Dellarobia est une jeune femme épuisée. exténuée par ses jeunes enfants, lassée de la misère permanente, accablée de solitude.
Entourée par une belle-mère acariâtre et désagréable, mariée par obligation à Cub, un homme effacé, seule Dovey, sa meilleure amie, apporte un peu de joie dans son existence.
"Cub se retira dans ses terres familières de remords et d'insuffisance, termes de son existence, ratifiés par le mariage. Il était capable de bâtir une défaite à partir de n'importe quel matériau disponible et de vivre à l'intérieur…"

Décidée à fuir cette vie, elle arrivera au milieu d'un océan de "feu" avant d'identifier des milliers de papillons agglutinés, qui lui feront faire demi-tour.
Cette arrivée massive de papillons peut relever du miracle pour certains dans cette petite bourgade perdue des Appalaches. Mais peut aussi relever de la catastrophe écologique pour les scientifiques.
Dellarobia, en tant que découvreuse de ce phénomène, se retrouve au centre de l'agitation de son village mais aussi de sa famille.
Ce sont ses beaux-parents qui possèdent les bois, et eux aussi sont couverts de dettes ; son beau-père est décidé à abattre les arbres.
Que ce soit au sein de son église, auprès des médias, des visiteurs, elle devient La personne qui a découvert les papillons.

Un autre grand changement, va être l'arrivée d'Ovid, docteur en biologie.
Que l'on puisse être rémunéré pour compter des papillons, la laisse pantoise. Mais la cohabitation avec ces scientifiques va être l'occasion de découvrir son ignorance, mais aussi de reprendre confiance dans ses capacités et surtout de comprendre le fonctionnement de la nature avec l'avenir catastrophique qui s'annonce.
" -Il suffira de quelques degrés supplémentaires, moyenne mondiale, pour que le genre humain soit éliminé de la course.
- Les systèmes vivants sont sensibles à de tout petits changements, Dellarobia. Imaginez que la température d'un enfant monte d'un degré. Vous trouveriez ça normal ?
- Trente-huit, c'est pas vraiment de la fièvre, dit-elle. Douleurs et frissons.
- Et si la température continue à monter ? demanda-t-il.
- Plus haut que ça ? À trente-neuf cinq, je filerais aux urgences. Ça fait deux degrés et demi de différence. Plus que ça, je préfère pas y penser.
- Intéressant, dit-il. Je viens de lire un rapport des Nations unies de plusieurs centaines de pages sur le climat, et son pronostic fébrile correspond à celui que vous m'avez donné en une phrase. Degré pour degré."

Dellarobia ne veut pas de cet avenir pour ses enfants ; surtout pour son étonnant petit garçon Preston, passionné d'animaux. Alors, elle s'engagera et bousculera sa petite vie si tracée pour le futur de ses enfants.
"De toutes ses forces, Preston voulait être un savant et étudier les animaux. Mais au labo, Dellarobia écoutait Ovid et Pete parler de tant de choses désespérées. Les éléphants dans une Afrique frappée par la sécheresse, les ours polaires sur la glace qui fondait, étaient pratiquement "fichus", disaient-ils avec une résignation exaspérante, tandis qu'ils terminaient ce qui semblait être une autopsie précoce d'une autre créature condamnée. Fichus, comme si ces éléphants dans les plaines blanchies de soleil parcouraient à grand-peine la dernière portion d'un long et douloureux voyage. Les étapes ultimes du chagrin. Dellarobia ressentait une forme de panique entièrement nouvelle : l'amour de son fils pour la nature était si chargé d'attente, elle se demandait si l'avenir vers lequel il courait n'allait pas être un château de sable compliqué s'effondrant sous la marée. Elle ne savait pas comment les savants supportaient un tel savoir. Les gens avaient à vivre avec des vérités terribles."

Barbara Kingsolver poursuit son militantisme écologique de belle manière.
À travers l'attachant personnage de Dellarobia, elle nous montre les réalités scientifiques et nous démontre le futur possible, tout en évitant le catastrophisme.
Avec une langue simple, malgré quelques longueurs surtout dans la première partie du roman, et quelques erreurs de traduction, on peut lire un roman captivant et instructif. Et particulièrement d'actualité cette semaine !
Douze ans que je n'avais pas lu cette auteure (L'arbre aux abricots, Les cochons au paradis, Les yeux dans les arbres ), et toujours autant de plaisir.