Palomar
de Italo Calvino

critiqué par Bolcho, le 15 mai 2003
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Montrez ce sein qu’on ne saurait cacher !
En une petite trentaine de textes assez courts, l'auteur nous apprend à regarder le monde avec ce qu’il faut d’innocence, de présence de soi et d'absence de soi, d'attention au détail avec la conscience du tout cosmique, et tout cela avec beaucoup de pudeur, de gentillesse et d’humour un peu triste. Nous avons tous, bien sûr, observé que le reflet du soleil couchant sur la mer nous venait droit dans l’oeil. Chacun a SON reflet. « Ce que nous avons en commun, serait-ce justement ce qui est donné à chacun comme lui appartenant en exclusivité ? ». Oui, c’est vrai, Calvino va aussi au-delà du regard. Et il fait de même dans toutes les circonstances. Ecoute-t-il un couple de merles dans son jardins ? La comparaison avec la « sous-conversation » qu'il mène en même temps avec sa femme, lui fait découvrir les vertus du silence dans la communication. Ou bien ce gecko, « machine très élaborée, étudiée dans chacun de ses détails microscopiques », mais qui passe de longues heures dans une immobilité parfaite à gober des mouches : « (…) on arrive à se demander si une telle perfection n’est pas gaspillée, étant donné les opérations limitées qu’elle accomplit. ou peut-être est-ce là que réside son secret : satisfait d'être, il réduit le faire à son minimum ? C’est peut-être là sa leçon, à l'opposé de la morale que dans sa jeunesse monsieur Palomar avait voulu faire sienne : toujours essayer d'aller un peu au-delà de ses propres moyens ? ». Mais il ne fait pas s'y tromper : chacune de ses petites réflexions de l’auteur est bien un clin d’oeil, jamais une leçon ou une pompeuse prise de position. D'ailleurs, il le dit lui-même. Il ne donne son opinion que lorsqu’il en a une. C'est-à-dire avec la plus extrême rareté. Même au Japon, invité à contempler un jardin zen au milieu d’une foule de touristes, Calvino ne donne pas une opinion, mais il s’amuse. Je vous livre encore cette remarque à propos du gorille albinos de Barcelone qui passe sa journée à serrer contre lui un vieux pneu : « Nous retournons tous dans nos mains un vieux pneu vide grâce auquel nous voudrions parvenir au sens ultime que les paroles n’atteignent pas ». S’il vous plaît, allez voir la 4 de couverture : elle est fort bien faite et je me suis tué à la recopier. Comme ça, en plus, le titre de cette petite critique prendra ce qu’il faut de sens pour vous donner envie d'aller plus loin.
il faut lire Italo Calvino ! 10 étoiles

Il faut lire et relire Italo Calvino, et en particulier « M.Palomar ». Chaque chapitre est un véritable poème en prose sur les choses du monde et une réflexion non dénuée d’humour et de tendresse sur la place de l’homme dans l’univers.
Certes d’un accès parfois difficile (l’idéal est de lire ce livre petit bout par petit bout) tant le style est parfois dense et contemplatif, laissez-vous cependant porter par la poésie de ces courtes nouvelles, n’hésitez pas à les lire à voix haute.
Certaines nouvelles sont effectivement particulièrement réjouissantes comme "Le sein nu" par exemple.
M.Palomar est à mille lieux au dessus du tout venant des productions littéraires, un objet étrange et fascinant. Je recommande en particulier l’édition illustré par Yan Nascimbene dont le travail vient parfaitement se marier avec les « errances poétiques » de M.Palomar.

Fanou03 - * - 49 ans - 13 mars 2011