Je vous ai compris
de Frank Chiche (Scénario), Georges Fleury (Scénario), Collectif (Dessin)

critiqué par Shelton, le 24 novembre 2013
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Décu par le graphisme...
Nous voilà face à un objet hybride, difficile à définir et présenter, délicat à apprécier et qui ne fera certainement pas l’unanimité. Tout a commencé par un film écrit et réalisé par Frank Chiche et qui montre à travers une histoire co-écrite avec Georges Fleury la vie quotidienne en Algérie dans les années d’affrontement terrible entre armée, FLN et OAS… Attention, ce n’est pas un film classique c’est un film en image numérique, entre animation et bande dessinée. Lors du dernier festival d’Angoulême, j’avais vu une version numérique de cette histoire, sorte de DVD interactif, entre bande dessinée et film, où chaque case pouvait être enrichie d’une vidéo, d’une fiche documentaire, d’un complément d’histoire… C’était passionnant mais pas si simple à lire.

Voici maintenant une version livrée comme une bande dessinée mais avec un graphisme plus près du jeu vidéo, plus numérique que graphique et qui m’a fait penser au roman feuilleton photo de ma jeunesse, ceux que je lisais chez le coiffeur… Je suis bien conscient que cette esthétique va déplaire à certains lecteurs tandis que d’autres la trouveront réaliste et que sa filiation avec le jeu vidéo les enchantera… Moi, je l’avoue, mon amour de la bande dessinée n’y a pas trouvé son compte… La même histoire dessinée par Jacques Ferrandez m’aurait certainement réjoui le cœur !

Par contre, l’histoire est passionnante et je suis certain que de nombreux lecteurs seront ravis de plonger dans cette époque avec un récit fort, détaillé, historique et politique, humain et dramatique… Il repose toutes les problématiques de la colonisation, des guerres coloniales, des petits colons et de leurs liens avec la métropole, de l’égalité entre les êtres humains, du racisme, de la violence, de la guerre, du terrorisme, de l’amour, de la jeunesse, et, enfin, de la décolonisation et de l’indépendance de ces états trop longtemps occupés, dominés, exploités…

Dès que vous avez franchi la surprise graphique, vous êtes pris dans l’effervescence d’Alger, dans les troubles incessants de cette époque obscure et même ceux qui n’apprécient pas trop l’Histoire sont pris au piège du scénario presque parfait en compagnie de Jacquot, Thomas, Malika, Ali…

Une certaine indépendance d’esprit et de neutralité dans toute l’histoire, point de vue narratif revendiqué par l’auteur qui nous déclarait à Angoulême : « Nous n’avons pas voulu être d’un camp mais de tous les camps. Quand nous sommes avec Thomas, l’apprenti journaliste qui cherche à avoir son scoop et se faire connaître en pénétrant l’OAS, nous avons les arguments de ceux qui voulaient garder l’Algérie Française, nous voulons comprendre leurs motivations ; quand nous suivons Malika, algérienne combattant pour l’indépendance de son pays, nous prenons son parti. La vérité est à la croisée de ces regards différents ? » C’est ce qui donne au lecteur le sentiment de comprendre, enfin, cette page dramatique de notre histoire…

Le film a été diffusé sur Arte en février 2013, mais il faut peut-être envisager d’avoir les deux chez soi, le film et la bédé…