Les nuits de Shanghaï de Juan Marsé

Les nuits de Shanghaï de Juan Marsé
(El embrujo de Shanghai)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Tistou, le 8 décembre 2013 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Exotisme à Barcelone

Juan Marsé est catalan, barcelonais et il raconte vraiment de drôles d’histoires. Drôles au sens de curieuses, pas d’amusantes. Et ses histoires prennent invariablement racine dans – ou concernent – l’enfance. Je suis persuadé que Juan Marsé a été durablement marqué par son enfance barcelonaise et il la rejoue, sur des modes différents, dans ses romans successifs.
Notre narrateur est ici un jeune garçon de quatorze ans, dans le Barcelone de l’après-guerre, mais surtout du Franquisme (Juan Marsé avait quatorze ans en 1947).

« Je me trouvais à cette époque dans une situation singulière, nouvelle pour moi, qui, par moments, me plongeait dans le cafard et la rêverie ; j’avais quitté l’école et je n’avais pas encore de travail. Ou plutôt, j’en avais un pour un peu plus tard. A cause d’une certaine habileté que je montrais depuis mon enfance pour le dessin, ma mère, sur le conseil et par l’intermédiaire d’un bijoutier fondeur de ses amis, M. Oliart, avait fait des démarches pour que je sois embauché comme apprenti et coursier dans un atelier de bijouterie proche de la maison ; … »

Et voilà notre jeune ami riche de quelques mois de liberté à accompagner le Capitaine Blay, le « dérangé de la tête » local persuadé que la ville va sauter pour cause de fuites de gaz permanentes et lancés, à la Don Quichotte dans une quête pathétique aux signatures pour conforter sa pétition. Quête qui, d’après ce Capitaine, serait sérieusement renforcée si notre narrateur pouvait dessiner de manière convaincante Susanna, une jeune phtisique, à peine plus âgée, qui se morfond sur son lit.
Le narrateur va être ainsi amené à fréquenter assidûment Susanna, sa mère, et les personnages tous plus bizarres les uns que les autres qui gravitent autour de cette maison. Principalement Forcat, un soi-disant ami intime de Kim, le père de Susanna (mais ami intime à coup sûr de la mère de Susanna !), qui a fui la Catalogne franquiste et a abandonné femme et fille. Forcat raconte par épisodes le départ de Kim pour Shangai pour aller remplir une mission au service d’un de ses frères d’arme. Aller éliminer là-bas un nazi réfugié qui a des vues sur la jeune femme du frère d’arme.
L’histoire racontée par Forcat est donc une histoire dans l’histoire, qui s’enchevêtre sérieusement avec les souvenirs du narrateur – et ne l’oublions pas, notre narrateur n’a que quatorze ans. Et il faut reconnaître à Juan Marsé de bien restituer la psychologie d’un enfant de quatorze ans, avec toute l’immaturité que cela suppose. Ca ne simplifie pas les choses !
Un autre amoureux barcelonais a emprunté des chemins similaires, Carlos Ruiz Zafon, mais dans un cadre nimbé de merveilleux qui donne l’impression de marcher éveillé dans un rêve en permanence. Chez Juan Marsé, l’impression c’est plutôt de se débattre dans un cauchemar en permanence. Le cauchemar de l’Espagne, la Catalogne franquiste de l’après-guerre.

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Les éditions

  • Les nuits de Shanghai [Texte imprimé] par Juan Marsé trad. de l'espagnol par Jean-Marie Saint-Lu
    de Marsé, Juan Saint-Lu, Jean-Marie (Traducteur)
    10-18 / 10-18
    ISBN : 9782264024596 ; 7,00 € ; 02/06/1998 ; 264 p. ; Poche
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