Sur la scène intérieure: Faits de Marcel Cohen

Sur la scène intérieure: Faits de Marcel Cohen

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Donatien, le 11 octobre 2013 (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 201ème position).
Visites : 4 053 

Déchirant!

Cette collection "L'un et l'autre" de Gallimard a pour but "d"évoquer aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus.".

"Les pages qui suivent contiennent, en effet, tout ce dont je me souviens - J'avais cinq ans et demi- nous "avertit Marcel Cohen, à propos de son père, sa mère, sa soeur, ses grands-parents maternels, deux oncles et une grand-tante disparus à Auschwitz en 1943 et 1944.

C'est donc au long de huit chapitres chaque fois précédés d'une photographie du membre de la famille évoqué que Marcel Cohen et composés de souvenirs d'enfant (en italiques) de récits ou de considérations personnelles.
Ce mouvement de va-et-vient entre les souvenirs enfantins et la relation des événements de cette époque illustrent le travail à la fois douloureux et tendrement nostalgique de la mémoire.
Les photographies de ses proches ainsi que des objets précieusement conservés tels que le cocotier, une gourmette pour enfant, un violon, un jouet fabriqué par son père, etc augmentent l'impact de ces souvenirs.
L'importance de la mémoire des parfums, celui de Marie sa mère "si bien ancré en moi, celui de l'eau de Cologne "la agau de limon" que les hommes et les femmes utilisent journellement en Turquie d'où ils sont originaires.
"A Istanbul, en été, hommes et femmes laissent souvent derrière eux ce sillage discret, synonyme de netteté plus que de luxe ou de coquetterie".
Les souvenirs et témoignages les plus nombreux sont bien sûr ceux évoquant Marie, sa mère et Jacques Cohen, son père.
Le plus succinct, mais le plus déchirant est consacré à sa petite soeur Monique cohen, née le 14 mai 1943 et faisant partie du convoi n°63 du 17 décembre 1943, SEPT MOIS!!!!!
Cela reste incompréhensible! Arrêter une mère et son bébé. Lui laisser atteindre l'âge légal fixé par le régime de Vichy, sous la surveillance du personnel médical de l'hôpital Rothschild pour ensuite les déporter, à l'aide des autorités et de la police nationale!!!!!!!

Déchirant et révoltant.

Marcel Cohen rend compréhensible le mutisme de la majorité des survivants. Comment communiquer cette machinerie du mal, ce génocide?

Marcel Cohen a, pour ma part, réussi à décrire et évoquer ce qui fait le bonheur familial, les petits gestes de tendresse, les jeux d'enfant, la solidarité des braves gens ainsi que l'importance de tous ces petits moments additionnés qui forment une vie.

Lire et relire.

Aujourd’hui?????????????,

Combien d'enfants Vietnamiens, Irakiens, Syriens subissent les mêmes traumatismes?
Nous n'apprendrons jamais.

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Les éditions

  • Sur la scène intérieure [Texte imprimé], faits Marcel Cohen
    de Cohen, Marcel
    Gallimard / L'Un et l'autre (Paris)
    ISBN : 9782070139293 ; 17,90 € ; 07/03/2013 ; 168 p. ; Broché
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10 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 4 décembre 2013

Les écrivains n'accordent-ils pas un pouvoir exagéré aux petits parallélépipèdes de papier qui s'accumulent autour d'eux? Ce qu'il paraissait si nécessaire de garder ne s'y noie-t-il pas aussi sûrement que dans le silence? Un écrivain n'accepte pas l'idée que ces petites stèles, adossées les unes aux autres dans les bibliothèques, puissent perdre toute signification. Il suffit même de promener le regard sur le dos des livres pour comprendre que la volonté de trouver une forme pour l'informe reste un message clair, quand bien même les volumes seraient devenus inaudibles.

Que rajouter à la critique de Donatien?
Sur le livre lui-même, pas grand chose.

Vieillir , quelle étrange aventure pour un petit garçon .
Cette phrase, extraite d'un poème de l'américain George Oppen, trotte dans la tête de Marcel Cohen , quand , le 23 mai 1996, il assiste au dévoilement d'une plaque à la mémoire des jeunes mères et des nourrissons internés à l'hôpital Rotschild.
On reste toute sa vie un petit garçon, avec ses souvenirs .
Des souvenirs, il lui en reste peu, il les fait alterner dans des chapitres concis avec des faits racontés.
Des moments, des impressions, des odeurs, sans cesse recherchés.
Quelques photos, quelques objets, sans cesse étudiés à la loupe.
Ce peu, beaucoup trop peu , qui lui fait rechercher encore et encore toute sa vie. Ce n'est qu'en 1996, par exemple, qu'il comprendra pourquoi sa mère n'ouvrait pas la fenêtre quand elle le regardait sur le trottoir.
Mais aussi éviter certains endroits ( dont ce fameux trottoir de la brasserie Wepler) qui lui sont encore trop douloureux.

Je ne voulais pas refermer ce livre.
Je l'ai terminé partagée entre son chagrin éternel qu'il m'a communiqué, mélangé chez moi à une grande colère. Et, en particulier, colère contre tous ceux qui ont participé à garder prisonnières dans des conditions effroyables des mères et leurs bébés jusqu'à ce que ceux-ci aient atteint l'âge requis pour aller brûler dans les fours crématoires. Quel âge fallait-il pour y être autorisé? Qui avait fixé cet âge?
Ah... comment-ont-ils pu?

Une petite note quand même pour dire qu'ils n'étaient pas tous ( toutes) les mêmes. L'histoire d'Annette , 14 ans, la petite bretonne placée comme bonne dans cette famille juive et que le grand-père avait renvoyé à l'école, car à 14 ans, on va à l'école. Annette, la concierge, Monsieur Petitcolin et sa famille ont sauvé le petit Marcel Cohen.

Ce livre, il faut le lire, le faire lire, le donner, le faire acheter, le donner à lire en classe. Des exemples individuels , l'histoire de chacun des personnages à partir de choses très simples, marque beaucoup plus les esprits qu'une accumulation de chiffres.
C'est Charlotte Delbo qui, dans Le convoi du 24 janvier, retrace brièvement l'histoire de chaque être humain que comportait ce convoi.
A la déshumanisation du langage de l'horreur humaine il faut opposer l'humain de chacun.
C'est ce que fait Marcel Cohen dans ce livre. Une lutte contre l'oubli.

Maria Cohen, née le 9 octobre 1915 à Istanbul. Convoi n°63 du 17 décembre 1943
Jacques Cohen, né le 20 février 1902 à Istanbul . Convoi n°59 du 2 septembre 1943
Monique Cohen, née le 14 mai 1943 à Asnières ( 92). Convoi n°63 du 17 décembre 1943
Sultana Cohen née en 1871 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943
Mercado Cohen, né en 1864 à Istanbul. Convoi du 2 septembre 1943
Joseph Cohen, né le 10 août 1895 à Istanbul. Convoi du 2 septembre 1943
Rebecca Chaki, née le 13 avril 1875 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943
David Salem, né le 29 avril 1908 à Constantinople. Convoi n°75 du 30 mai 1944

En exergue:

Tenter de reconstituer ce qui, en deçà du langage, dans le ressassement interne, peut encore être communiqué à autrui.

Georges- Arthur Goldschmidt

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