Bangkok
de James Salter

critiqué par Jules, le 21 mai 2003
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
De très beaux textes qui vous tiendront en haleine.
Ce petit livre reprend six nouvelles, assez courtes, écrites par James Salter en 93, 94, 2002 et 2003.
Certaines ont été publiées dans « Esquire Magazine » et « The New Yorker »
Il ne m’est pas possible de faire ici un résumé de chacune de ces nouvelles. Je me contenterai donc de vous parler de celles qui m'ont le plus frappé.
D’abord, « Toi mon Seigneur »
Un soir, lors d’un dîner entre amis, entre un homme manifestement saoul et agressif. Il fonce à la cuisine et se sert un verre d'alcool plein à ras bord, observe les invités avec ironie, y compris une jolie jeune femme mariée qui s’appelle Ardis. Cet homme, Brennan, est poète et parle du génie de Wilde et d'Ezra Pound. « Il parlait avec naturel, comme s’ils avaient été au casino, des piles de jetons devant eux, discutant âprement pour décider sur quoi miser, parfaitement indifférent, en apparence, à la vue de ses seins (ceux d'Ardis) sous le T-shirt foncé. Il tendit calmement le bras pour en toucher un. - J'ai de l'argent, dit-il. Sa main resta posée là. Ardis était trop sidérée pour réagir. - Vous voulez que je continue ? - Non, parvint-elle à répondre. » A plusieurs reprises, la jeune femme va faire des promenades en vélo aux alentours de la maison de Brennan, mais sans jamais l’y trouver. Par contre, elle y verra un énorme chien qui va la suivre souvent et même venir jusque devant sa maison. Elle va s’en occuper, tout en sachant qu'il appartient à Brennan, jusqu’au jour où le chien va tout à fait disparaître. Elle ne l’oubliera jamais !
Dans « La dernière nuit », un homme, Walter Such, a organisé un merveilleux dîner au restaurant avec sa femme Marit et une jeune amie du couple, Susanna.. Nous apprenons très vite que Marit est très gravement malade et qu’elle entend que cette soirée soit sa dernière. Susanna n'est censée être là que pour rendre ce repas moins triste.
« Marit considéra les objets de la pièce, les photographies dans leurs cadres d'argent, les lampes, les albums sur le surréalisme, le paysagisme ou les maisons de campagne, qu'elle avait toujours eu l’intention de lire à loisir, les fauteuils, le tapis d’une belle couleur passée. Elle regardait tout cela comme si elle en prenait note, alors qu'en réalité cela n'avait aucun sens. La longue chevelure de Susanna, sa fraîcheur en avaient un, bien qu'elle ne sût dire lequel. »
Revenus chez eux, Marit monte et dit qu'elle attendra Walter sur son lit dans un quart d’heure. Celui-ci sait que la seringue et le produit nécessaire l’attendent dans le frigo. Il supplie la jeune Susanna de ne pas partir pendant qu'il sera avec sa femme, ne voulant vraiment pas rester seul chez lui quand il descendra. Je vous laisse découvrir la suite de cette nouvelle.
La plupart de ces textes touchent aux rapports hommes/femmes ou bien au couple. James Salter y fait preuve d’un énorme talent de nouvelliste, d'un profond sens de l’observation, d'une grande finesse de sentiments. Comme chez Hemingway, il y a beaucoup de non-dits dans ces lignes et l’écriture de James Salter est aussi belle que dans ses autres œuvres.
Un peu déçu 5 étoiles

Un peu déçu par ce recueil dont j’attendais plus. Certes, le ton est juste, les nouvelles sont très bien écrites dans un style simple, réservant parfois quelques rebondissements inattendus et pourtant, je n’ai que rarement été ému, intéressé par ces personnages. Toutes ces nouvelles tournent autour d’un même sujet : les relations amoureuses présentes, passées ou fantasmées. Peut-être faut il avoir un peu plus vécu pour mieux saisir toute la résonance de ces textes …

Tophiv - Reignier (Fr) - 49 ans - 6 septembre 2004


Plaisir de séduction 9 étoiles

Je n’ai plus grand-chose à ajouter à l’excellente critique de Jules, d’autant plus que mes préférences sont identiques aux siennes.
Dans "Toi, mon Seigneur", une relation trouble s'installe entre l’élégant lévrier écossais aux yeux d’ambre appartenant à un poète alcoolique et irrationnel et Ardis, une jeune femme rencontrée dans une réception à laquelle il n'était pas invité. "Un soir, elle vit le propriétaire du chien au bar. Il était seul. Le chien ne l’attendait ni dehors, ni dans sa voiture, il ne faisait plus partie de sa vie - parti, égaré, vivant ailleurs, peut-être son nom apparaîtrait-il un jour au milieu d’un vers, bien qu'il fût, en réalité, oublié, mais pas par elle".
La seconde nouvelle "Dernière nuit" dans laquelle une femme malade (d’un cancer ?) décide de commun accord avec son mari de mettre fin à ses jours après une soirée mémorable au cours de laquelle ils dégusteront un "Cheval-Blanc 1989" de 575 dollars connaîtra une fin à rebondissement.

Darius - Bruxelles - - ans - 2 novembre 2003