Les Oberlé
de René Bazin

critiqué par JulesRomans, le 27 novembre 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Oberlé vient de sanglier en allemand et cette famille globalement francophile fut choquée par ce Français de l’intérieur disant: « cochon qui s’en dédit ! »
Voici un roman qui fut rapidement traduit en une dizaine de langues et vint consolider l’idée chez les Français et d’autres peuples que l’Alsace-Lorraine aspirait à redevenir française, à un moment où justement disparaissaient du paysage politique les députés protestataires. Le grand-père du héros en était un.

Le récit proposé par René Bazin se déroule vers 1900, au moment où sort l’ouvrage. Jean Oberlé revient dans son village alsacien, après des études à Munich. Son père industriel a licencié la plupart de ses employés indociles au profit d’Allemands (des Badois en particulier) et il se considère comme un sujet définitivement allemand. Sa sœur rêve d’épouser un officier du Reich. Il est en âge de faire son service militaire et va déserter pour passer de l’autre côté des Vosges et endosser l’uniforme français.

Il aura auparavant développé tout ce qui fait son attachement à l’univers du coq gaulois et son rejet du monde germanique. René Bazin a l’honnêteté de montrer que son acte de patriotisme français n’est pas unanimement partagé par les jeunes de son âge et il met en scène de jeunes Alsaciens qui réclament une égalité des droits dans l’Empire allemand.

René Bazin été élu à l'Académie, après le succès de son livre "Les Oberlé", le 18 juin 1903. "Les Nouveaux Oberlé" est un titre publié en 1919 qui raconte l’arrivée des Français en Alsace en 1914; il semble n’avoir jamais été réédité. On suit une famille résidant dans le sud de l’Alsace, alors que les Oberlé résident à Alsheim, un village imaginaire non loin d’Obernai assez au nord de l’Alsace. Il est à noter que le roman "Les deux Mathilde" dont il a été fait une adaptation télévisuelle se déroule à Alsheim, afin de rendre hommage au roman de René Bazin sorti en 1901.

Alors que dans la littérature francophone, ce type de littérature destiné à entretenir l’idée de la fidélité des Alsaciens-Lorrains à la France est le fait de natifs de l’Alsace-Lorraine (ou de fils d’optants) ou des parties des six départements d’avant 1870 qui sont restés français (le territoire de Belfort et le centre ainsi que le sud de la Lorraine), c’est ici un Angevin qui prend la plume. Si René Bazin s’attèle à cette tâche c’est que Monseigneur Freppel, évêque d’Angers et fondateur de l’Université catholique de l’Ouest, natif d’Obernai lui a évoqué l’univers alsacien. Ce dernier est décédé depuis quelques années quand paraît l’ouvrage qui nous intéresse. Ce sont deux autres natifs de cette province qui vont le guider en 1899 dans son voyage en Alsace. Ferdinand de Dartein n’y réside que partiellement mais connaît très bien les milieux artistiques alsaciens et Pierre Bucher médecin strasbourgeois fréquente les écrivains de cette région.

Sur ces deux personnages, on en apprendra plus à la lecture de "L’Alsace au temps du Reichsland" de Gabriel Braeuner. Pour une vision autre des sentiments des Alsaciens vis-à-vis de la France on se reportera à "Souvenirs d’Alsace-Lorraine" du Prince Alexandre Hohenhole et à "Cette histoire qui a fait l'Alsace, tome 11: l'Alsace dans le Reich".

ll est à noter que Jean-Yves Magdeleine a proposé une petite étude en faisant un parallèle entre "Les Oberlé" et "Le silence de la mer" (ouvrage de Vercors) dans le numéro de l’année 2000 de la revue "Impacts" produite par l’université catholique de l’Ouest et éditée par l’Harmattan. D'autre part dans l’ouvrage "Nord-Sud" René Bazin a évoqué le Canada et a su y trouver un doux sentiment à l’égard de la France.