Vertiges
de Frédric Gary Comeau

critiqué par Libris québécis, le 15 novembre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Noces de l'éternité
Ce roman ressemble à une bouteille jetée à la mer. En fait, c’est tout comme. Un poète acadien laisse son œuvre dans le désert par main interposée. Une femme le découvre et demande à sa fille de retrouver l’auteur car elle croit que c’est l’homme de sa vie. Sur cette esquisse se trament une multitude de rencontres qui mèneront peut-être à Antoine, le poète de Moncton.

Cet enjeu semble en apparence se diluer dans une foule de chassés-croisés sans frontières. De Montréal au Japon, via une flopée de villes telles que Paris, New York et Göreme en Turquie. C’est finalement dans l’église de la boucle en Cappadoce que se termine cette course à la quête de soi. En contemplant la fresque de l’Annonciation, l’héroïne Hope Fontaine sera-t-elle investie de sa vraie mission sur terre par l’archange Gabriel afin de mettre fin à son errance à travers le monde ?

On découvre comme avec Facebook une panoplie de personnages, tous plus ou moins pris de vertige. Le vertige de l’écriture, le vertige de la vengeance, le vertige de la sexualité et le vertige de la violence. L’espérance pousse chacun à parcourir le monde afin de combler ses désirs. Cet objectif les amène à croiser leurs routes inopinément. Nul n’est une île. Des ponts se construisent pour transcender les quêtes communes du bonheur. Bonheur qui se cache dans un ailleurs rémunérateur pour les compagnies aériennes. Qui n’a pas rencontré un compatriote dans les coins les plus perdus ? Notre monde est devenu une masse compacte d’aspirations plus ou moins identiques et justifiables.

Cette réalité s’incarne dans une forme fragmentée à l’instar de celle empruntée par Éric Plamondon. Fredric Gary Comeau est musicien. Son roman ressemble à un recueil de paroles de chansons. En deux pages ou moins, il décrit l’univers de ses personnages saisis dans l’instant qui le motive. Un univers enrichi par tous les arts, qui sont, en fait, une expression de ce que nous sommes. La musique, la poésie, la sculpture… concourent à l’alimentation de ce roman qui répond au canon éclectique de la modernité.

C’est une œuvre originale et dépaysante. Elle renouvelle l’art romanesque en empruntant à toutes les formes d’expression culturelle. C’est intéressant comme quête littéraire d’autant plus que l’écriture hachurée convient à une société pressée de se partager entre différents espaces de recherche afin de saisir le sens de l’existence et de sa fin qui est loin d’être une tragédie. « Notre mort… c’est nos noces de l’éternité. »