Le divin dans l'homme. Lettres sur les religions de Carl Gustav Jung
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Spiritualités
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Jung et la religion
Quelque mots sur Jung tout d’abord: il est un des fondateurs de la psychanalyse avec Freud, dont Jung est au début de sa carrière le disciple et très proche. Ensuite il va se séparer de Freud, la dissension portant principalement sur la primauté accordée par Freud à la sexualité dans l'inconscient. L'apport de Jung se situe au niveau de l'inconscient collectif et des archétypes. Il met également en avant l'importance de la religion et l'existence d'un archétype 'Dieu'. Jung est né dans une famille de pasteurs protestants et il a eu une très bonne éducation chrétienne même si l'expérience familiale n'était pas très réussie d'un point de vue religieux semble-t-il.
Le livre qui nous occupe est un recueil de lettres sur les religions, très complet par le nombre de lettres et de sujets traités. Michel Cazenave, spécialiste des traductions de Jung, a classé et annoté un matériel imposant. Les notes en bas de page sont la pour nous éclairer quand à l'identité du correspondant, ou quand il s'agit de traduire des passages en grec ou en latin ou pour donner des références et des indications complémentaires. Outre cette classification et ces notes Michel Cazenave signe une excellente préface. Un seul reproche : on aurait aimé une analyse plus fine voire dialectique des correspondances, mais cela n'était sans doute pas possible, faute de place (et puis il existe certainement d'autres livres pour cela). Voir aussi le verso du livre pour la liste des thèmes.
Jung a une position que je qualifie d'extrêmement courageuse sur la religion. Il a expérimenté ce qu'on appelle l'expérience numineuse (c’est-à-dire «expérience d'un sacré immédiat et le plus souvent sauvage»). Mais devant cette expérience il se refuse à abdiquer jamais sa soif de connaître et comprendre. Ses positions lui ont valu d'être constamment attaqué par les deux camps: soit qu'on l'accuse de psychologiser la religion ou à l'inverse qu’on le taxe de religieux. Ces attaques résultent d'une mauvaise compréhension de la position de Jung. Celui-ci s’est toujours refusé à entrer dans le domaine métaphysique (qui le dépasse autant que chacun), il reste uniquement dans le domaine des faits psychiques. Il parle de l’image de Dieu dans la psyché, sans rien dire sur le sujet transcendant que cette image représente. Par ailleurs Jung met en garde ceux qui ne veulent croire que à la réalité des phénomènes physiques seuls: pour Jung, un phénomène psychique n’en est pas moins réel, tout psychique qu'il soit. L'image de Dieu dans la psyché est indéniable et réelle (même si elle ne dit rien sur l'objet transcendant qui se trouve derrière cette image).
A la question habituelle "êtes vous croyant ?" Jung avait répondu "Je ne crois pas je sais", ce qui inévitablement avait été mal interprété. Par la, Jung voulait dire que "il se trouvait confronté à un facteur inconnu, qu'il appelle Dieu" (page 138). Il dit aussi «Je ne puis interpréter cette expérience intérieure dans sa réalité métaphysique, car cette réalité est par essence de nature transcendante et dépasse mes connaissances humaines». (page 143).
Ce recueil est fort intéressant, étant complet et volumineux il ne se lit pas d'une traite mais plutôt au gré de l’inspiration et de l’envie. Il est bon de disposer d’un ouvrage introductif à Jung, ne fusse que pour connaître les termes utilisés et leurs significations (archétype, animus, anima,..). Une mise en garde toutefois : même si Jung dit abondamment que le sentiment religieux authentique est le meilleur remède de l'âme, même si pour lui le sentiment religieux est indubitable, il me semble que suivre le chemin choisit par Jung risque de déboucher sur une grande solitude et tristesse. La religion est la pour aider celui qui fait l'expérience numineuse à l'apprivoiser, voire à se sentir entouré ou encore rationaliser l'expérience. Refuser cette aide ne revient-il pas à s'engager sur une voie de grande solitude ? Car la réponse au Mystère ne pourra jamais être trouvée dans la science ou la connaissance. Et l'Ecclésiaste le dit : «Beaucoup de sagesse, beaucoup de chagrin ; plus de savoir plus de chagrin» (Qo 1,18). Il est évident qu'on ne sait rien. D’autre part il est évident aussi que taxer toute expérience du sacré ou notre besoin religieux de simple phénomène psychique n'aide en rien. Comme dit Sainte Thérèse d'Avila
«L'avancement de l'âme ne consiste pas à penser beaucoup mais à aimer beaucoup»
Les éditions
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Le divin dans l'homme [Texte imprimé] C. G. Jung lettres sur les religions choisies et présentées par Michel Cazenave [trad. de l'allemand]
de Jung, Carl Gustav Cazenave, Michel (Editeur scientifique)
Albin Michel / La Bibliothèque spirituelle (Paris).
ISBN : 9782226099914 ; 14,04 € ; 06/05/1999 ; 527 p. ; Broché
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