Le Coup du cavalier
de Andrea Camilleri

critiqué par Darius, le 5 juin 2003
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Mensonge, sexe et corruption
"Le coup du cavalier n’est qu'une tentative d'expliquer les relations entre la politique, la mafia et un honnête citoyen. Malheureusement, en Italie, les critiques n'ont pas saisi l'intention politique de ce roman"
Voilà ce qu'affirmait l'auteur dans une interview au Magazine Littéraire en février 2000.
Ce livre part d’un écrit publié en 1876 par Leopoldo Franchetti, récit qui relate l’arrestation d’un inspecteur des moulins. Ce dernier, tentant d'exécuter son travail le plus consciencieusement possible, se retrouve témoin d’un assassinat et en devient le suspect numéro 1.
A partir de ce récit, l’auteur crée toute une série de personnages liés entre eux par quelque secret, quelque passe-droit, quelque tromperie, depuis des représentants de la police, de l’armée, du ministère des Finances, de la Justice, de la magistrature, des avocats, de l'évêché, du monde politique, de la presse..
Seul, le Procureur du Roi décide d’investiguer l’affaire mise à jour par l’inspecteur Giovanni Bovara, le héros du livre.
Mal lui en prendra, il se fera muter.
On ne peut que s’étonner que les critiques italiens n'aient pas saisi d'emblée le message de l’auteur, à savoir une corruption profonde des institutions italiennes où chaque protagoniste, de petite lâcheté en petite lâcheté arrive à gangrener l’Etat et à lui faire perdre des millions pour le plus grand profit de quelques-uns.
Petite conversation à l’appui "Tu sais très bien quelle part a eu X à mon entrée dans l’arène politique : si j'ai pu y descendre, je le dois à la générosité concrète de X. Et si tu as le poste que tu as, tu le dois à mon appui. C’est comme une chaîne de Saint-Antoine, dangereuse à interrompre".
Cette histoire fictive reflète bien une réalité tangible et décortique toutes les motivations des gens, toutes classes sociales confondues, pour les amener à ces petits mensonges pour préserver leur petite tranquillité et leurs petit confort, ces petites lâchetés mineures qui, mises bout à bout, lèsent profondément la société tout entière, minent la confiance des citoyens dans les institutions et finalement coûtent extrêmement chers à l’Etat.
Ce n’est pas le citoyen belge "éclairé" qui le démentira…
vigata 1887 10 étoiles

Une histoire de moulins, bien loin de l'univers douillet d'Alphonse Daudet. On est en Sicile, à Vigata, ville imaginaire qui abrite l'œuvre littéraire d'Andrea Camilleri. Mais, contrairement aux aventures du fameux commissaire Montalbano, nous voilà plongés dans un dix-neuvième siècle finissant, où l'île vit encore dans un régime semi-féodal. Quelques puissants jouissent de leurs privilèges, au nez et à la barbe d'une administration impuissante et largement corrompue. Ceux qui tentent de braver les règles établies par la "tradition" sont voués inéluctablement à la mort. Tel est le sort qui guette notre jeune et brave inspecteur des moulins, récemment débarqué de sa Gênes adoptive, et enfin de retour sur son île natale. Il va devoir jouer une partie serrée, avec le soutien d'un juge lui-même sur le point d'être "débarqué". À deux doigts de l'échec, il va tenter un dernier coup, qui enverra tous ses ennemis au tapis. La partie dure six semaines, et on ne se lasse pas de suivre pas à pas les coups échangés. Truffé de particularismes de langage propres au sicilien et au génois, admirablement rendus par Serge Quadruppani (qui a dû se faire aider pour l'occasion), ce roman policier hors du commun se dévore tout cru. On comprend comment la mafia a pu germer sur un tel terreau...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 9 mars 2013


L'hydre tentaculaire 6 étoiles

A. CAMILLERI nous illustre le mode de fonctionnement mafieux dans un contexte qui n'a pas dû trop déranger puisque situé fin 19ème. Il utilise là encore, comme dans LA CONCESSION DU TELEPHONE, un procédé d'échanges épistolaires pour faire progresser l'action. Celui ci me semble inégal par rapport aux CAMILLERI qui viendront après. Peut être aussi S. QUADDRUPANI n'avait-il pas encore réglé les problèmes de traduction posés par les parties apparemment écrites en Sicilien dans l'original. Il y parviendra mieux, me semble-t-il, ultérieurement.

Tistou - - 68 ans - 5 janvier 2005