kattan aborde la psyché d'un jeune couple promis au bonheur. Mais l'attente révèle plutôt un goût de souffre. Voyageant dans le temps et dans l'espace qui mènent vers l'absolu, la narration rapporte les séquences événementielles que Judith entrecoupe pour les mettre en perspective dans son journal personnel.