Compagnie K de William March
(Company K)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Romans historiques
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Le front si loin de l'Amérique et si près de l'enfer
Le principe est de donner la parole successivement aux cent-quinze hommes de la compagnie. À travers ces expériences individuelles couvrant une ou deux pages, c’est une approche impressionniste de la Grande Guerre telle que la perçurent les soldats américains qui se dessine. Les éléments fictionnels s’appuient sur l’expérience de guerre de l’auteur entre février et novembre 1918. L’ouvrage connaît pour la première fois une traduction française. Hemingway reconnut l’apport qu’il devait à " Compagnie K " lorsqu’il livra " Pour qui sonne le glas ".
Le contenu permet de voir en particulier à quel point certains aspects de la propagande alliée façonnés dès le début du conflit (et diffusés grâce à des comités francophiles dont ceux des descendants d’Alsaciens, savons-nous par ailleurs) avaient été intégrés. Ainsi face à un jeune soldat blessé qui demande à boire, un soldat américain déclare, tout en refusant :
« Tu chantais pas la même chanson, hein, quand tu violais les infirmières de la Croix-Rouge et que tu coupais les jambes des gosses en Belgique » (page 158).
Les éditions
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Compagnie K [Texte imprimé], roman William March traduit de l'américain par Stéphanie Levet
de March, William Levet, Stéphanie (Traducteur)
Gallmeister / Americana (Paris. 2008)
ISBN : 9782351780688 ; 23,10 € ; 12/09/2013 ; 230 p. ; Broché
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113 témoignages historiques de soldats américains sur le sol français
Critique de Laugo2 (Paris, Inscrit le 30 octobre 2014, 58 ans) - 2 janvier 2016
Si les livres sur la 1ère guerre mondiale sont légions, l'idée de ce livre est tout à fait originale dans sa forme. L'auteur va présenter la Grande guerre en traitant d'une suite de points de vue, de points de vie... en tout, 113 moments, témoignages des 113 soldats de la compagnie K, compagnie militaire américaine envoyée sur le front de la guerre en 1917.
Le livre commence par une revue d'effectifs... Sont listés les noms et grades de tous les soldats... "soldat Joseph Delaney, soldat Rowland Geers, caporal Jerry Blandford, caporal Pierre Brockett, soldat Archie Lemon...etc". Il y a des lieutenants et un capitaine aussi, et même page 162, le récit du soldat inconnu.
Chaque homme livre donc son témoignage en une ou deux pages, rarement plus: du recrutement sur le sol US à l'embarquement pour la traversée de l'Atlantique, là où l'humeur de chacun est encore positive et optimiste jusqu'aux pires moments des combats et des atrocités. Et puis, les dernières anecdotes concernant le retour au pays, la guerre alors finie. Chaque soldat raconte son vécu, ce sont comme des flashes de vie sur une guerre.
Alors il est difficile d'extraire une histoire plutôt qu'une autre tellement chaque texte est bouleversant et nous fait prendre conscience de la stupidité de cette guerre extrême, où chaque homme n'est qu'un pion obéissant à des ordres aveugles, où chacun tente d'échapper à son destin et où chacun revient meurtri à jamais une fois le chaos arrêté.
J'ai choisi aléatoirement ou presque 3 extraits de ce livre, choix chronologiques pour imager la retranscription de l'avant, du pendant et de l'après de cette guerre inhumaine..(ou trop humaine?). Le premier est sans doute autobiographique même si le soldat cité est le Soldat Joseph Delaney.
" Au début, ce livre devait rapporter l’histoire de ma compagnie, mais ce n’est plus ce que je veux, maintenant. Je veux que ce soit une histoire de toutes les compagnies de toutes les armées. Si ses personnages et sa couleur sont américains, c’est uniquement parce que c’est le théâtre américain que je connais. Avec des noms différents et des décors différents, les hommes que j’ai évoqués pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes d’ailleurs."
L'atrocité de la guerre avec Mark Mumford...
" Bernie Glass, Jakie Brauer et moi, quand on a sauté dans la tranchée, on a vu personne sauf un tout jeune Allemand rondouillard qui était mort de trouille. Il était en train de dormir dans un abri et quand on a sauté, les baïonnettes fixées à nos fusils, il est sorti de son abri en courant [...] Jakie l'a rattrapé [...] et Bernie a fait mine de l'attaquer avec sa baïonnette deux ou trois fois, juste pour lui faire peur et je peux vous dire que ça a bien marché [...] Il nous a suppliés de le laisser partir, mais on lui a dit que c'était pas possible [...]Alors il a dit qu'il préférait être tué tout de suite, parce que les Américains tranchaient les mains et les pieds de tous leurs prisonniers. De votre vie, vous avez déjà entendu quelque chose d'aussi idiot? [...] Bernie s'est mis à rire:
- J'ai une idée : on va s'amuser un peu. Dis-lui que d'après le règlement, quand on fait un prisonnier, on doit lui tailler ses initiales sur la peau du ventre avec un couteau de tranchée ! [...] j'ai bien cru que le gamin allait tourner de l'oeil. Il est devenu tout pâle et il s'est mis à gémir[...] et puis il a déboutonné sa tunique et on a vu qu'il portait un ceinturon "Gott mit uns". Jakie le voulait en souvenir. [...] Bernie a dit:
- Tu peux pas faire ça, ça serait du vol.
- Bon d'accord je vais lui acheter alors.
[...] Mais quand Jakie s'est penché pour défaire la boucle du ceinturon, le petit gamin allemand a poussé un cri et lui a tranché la gorge d'une oreille à l'autre avec un couteau qu'il avait caché sous sa tunique !"
D'autres ont eu plus de chance que le dénommé Jakie Brauer. Notamment le soldat Howard Bartow.
" Pendant tout le temps où j’ai été sous les drapeaux, j’ai été pris dans un seul barrage. Je n’ai pas utilisé mon fusil une seule fois. Je n’ai même jamais vu un soldat allemand, à part quelques prisonniers à Brest dans un camp. Mais quand on a défilé à New York, personne savait que je n’avais pas vécu ce qu’avaient vécu les autres gars de la compagnie. Et moi aussi j’ai eu droit aux vieilles gâteuses qui versaient leur larme et aux roses lancées à la tête des combattants, au même titre que Harold Dresser, Matt Passy ou Jack Howie. Faut savoir se servir de sa cervelle dans l’armée si on veut survivre ! »
113 histoires, 113 points de vue qui font de ce roman un témoignage multiforme poignant: récits de combats, récits évoquant le rapport à la hiérarchie, à l'amitié entre soldats, textes montrant l'atrocité de la blessure et de l'amputation, écrit traitant du rapport à la religion dans ce contexte où Dieu est si absent, manifeste patriotique exalté à la gloire des USA, réflexions sur l'atrocité de la guerre...
C'est à lire. C'est superbe.
La Grande Guerre vue par un Américain
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 20 novembre 2015
Une des grandes originalités de l'ouvrage tient à sa construction. Au lieu de raconter ses propres souvenirs, William March, au fil de chapitres très courts, donne la parole, tour à tour, à chacun des membres d'une compagnie. 115 hommes prennent ainsi la parole, relatant chacun un épisode, une scène, un événement dont il fut l'acteur ou le témoin. L'ensemble fait penser à une mosaïque dont chaque élément reflète et révèle un des aspects de la guerre, un des comportements possibles de l'homme en guerre.
Ce sont des soldats américains qui parlent parce que ce sont ceux que l'auteur connaît mais, comme il l'affirme lui-même dès le début du livre, les hommes ici évoqués « pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes. » Les comportements ne diffèrent pas d'une nation à l'autre. Partout l'on trouvera des hommes courageux capables de faits glorieux, mais partout aussi l'on trouvera la peur, la lâcheté, la révolte, le désespoir, les rêves, les gestes de compassion, voire les moments de drôlerie.
Il y a de tout cela dans « Compagnie K », chaque chapitre mettant en scène l'un de ces aspects. Parfois même deux chapitres successifs se répondent l'un l'autre. Impossible de tout énumérer. Bien sûr, des soldats évoquent des femmes rencontrées, désirées, parfois abandonnées. L'un raconte comment il convainquit « une femme bien » de passer une nuit avec lui, l'autre la fascination qu'il éprouve pour le visage de Lillian Gish (une actrice du cinéma muet de l'époque), un autre encore comment il fut déserteur malgré lui à cause d'une fille. Un autre, que la faim tenaille, rêve plus prosaïquement d'un bon repas. Mais il se trouve aussi des soldats poètes : l'un qui, blessé et hospitalisé, pleure en récitant du Verlaine (« Il pleure dans mon cœur...), l'autre qui se sent bien isolé parmi ses camarades qui n'ont que faire de sa poésie (mais ignorant que l'un d'eux n'y est pas insensible) !
Beaucoup de chapitres soulignent l'absurdité de la guerre. Quand les soldats américains sont confrontés directement aux soldats ennemis, il se déroule des scènes que les protagonistes n'oublieront jamais. Ils en seront hantés jusqu'à la fin de leurs jours. Ainsi de ce soldat américain qui tue un soldat allemand, croyant que celui-ci tient une grenade dans ses mains, et qui découvre ensuite qu'en fait de grenade l'ennemi serrait dans ses mains la photo de sa fille. Ou de cet autre qui, pris de pitié en entendant les lamentations d'un prisonnier allemand gazé, lui donne son masque à gaz, tout en se demandant pourquoi il a fait ça. Mais le plus terrible, c'est quand l'ordre est donné de fusiller des prisonniers : l'un a le cran de refuser, un autre accepte mais, traumatisé, se dit que c'est un mensonge que d'affirmer que Dieu est amour.
Plus d'un intervenant parle d'ailleurs de la foi chrétienne mais c'est le plus souvent avec des mots de révolte. S'il est un soldat qui affirme avoir vu le Christ pleurer et avoir pleuré avec lui, il en est d'autres qui rejettent les paroles, voire la présence même de l'aumônier. L'un d'eux, entendant l'aumônier demander à Dieu la mort des ennemis impies, se dit avec justesse que, des deux côtés, du côté américain comme du côté allemand, on prie le même Dieu.
Même si quelques-uns rapportent des scènes humoristiques (une séance d'épouillage qui tourne en spectacle pour les civils qui en sont les témoins éberlués ; ou encore un soldat blessé qui, étant visité par la reine d'Angleterre en personne, la confond avec une voisine de sa mère!), dans la plupart des cas c'est la souffrance, l'incompréhension et la révolte qui dominent. Cela va, chez certains, jusqu'à un refus des honneurs qui pourraient leur être rendus : ainsi de ce soldat qui, pris mortellement dans des barbelés, trouve la force de jeter loin de lui toute marque d'identification afin de n'être plus qu'un anonyme. Plusieurs évoquent le retour au pays, mais c'est avec bien des désillusions : l'un d'eux retrouve sa fiancée qui ne veut plus de lui à cause de sa gueule cassée, un autre se désole au sujet de son frère qui n'a passé que trois jours au combat et à qui l'on rend plus d'honneurs qu'à lui qui y a passé des mois.
Peut-être est-ce le soldat Andrew Lurton qui trouve le mieux les mots pour dire sa désillusion : « J'aimerais, dit-il, que les types qui parlent de la noblesse et de la camaraderie de la guerre puissent assister à quelques conseils de guerre. Ils changeraient vite d'avis, parce que la guerre est aussi infecte que la soupe de l'hospice et aussi mesquine que les ragots d'une vieille fille. »
Chaque chapitre de ce grand livre est comme un petit chef d'oeuvre à lui tout seul. Pas besoin de s'épancher longuement, tout est dit avec netteté et sécheresse et l'on sent bien que ce que rapporte William March est vrai, foncièrement vrai, même si l'auteur n'a pas été le témoin de tout ce qu'il raconte. La guerre est ainsi, se dit-on, elle n'est pas belle à voir, et les hommes qui s'y livrent nous chamboulent le cœur !
William March, « Compagnie K », éditions Gallmeister, 259 pages.
un témoignage américain sur le 1er conflit mondial
Critique de Lejak (Metz, Inscrit le 24 septembre 2007, 49 ans) - 22 décembre 2013
Tour à tour, les hommes de la compagnie, tout grade confondu, témoignent de leur participation au conflit, depuis l'entrainement à la caserne jusqu'au retour au pays.
Les chapitres sont très courts (1 à 2 pages) et permettent une lecture facile et rythmée. Les histoires se suivent parfois, avec un évènement vécu et décrit par différents protagonistes.
Les soldats s'expriment à la 1ère personne, comme si l'auteur incarnait chacun d'entre eux, et rendait un témoignage universel de la guerre.
Quelques passages offrent un trait d'humour ou un moment de tendresse parmi les horreurs du combat.
Même si l'objectif de William MARCH reste le même qu'Erich Maria REMARQUE, à savoir témoigner de l'absurdité et de l'horreur de la guerre, j'ai trouvé le livre moins puissant qu'"A l'Ouest rien de nouveau". La force émotionnelle de ce dernier est difficilement égalable ...
Il reste intéressant néanmoins pour tous les passionnés du 1er conflit mondial d'en étudier une vision américaine, d'autant qu'elle a beaucoup marqué les esprits outre-atlantique et reste beaucoup étudiée à ce jour.
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