Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov
Catégorie(s) : Littérature => Russe
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Aaah, la littérature russe !!!
Il y a du Kafka, du Lesage, du Poe dans ce chef-d'œuvre russe, dans ce roman qui mit onze ans à se construire, à se faire, à se défaire, à s’écrire et se réécrire… Boulgakov y a mis tout son cœur et toute son âme, tout son amour de la Russie, mais aussi tous les griefs qu’il porte contre son gouvernement et contre les années de Terreur, les années ’20-’30.
Roman fantastique qui met en scène le diable, Woland, en visite à Moscou avec ses acolytes, le chat Béhémoth, le grand échalas Koroviev et un vilain tueur Azazello et qui y laissera sa marque profonde, indélébile, sanglante et . diaboliquement perverse ! La folie s'emparera en effet bien vite de cette grande ville où des hallucinations collectives rendent les gens fous, où des pièces de théâtre sont jouées avec de drôles de scènes, où les intrus et les opposants sont éliminés (envoyés à Yalta ou à l’asile, c'est selon), où deux-trois morts sont pour le moins étranges.
En filigrane de cette fenêtre sur les « vacances » de Satan, il y a énormément de personnages dont nous allons apprendre la vie, les joies et surtout les peines. Il y a le « Maître », poète déchu parce que son œuvre était jugée « impropre » et sa fiancée, Marguerite, qui l'aime d’un amour plus fort que la mort, il y a aussi Ponce Pilate, sa dernière conversation avec Yeshoua (Jésus) et ses remords éternels et puis, il y a surtout le chat Béhémoth qui est un esprit farceur dont la facétie n’a d’égale que la rigueur russe.
Certaines scènes sont évidemment magnifiques et inoubliables : le bal de Satan, le vol en balais de Marguerite, la représentation théâtrale de Woland, le songe de Nicanor Ivanovitch, les dernières aventures de Koroviev et Béhémoth, … mais c’est surtout l’unicité de cette œuvre fantastique, dense et profonde qui en fait un chef d’oeuvre incommensurable que je me promets de relire dans quelques années.
Roman interdit, qui se terminera en même temps que se fermeront les yeux de Boulgakov, il n'a jamais pensé à le publier tant ses attaques contre le « système » sont dures et sans bavure (on pense aux disparitions soudaines, œuvres de Satan - œuvres du gouvernement), mais, contrairement à Swift (je ne mentionne que lui, car je viens de terminer Gulliver), son roman peut se lire en n’ayant aucune connaissance de la politique russe de l'époque.
Ce chef d’oeuvre (je me répète, mais cela vaut la peine) est un roman truculent, gai, envolé, léger dans sa prime lecture, mais il est tellement dense et tellement profond dans ses entre-lignes que sa découverte me laissera à jamais un goût du parfait.
Les éditions
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Le maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov traduit du russe par Claude Ligny
de Boulgakov, Mikhaïl Ligny, Claude (Traducteur)
Pocket / Poche
ISBN : 9782266134378 ; 2,94 € ; 01/03/2003 ; 581 p. ; Poche -
Le maître et Marguerite [Texte imprimé] Mikhaïl Boulgakov texte présenté, traduit et annoté par Françoise Flamant,...
de Boulgakov, Mikhaïl Marrou-Flamant, Françoise (Editeur scientifique)
Gallimard / Collection Folio. Classique
ISBN : 9782070439553 ; 9,20 € ; 27/01/2011 ; 730 p. ; Poche -
Le Maître et Marguerite [Texte imprimé] Mikhaïl Boulgakov
de Boulgakov, Mikhaïl
le Livre de poche / Le Livre de poche.
ISBN : 9782253037293 ; 2,10 € ; 31/01/1996 ; 509 p. p. ; Poche -
Le maître et Marguerite [Texte imprimé], roman Mikhaïl Boulgakov texte intégral précédé d'une introduction de Sergueï Ermolinski traduit du russe par Claude Ligny
de Boulgakov, Mikhaïl Ermolinskij, Sergej Aleksandrovič (Préfacier) Ligny, Claude (Traducteur)
R. Laffont / Bibliothèque Pavillons
ISBN : 9782221116869 ; 8,00 € ; 05/01/2012 ; 643 p. ; Poche -
Le maître et Marguerite [Texte imprimé] Mikhaïl Boulgakov texte présenté, traduit et annoté par Françoise Flamant,...
de Boulgakov, Mikhaïl Marrou-Flamant, Françoise (Editeur scientifique)
Gallimard / Collection Folio. Classique
ISBN : 9782072836459 ; 8,70 € ; 03/01/2019 ; 736 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (33)
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Passé à côté
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 26 juillet 2019
Ceci dit, je ne me suis pas ennuyé. L’idée de départ est amusante : Satan et ses acolytes qui font les cent coups à Moscou. Je me suis amusé au récit de leurs facéties qui sont racontées à la manière rigoureuse d’un rapport de police, ce qui les rend d’autant plus marrantes. Mais quand on entre dans l’irrationnel, tout est possible et le lecteur ne s’étonne plus de rien ; cependant, je conçois que le but de Boulgakof était tout autre que d’amuser le lecteur avec ces pitreries sataniques et je suis sûr d’être « passé à côté ».
Je suis d’autant plus déçu que j’avais lu, de Boulgakof, La Garde Blanche, qui m’avait littéralement époustouflé. Je m’attendais à un plat raffiné, et je n’ai trouvé qu’un bon « compote-saucise » tel que les politiciens en offrent aux citoyens à la veille des élections.
Le diable seul sait qu'en penser
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 28 janvier 2017
Ce mélange des genres, satire sociale, histoire d'amour, conte fantastique, critique politique, ..., au début du siècle dernier fait figure d'ovni.
Quand en plus on sait que l'auteur vivait dans la Russie soviétique d'avant-guerre et qu'il écorne le régime en place, on ne peut qu'admirer son courage et on comprend mieux qu'il ait fallu dix ans d'écriture et de réécriture et plus de 20 ans avant que l'ouvrage ne soit publié.
Enfin on ne peut contester la grande richesse du roman, dans sa construction, ses références, les lectures à plusieurs niveaux et bien évidemment la qualité de la plume de Boulgakov.
Néanmoins, malgré cette certitude d'être devant une œuvre de très grande qualité, il m'est arrivé de m'ennuyer. Et plus d'une fois. Devant des scènes répétitives ou qui trainaient en longueur. Devant des scènes dont je n'ai pas toujours compris la finalité. Avec aussi souvent cette impression de passer à côté d'une allusion par ignorance. A ce propos je confirme tout l'intérêt du site signalé par Psychééé qui apporte des éclairages qui ont ont considérablement enrichi ma lecture.
Un roman multiple
Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 22 août 2013
C’est donc en 1928 qu’il entreprend la rédaction d’un roman qui deviendra, douze ans plus tard et au prix de plusieurs remaniements ‘Le Maître et Marguerite’, une œuvre dont il ne verra pas le résultat final, celle-ci ayant été achevé par sa compagne, après sa mort, en 1940.
Roman polymorphe que l’on peut aborder sous divers angles et qu’il est impossible de réduire à un ensemble constitué de ses parties, tant il est multiple dans chacun des éléments qui le composent.
Constitué de deux volets, sans lien apparent au début mais qui s’entrecroisent au fur à mesure que le roman évolue pour finalement former un ensemble subtilement tissé mettant en relief le thème principal du bien et du mal, tout en développant plusieurs autres thèmes, tels que l’opportunisme et la corruption ayant cours dans le milieu des arts pendant l’ère soviétique, le travail et le rôle de l’écrivain face à l’histoire (dualités réalité-fiction, relation entre perspective et perception), puis la foi, la conscience et la morale.
Le premier volet se déroule à Moscou pendant la semaine sainte, alors qu’une bande de personnages loufoques viennent semer la zizanie dans la ville et plus particulièrement au sein d’une bureaucratie littéraire dont l’un des personnages, un écrivain rejeté et marginalisé, a fait les frais. Alors que le récit de ces aventures nous est rendu de façon fort vivante par un narrateur dont la présence se laisse parfois sentir par des remarques adressées directement au lecteur, les divers lieux et personnages font l’objet d’une description dont la précision n’a d’égale que le sens théâtral de la mise en scène et de l’action qui se déroule sous nos yeux. L’ambiance bucolique, imagée, colorée, drôle et incroyablement inventive de ce volet contraste de façon dramatique avec celle, sobre, sérieuse et neutre du second volet.
De Moscou, on passe à Jérusalem, pour assister à l’arrestation et la crucifixion de Jésus, le tout sous les commandes de Ponce Pilate, procurateur de Judée. Ici, le ton de la narration devient plus sobre et le récit évolue de façon adaptée à son contenu. Ceci dit, les personnages et les lieux n’y sont pas moins décrits avec précision, tandis que l’histoire suit un rythme mesuré.
On ne saurait assez souligner, du fait de sa construction, de son contenu et de son style, la multiplicité de ce roman. Multiplicité des personnages et des perspectives, des cadres et des rythmes, des genres et des tonalités littéraires, des voix et des gestes, etc.
Tantôt théâtral dans ses mises en scène, dramatique dans ses dialogues, imprévisible dans ses développements, inventif et dynamique dans l’action, puis soudainement sobre et posé avant de devenir lyrique ou allégorique, ce roman n’a de cesse de transporter le lecteur dans plus de directions qu’il ne saurait en imaginer.
On ne peut que se prosterner devant la versatilité et l’étendue du créneau littéraire de cet auteur qui au surplus ne manque pas une occasion de recadrer son récit dans le réel en lançant des clins d’œil au lecteur avisé.
A cet effet, l’édition de poche documente, supporte et explicite habilement les nombreux détails auxquels le roman fait référence.
Un seul bémol, l’auteur n’ayant pu achever son travail avant sa mort, le roman porte le tribut d’une édition déficiente. On peut noter en particulier la présence de répétitions, une écriture que l’on sent moins uniforme dans la seconde partie du roman, voire, suivant le point de vue où l’on se place, un manque de cohésion dans la construction qui se ressent au niveau de l’unité du roman.
Ceci étant, Le Maître et Marguerite est sans contredit une œuvre d’exception qui constitue un très beau moment de lecture.
Satanément diabolique
Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 52 ans) - 20 mars 2013
En dire peu serait déjà en dire trop, mais autour du diable se lit en creux l’indispensable Mal faisant écho au Bien. Le régime stalinien n’est évidemment pas absent de ces aventures parfois rocambolesques où le mal incarné souvent n’exploite que les viles inclinaisons de l’Homme.
Ce roman mêle avec talent de très nombreux sujets et Boulgakov le fait avec légèreté mais aussi un sens de la théâtralité qui conduit le lecteur à la fois à le dévorer mais aussi à le vivre.
Tout est évidemment dans tout et expliquer comment se font les liaisons serait évidemment dévoiler le contenu d’une œuvre qu’il faut découvrir.
Merci à Ulrich de m’y avoir mené. Un rapprochement osé avec le Barabbas de Pär Lagerkvist n’est peut-être pas très académique mais je m’y risque.
Le Maître et Marguerite
Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 28 février 2013
Ce n'est pas pour rien que ce roman est considéré comme un classique.
Chef d'oeuvre fantastique
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 15 février 2013
L’oeuvre est divisée en 3 parties : l’une à Moscou dans les années 1920-30 où le diable lui-même rend visite aux Moscovites et sème le trouble dans la ville, une autre propose l’histoire de Ponce Pilate et enfin la troisième raconte celle du Maitre et Marguerite, ma partie favorite. Un écrivain, le Maître, s’est vu refuser la publication de son récit sur Ponce Pilate et sombre dans la folie, malgré l’amour de Marguerite qui fera tout pour le sauver.
L’histoire se veut originale, fantastique (l’auteur déborde d’imagination !) et fait naturellement la satire sociale de l’époque, sous l’ère de la dictature stalinienne. On y voit combien l’espionnage y est omniprésent et les nombreuses disparitions et apparitions magiques rappellent ici les fréquentes disparitions et arrestations soviétiques mystérieuses qui avaient lieu sans que nul ne sache pourquoi. La terreur y est donc légion, la folie aussi, provoqués essentiellement par le Mal alias Woland, le diable en personne accompagné de ses étranges acolytes Béhémoth, Azzazello et Koroviev. Boulgakov nous offre sa propre version de l’histoire de Ponce Pilate dans laquelle il dévie de l’histoire biblique traditionnelle sur plusieurs points.
Par ailleurs, une kyrielle de références à différentes œuvres est faite, notamment au Faust de Goethe et à des auteurs russes, qui nous incitent à les découvrir et enrichissent incroyablement le roman. A noter : pour apporter un véritable plus à cette lecture et vous ouvrir à la culture russe, il existe un site Internet entièrement dédié au livre, une véritable mine d’or : www.masterandmargarita.eu.
Enfin, j’ai beaucoup apprécié le vol de Marguerite, le bal de Satan et ses traditions originales, la fameuse crème d’Azzazello aux pouvoirs ô combien miraculeux, l’histoire d’amour du Maitre et Marguerite, l’appartement maudit n°50 de la rue Sadovaïa, le côté loufoque et drôle des personnages (Satan n’est pas dépourvu d’humour !) et j’en passe…
Bref, un concentré d’aventures, de drôleries et de clins d’œil qui résument bien la société de l’époque.
Diabolique
Critique de Salocin (, Inscrit le 12 décembre 2012, 43 ans) - 27 janvier 2013
Non ce qui m'a parfois le plus gêné est l'absence apparente d'unité de l'oeuvre. Je sais que c'est pourtant volontaire de la part de Boulgakov mais cela doit être mon esprit cartésien qui s'accomode mal de ces ruptures successives dans la narration.
C'est un livre extrêmement riche, l'écriture est soignée, peut être un peu trop, ce qui rend la lecture parfois exigeante, d'autant qu'il est parfois difficile de se retrouver dans le défilement des multiples personnages.
Je retiens comme d'autres contributeurs de ce livre quelques épisodes jubilatoires, magnifiquement écrits et qui restent en mémoire dans un coin de ma tête : les tours de magie de Woland, le survol de Moscou de Marguerite avec son balai magique, le bal de satan...
J'ai beaucoup aimé aussi dans l'épilogue l'effort des enquêteurs de donner à tous ces phénomènes invraisemblables une explication logique, celle selon laquelle les événements ne seraient en fait que le fruit d'une hypnose. C'est ici le charme de ce livre et une vraie leçon de vie : certains faits aussi extraordinaires soient-ils ne peuvent être soumis à la raison, il convient de les vivre et de les prendre comme ils arrivent sans vouloir chercher à tout prix une explication, car la logique rationnelle n'est pas pour autant vérité.
Tout l'art de la satire.
Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 49 ans) - 9 octobre 2011
Drôle, terrifiant, poétique, magique !
Critique de Thomasdesmond (, Inscrit le 26 juillet 2004, 43 ans) - 29 juin 2011
Etant un vieux fan de littérature fantastique, j'ai enfin découvert un auteur dit "classique" qui arrive à faire plus peur en trois phrases (certaines scènes font froid dans le dos) que les auteurs fantastiques en 600 pages.
Tout a été dit plus haut sur l'histoire, folle, délirante, mais aussi très profonde, poétique à l'extrême, inspirante. J'ai surtout été ébloui par certaines visions / propositions très modernes de l'auteur, presque cinématographiques (la chevauchée macabre à la fin) et très visuelles. De quoi relayer les écrivaillons modernes de récits d'angoisse au rang de barbouilleurs niais sans inspiration.
Bref, un grand bonheur de lecture, jouissif d'un bout à l'autre, un kaléidoscope fous d'images et de situations grotesques qui explosent en couleurs dans ce Moscou si peu souvent le théâtre (dans les livres) de telles folies...
Magistral
Critique de Perlimplim (Paris, Inscrit le 20 mars 2011, 48 ans) - 18 mai 2011
Les différents passages de l'histoire moscovite à l'histoire de Pilate (et vice-versa) auraient, sous la plume d'un écrivain moins inspiré et moins rigoureux que Boulgakov, rapidement paru artificiels, et finalement sans grand intérêt. Or, ici, ce sont précisément ces changements de perspectives qui donnent toute sa profondeur au "Maître et Marguerite", et lui donnent tout son relief. On imagine mal comment la fin aurait pu être si belle sans l'image finale de Pilate. Car les deux histoires sont organiquement liées (au-delà même du fait que l'histoire de Pilate serait un livre écrit par le Maître).
Un livre d'un auteur démiurge, à connaître absolument, un livre sans demi mesure, et qui appelle une réaction pleine et entière de la part du lecteur.
Divertissant Satan
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 7 juillet 2010
« - Vous n’êtes pas Dostoïevski, dit la citoyenne déroutée par les raisonnements de Koroviev.
- Hé, hé ! Qui sait, qui sait ? fit celui-ci.
- Dostoïevski est mort, dit la citoyenne, d’un ton qui déjà, manquait un peu de conviction.
- Je proteste ! s’écria Béhémoth avec chaleur. Dostoïevski est immortel ! »
Un chef d'oeuvre
Critique de Yeaker (Blace (69), Inscrit le 10 mars 2010, 51 ans) - 2 avril 2010
D'ailleurs même ceux qui n'ont rien compris mettent une bonne note!
Une magnifique découverte ...
Critique de Kratkous (, Inscrit le 11 février 2010, 37 ans) - 11 février 2010
Je suis tombé sur ce livre un peu par hasard, et je ne risque pas de l'oublier de si tôt ! Une pure merveille, que ce soit l'histoire, les dialogues ... Vraiment magnifique !! Dostoïevski était le seul que j'avais lu chez les grands écrivains russes, et je doit dire que ce livre m'a donné envie d'aller fouiller de ce côté là :!
Magnifique
Critique de Maria-rosa (Liège, Inscrite le 18 mai 2004, 69 ans) - 18 janvier 2010
Je ne suis pas près d'oublier Woland en visite à Moscou avec sa cour, Béhémoth, le gros chat monstrueux, Koroviev, le mauvais génie dégingandé et le répugnant Azazello.
Il était plus facile pour moi aussi, comme le dit Alma, de considérer chaque chapitre comme une nouvelle tournant autour du même thème. A chaque fois un petit bijou.
Quelques images : Marguerite se préparant pour le bal de Satan, son survol de Moscou sur un balai, le petit appartement en sous-sol où le Maître et Marguerite vivent leur amour, la représentation théâtrale de Woland, Pilate et Yeshoua qui s'éloignent en bavardant sur un chemin de lumière...
Ce livre qui n'est certainement pas d'une lecture aisée tant il peut être lu sur différents plans m'a laissé un tas d'impressions fugaces, des images lumineuses et magnifiques. Du tout grand art.
Au diable la censure !
Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 13 décembre 2009
Toutes les dérives du régime soviétique sont pointées du doigt dans le roman : l’enfer des maisons communales, les apparatchiks, la milice, la corruption et la délation intéressée, ainsi que, surtout, deux éléments qui tiennent particulièrement à cœur à l’auteur : la négation de la religion et le détournement de la culture. Les deux thèmes sont abordés de front dès le début de l’œuvre lorsque Berlioz et Ivan remettent en cause l’existence de Jésus non seulement en tant que fils de Dieu, mais même en tant que personnage historique. Comble d’ironie, c’est le Diable lui-même qui les corrigera en évoquant un Yeshoua, certes bien différent de celui des Evangiles, ne prétendant nullement être fils de Dieu, mais simplement un philosophe pacifiste, peut-être un peu simple et certainement mal entouré. A travers lui, et plus encore Ponce Pilate, Boulgakov pointera la censure qui a envoyé dans un asile le Maître, auteur d’un roman qui n’a pourtant rien à envier en matière de réalisme historique au témoignage de Satan lui-même, présent au moment des événements.
La critique est juste et suffisamment fine pour ne pas tomber dans le pamphlet – on aura d’ailleurs souvent besoin des excellentes notes de bas de page de l’édition Pocket pour savoir exactement ce que dénonce Boulgakov au détour d’un dialogue. Elle est servie par une histoire et des personnages aussi marquants que truculents, au point, même, que Satan lui-même est éclipsé par les facéties de Koroviev, Azazello et surtout Béhémoth, improbable chat noir colérique, menteur, verbeux et violent, qui se révèle comme un des personnages les plus marquants du roman et de la littérature en général. Cette bande, à laquelle s’ajoute Hella, la belle sorcière dénudée, s’adonnera à quantités d’exactions qui créeront le scandale à Moscou, et mettra littéralement la ville à feu et à sang, bien qu’en exauçant les souhaits des justes de ce monde. Elle est d’ailleurs assez troublante cette alliance entre les Justes, humiliés et offensés, et ces forces du mal qui prennent le pouvoir dans la cité tout en entretenant, semble-t-il, les meilleures relations avec l’autre côté, celui de Yeshoua. C’est de ce trouble, peut-être, que naît la grandeur de ce roman qui, à travers le diable et la sorcellerie, ne parle que de Dieu et de mort, principales préoccupation d’un vieux croyant agonisant à qui l’on interdit de croire.
Car avant d’en arriver là, le roman, dans un premier temps, semble loin d’être parfait. Outre une valse de personnages qui disparaissent aussi soudainement qu’ils sont venus et laissent le lecteur tout penaud et embrouillé tandis qu’il cherche la bouée d’un personnage principal à laquelle se raccrocher, les petites peccadilles par lesquelles Woland et sa bande créent le scandale le feraient plutôt passer pour un diable de pacotille, un simple provocateur, totalement vain. Cela confère d’abord au roman un aspect très conservateur : Woland est d’abord présenté comme un étranger, un Allemand qui plus est, ce qui, en Russie, l’associe immédiatement aux idées nouvelles – socialisme, nihilisme – qui « corrompent » la Russie et que Dostoïevski, notamment, a souvent combattu dans ses textes. De fait, les petits scandales provoqués par Koroviev et Béhémoth ne sont pas sans rappeler ceux par lesquels Stavroguine se fait distinguer au début des Possédés, lorsqu’il tire le nez d’un notable de la ville. Un diable qui fait ainsi des pieds de nez, cela manque un peu d’ampleur.
Et puis, dans sa deuxième partie, le roman évolue et revisite le thème de Faust lorsqu’enfin le Maître et Marguerite jouent les premiers rôles. Dès lors, l’ambiguïté des relations qu’entretiennent le bien et le mal lui donne toute cette ampleur qui vient s’ajouter aux scènes cultes qui continuent de jalonner le roman, comme le bal de la pleine lune qui répond à la séance de magie noire de la première partie, ou encore, toujours, ces plongées dans la Judée de Ponce Pilate. Tromperies et sacrifices humains seront dès lors au menu de ces diableries menées, sous le regard bienveillant de Yeshoua, jusqu’à un final magnifique qui laissera – ou pas – le lecteur avec ses interrogations. Après tant de splendeur et de transgression, vendre son âme au diable semble en effet bien séduisant, ne serait-ce que pour la liberté qu’il offre et que trouvera aussi Boulgakov lorsque, suivant ses héros, ils s’envolera à son tour de Moscou après d’ultimes corrections, point final à ce chef-d’œuvre testamentaire.
Trublion n°2
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 30 juin 2009
Certes, j’ ai apprécié la truculence, l’incroyable légèreté, la portée satirique de l’oeuvre, le talent d’écrivain et d’observateur de la comédie humaine dont fait preuve Boulgakov ……….mais je me suis vite perdue dans tous ces personnages tantôt désignés par un nom, tantôt par un autre ( ah, ces satanés Russes avec leur triple identité !) .
Après avoir régulièrement interrompu ma lecture en cherchant à chaque nouveau début de chapitre à quel épisode précédent, diable ! il pouvait bien se rattacher, j’ai finalement choisi de considérer l’oeuvre comme un recueil de nouvelles autour d’un même thème et c’est ainsi que j’ai pu alors goûter pleinement les scènes inoubliables que vous signalez tous et la saveur sulfureuse de cette fable magistrale .
ça un chef d'oeuvre ???
Critique de Dumel565 (, Inscrit le 3 mai 2009, 56 ans) - 3 mai 2009
Grandiose
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 6 février 2009
Renversant, c'est le mot
Critique de Montgomery (Auxerre, Inscrit le 16 novembre 2005, 52 ans) - 5 février 2009
Ce roman est proprement diabolique car il permet au lecteur de dépasser ses préjugés et préventions:
- l'athée peut soudainement trouver un intérêt à l'histoire biblique et éprouver de l'empathie pour l'inconsolable Pilate;
- le rationaliste peut aussi se découvrir une attirance pour la spiritualité et laisser vagabonder son imagination dans le sillage du balai de Marguerite se rendant au bal de Satan;
- le dernier des communistes peut aussi, sans crainte, rire à gorge déployée, devant l'embarras des autorités aux prises avec les facéties de Béhémoth et Koroviev;
- et comment ne pas apprécier, même si l'on passe pour un moraliste extrémiste, la bienveillance de Woland pour l'amour (adultérin) de Marguerite et du Maître.
Non vraiment rien ne résiste à l'amorale histoire qui nous est contée par Boulgakov.
Truculents
Critique de Cafeine (, Inscrite le 12 juin 2007, 50 ans) - 27 août 2008
Boulgakov mêle avec brio fantastique, histoire, critique politique, passion...
A tel point qu'il m'est difficile de dire quel passage est le plus savoureux, tout le livre sûrement.
Je rejoins Pendragon sur tous les points de sa critique, donc pas grand chose à ajouter.
Onirisme, amour et pardon.....!!
Critique de Oxymore (Nantes, Inscrit le 25 mars 2005, 52 ans) - 13 septembre 2006
D'abord, il me semble avoir lu là l'un des plus fabuleux romans d'amour qu'il m'ait été permis de lire.
Un amour immense dans sa forme gnostique d'abord avec cet humanisme immense qui ressort de l'image de Yeshua Ha-nosri par Boulgakov, c'est vrai qu'il semble habité par une sorte d'amour absolu, dépouillé de tout préjugé et de tout jugement. Cet amour est présent aussi chez Ponce Pilate qui, bien que conscient de la latence de sa lâcheté, juge avec amour et contre l'avis général ce prophète-philosophe qu'il considère avec respect et admiration.
Un amour d'amants ensuite avec cette relation entre le maître et Marguerite, lui désirant fuir sa bien aimée pour ne pas lui faire subir l'outrage de pauvreté, elle prête à pactiser avec le diable pour revoir son bien-aimé dans ce petit sous-sol moscovite.
Et cet amour onirique effectivement, celui du pardon, de la réconciliation de la lune et des ténèbres, du maître et de Ponce-pilate, de Moscou et Jérusalem, de la vie et de la mort enfin au travers de Marguerite au bal de Satan qui somatise la douleur des damnés qui s'abaissent à la saluer.
Ensuite, j'ai trouvé dans Le maître et Marguerite une intelligence exceptionnelle; cette utilisation du fantastique pour mieux dénoncer l'absurdité d'un régime totalitaire. Boulgakov se sert à merveille de Woland et sa troupe pour dénoncer les maux de son pays: disparitions multiples (directeur des variétés, vanioukhova etc....) pour représenter l'arbitraire des arrestations, appels de la milice incessants pour signifier l'encouragement à la délation et le théâtre burlesque mené par Woland pour dénoncer la confiscation des biens appartenant à chacun; Woland, Koroviev, Azazello et le chat Behemot n'apparaissant-ils pas comme des formes diaboliques du pouvoir en place ?
Enfin, j'ai ressenti au travers ce roman que Boulgakov cherchait malgré tout à régler ses comptes avec lui-même; cette fameuse phrase qu'il attribut à Ponce-pilate: "la lâcheté n'est-elle pas le plus grand crime qui soit ?" ne serait-elle pas pour lui sa façon de se punir des concessions faites à Staline ? (tel le remords de Ponce-pilate concernant Yeshua). Son oeuvre (que je ne connais que très superficiellement pour le moment) doit s'en affranchir puisque Nicolaï Ivanovitch lui glisse dans le roman que "les manuscrits ne brûlent pas!!"; et ces derniers attestent sans doute des véritables positions de Boulgakov.
Non les manuscrits ne brûlent pas dans ce chef d'oeuvre et c'est bien là la seule chose qui ne subisse pas les ravages de l'ignition; le siège du Massolit, l'appartement n°50 de la rue Sadovaïa, le magasin des étrangers, tout est ravagé par le feu, symbole du roman mais les écrits restent et attestent de la pensée de Boulgakov.
Fascination pour le Diable.
Critique de Poupi (Montpellier, Inscrit le 11 août 2005, 34 ans) - 28 août 2006
Maintenant l'oeuvre : j'ai été fasciné par ce roman ! Le diable débarquant à Moscou avec sa troupe de saltimbanques étranges : Koroviev, le chantre-interprète loufoque, Béhémoth le chat géant buvant de la Vodka et prenant le tramway, Azazello le tueur à la canine saillante, et Hella, la succube qui se promène toute nue... Une joyeuse bande, tout ça !! Des personnages haut en couleur : on ne s'imaginerait pas les hommes de main de Satan aussi drôles et vivants !
Pendragon l'a bien, ce livre recèle de nombreuses scènes inoubliables, telles que le bal de Satan, le vol en balais, en effet, mais je rajouterai également le supplice du Christ, ou tout simplement la rencontre avec le diable, sur un banc public, avec cet homme qui se vante d'avoir déjeuné avec Emmanuel Kant, et qui prédit la mort avec une exactitude déconcertante...
Je rejoins Saule : roman multiple. Roman d'amour, roman fantastique, roman polémique, roman historique ... On trouve forcément son compte en lisant "Le Maître et Marguerite".
Le seul hic, mais qui ne parvient même pas à faire pâlir le Maître, c'est la multitude de personnages qui tournent autour de cette affaire étrange. Mais en même temps, elle fournit toute la densité de cet excellent roman.
Voici une belle entrée en matière pour moi, dans l'univers de la littérature russe !
Mais ce titre...
Critique de Cecil (, Inscrite le 26 janvier 2006, 45 ans) - 23 mars 2006
Roman fantastique, inattendu, drôle et cynique... Des scènes et des personnages qui vous marquent pour longtemps. Je me joins donc à toutes les critiques positives des autres lecteurs de Boulgakov.
Reste que ce titre ne me plait pas. Il est trop simple, trop réducteur par rapport à l'ampleur du roman. La chute dans l'univers de l'auteur n'en a été que plus violente!
Du même avis...
Critique de Sallygap (, Inscrite le 18 mai 2004, 47 ans) - 25 mars 2005
La perfection
Critique de Zou (, Inscrite le 24 février 2005, 62 ans) - 24 février 2005
PS : Pourquoi n'y a t il que 5 étoiles à attribuer ?!
Problème de chat.
Critique de Manu55 (João Pessoa, Inscrit le 21 janvier 2004, 51 ans) - 3 mai 2004
De plus, j'ai eu un mal de chien à réussir à m'imaginer le chat Béhémoth ! Toutes les représentations que je m'en suis faite sortaient plutôt d'un dessin animé japonais, et faisaient une grosse tache dans le décor moscovite...
Trublion...
Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 30 mars 2004
Cependant, je m’en voudrais de donner une impression trop négative. J’insiste ici sur ce qui m’a déplu en réaction aux critiques précédentes, mais il est certain que Boulgakov est un grand écrivain à l’imagination bondissante. J’ai adoré l’humour dont il fait preuve, j’ai adoré l’image qu’il nous donne de Satan, j’ai adoré la scène de la soirée où Marguerite est hôtesse, et beaucoup d’autres choses encore…
moi aussi
Critique de Milady Renoir (, Inscrite le 18 février 2004, 49 ans) - 18 février 2004
Tout ce que vous avez dit est correct, roman semi fictionnel, semi réaliste, témoin d'une terrible réalité, de nombreux tiroirs pour de nombreux Polichinelles diaboliques, je recommande la lecture de cet auteur peu connu, La Garde Blanche, La vie de Monsieur Molière et la nouvelle Morphine!
Connaissez vous la fameuse anecdote de la conversation téléphonique entre Boulgakov et Staline? ... hilarant, je vous la conterai si vous le souhaitez.
Boulgakov, diaboliquement bon ?
Critique de Moni (Paris, Inscrit le 19 janvier 2004, 37 ans) - 19 janvier 2004
Son oeuvre, immense et diversifiée ( je vous conseille la totale, mais ça ne tient qu'à moi : la garde blanche, j'ai tué, coeur de chien, le roman de monsieur molière... ), est un appel au secours face aux perversions du communisme stalinien.
Le maître et Marguerite, car il faut bien que je m'attarde sur cette oeuvre en particulier, est composé de plusieurs histoires parallèles et d'une foule de personnages :
- L'histoire de Woland et de son séjour mouvementé à Moscou
- L'histoire de Ponce Pilate, " incarnation de toutes les lâchetés " et du malheureux Jésus ( dangereux, évidemment, de parler de tels personnages au regard de l'athéisme de vigueur ! ).
- L'histoire du Maître, écrivain, et de Marguerite, femme.
Sans parler de tous ceux qui gravitent autour, ceux qui sont chahutés par le Diable seul sait quoi ( cette allusion est de trop, peut-être, censure oblige ).
Une poupée russe, ce roman, comme le décrit Ermolinsky ( préface ), et des mieux manufacturé.
A lire absolument si on aime la Russie, le Fantastique et l'Histoire de Moscou, Jérusalem...
Si vous n'êtes pas conquis, faites-le moi savoir, je suis présentement en train d'écrire un livre sur Boulgakov et suis ouvert à toutes suggestions ( malgré ce que laisse paraitre mon enflammée critique... ;-)
Paul.
pablito.lapp@laposte.net
monilatortue.fr.st
Absurde et fantastique
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 17 janvier 2004
Que d'âmes en déconfiture! Quelle grandeur dans les descriptions, dans le symbolisme. Cette folie qui s'empare de Moscou, qui fait vasciller la ville entière. C'est vrai qu'il y a du génie là-dedans.
Mysticisme, dénonciations, amour...
Et puis, quels personnages que Woland, Koroviev, Béhémoth et Azazzello!! Malgré toutes leurs diableries, on finit par s'y attacher, révélateurs qu'ils sont de la bêtise humaine.
De la grande écriture, en effet, un monde, une vision.
Une lecture certainement impossible à regretter.
Le chef-d’œuvre, testament spirituel d’un très grand auteur.
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 6 décembre 2003
Par une journée de mai 19xx, un rédacteur d’un magazine anti-religieux explique à un poète en vogue que Jésus n’a jamais existé. Un étranger très bizarre (voir description truculente à la fin de ma critique) s’étonne de cette nouvelle qu’il qualifie comme étant de la plus haute importance. Mais il se voit obligé de les contredire : il a lui-même rencontré Jésus et leur raconte la confrontation de celui-ci avec Ponce Pilate à laquelle il a assisté personnellement. Cet étranger, le lecteur s’en apercevra vite, c’est le Diable en personne. Il est accompagné de trois acolytes et il va mettre une fameuse pagaille en ville.
Sur le passage de Satan et de ses acolytes, les moscovites se retrouvent face à des situations absurdes et exceptionnelles. Et pourtant ils n’en continuent pas moins à se conduire comme si de rien était. Ces gens ont perdu jusqu’à la faculté de s’étonner. Ainsi la receveuse de Tramway qui impassible rabroue le chat de Satan lorsque celui-ci veut acheter un ticket, sous prétexte que le tram est interdit aux animaux. Les disparitions subites, les séjours en hôpital psychiatrique se multiplient, l’auteur attaque ainsi bien sur les pratiques courantes à l’époque. Mais surtout, à travers ces gens incapables de voir l’absurdité de ce qu’il leur arrive, incapable de s’étonner de leur manque d’étonnement (c’est de Camus je crois), Boulgakov critique une société totalement fermée à toute dimension métaphysique.
Un deuxième volet de ce livre excessivement riche est constitué par le récit de la rencontre de Pilate et Jésus. L’auteur prend des libertés avec l’évangile, il nous présente un Jésus peureux et faible. Pilate va à l’encontre de son intime conviction et sacrifie Jésus à la raison politique, ce qui pour l’auteur est très grave. Pour Boulgakov en effet, l’homme doit toujours rester fidèle à sa conscience, obéir à son moi intime. Pilate sera punit par sa conscience, à l’instar du Raskolnikov de Crime et Châtiment, il peut dire : « C’est moi-même que j’ai tué ». Seule la miséricorde divine pourra venir à son salut. Boulgakov fait d’ailleurs dire à Jésus sur la croix que la lâcheté est le pire défaut de l’homme.
Le troisième volet est celui du Maître, qui écrit un roman sur Pilate et Jésus, et de Marguerite, son amante. Le personnage du Maître est largement autobiographique. Il est d’ailleurs fascinant que dans une ultime réécriture de son roman Boulgakov va priver le Maître de la lumière. Pourquoi ? Le Maître va manquer de courage en brûlant son manuscrit et abandonnant le combat contre la censure et le pouvoir, au contraire de Jésus qui refuse tout compromis avec Pilate. Dans la réalité il semblerait que Boulgakov ait céder à une compromission en écrivant un ouvrage sur Staline. Quant à Marguerite son destin est d’accompagner l’être aimé.
Bref on a ici un roman formidable (et fantastique : l’auteur excelle vraiment dans les scènes de diableries, cfr le bal de Satan, le voyage de la servante nue sur un homme transformé en cochon, et autres épisodes mentionnés par Pendragon). Boulgakov est un conteur exceptionnel et son récit est truculent, passionnant, parfois hilarant. L’édition de poche est très bien annotée et c’est utile car l’écrivain utilise énormément de symboles, jusque dans les noms de chaque personnage, les dates, et de plus les références historiques et culturelles abondent. Très amusant à lire donc, le livre est en même temps une réflexion passionnante sur le bien et le mal, la compromission avec le mal (Marguerite qui participe au bal de Satan), les compromissions avec le pouvoir, la lâcheté, la nécessité absolue d’être fidèle à ses convictions et l’impératif moral de la lutte contre le mal qui est essentiel pour Boulgakov.
Comme promis voici le passage au début du livre où on fait la connaissance de Satan. Notez le terme étranger (« Bref : un étranger ! »), que la propagande appliquait systématiquement aux individus louches et suspects d’espionnage. En outre le terme étranger représente traditionnellement le Diable dans le domaine russe, lis-je dans la note en bas de page.
« Par la suite – alors qu’à vrai dire, il était déjà trop tard -, différentes institutions décrivirent ce personnage dans les communiqués qu’elles publièrent. La comparaison de ceux-ci ne laisse pas d’être surprenante. Dans l’un, il est dit que le nouveau venu était de petite taille, avait des dents en or et boitait de la jambe droite. Un autre affirme qu’il s’agissait d’un géant, que les couronnes de ses dents étaient en platine, et qu’il boitait de la jambe gauche. Un troisième déclare laconiquement que l’individu ne présente aucun signe particulier. Il faut bien reconnaître que ces descriptions, toutes tant qu’elles sont, ne valent rien.
Avant tout le nouveau venu ne boitait d’aucune jambe. Quant à sa taille, elle n’était ni petite nu énorme, mais simplement assez élevée. Ses dents portaient bien des couronnes, mais en platine à gauche et en or à droite. Il était vêtu d’un luxueux complet gris et chaussé de souliers de fabrication étrangère, gris comme son costume. Coiffé d’un béret gris hardiment tiré sur l’oreille, il portait sous le bras une canne, dont le pommeau noir était sculpté en tête de caniche. Il paraissait la quarantaine bien sonnée. Bouche légèrement tordue. Rasé de près. Brun. L’œil droit noir, le gauche – on se demande pourquoi – vert. Des sourcils noirs tout deux, mais l’un plus haut que l’autre. Bref : un étranger. [..]
Un Allemand.., pensa Berlioz. Un Anglais.., pensa Biezdommy, et qui porte des gants par cette chaleur ! »
Chef d'oeuvre est le mot
Critique de Patman (Paris, Inscrit le 5 septembre 2001, 62 ans) - 27 juin 2003
Boulgakov est vraiment un très grand !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 25 juin 2003
J'aurais déjà fait la critique du second si le site permettait de mettre des livres sans n° ISBN. Or mon livre est une nouvelle traduction et édition intégrale publiée chez L'âge d'Homme et elle n'a pas d'ISBN. La terrifiante lutte d'un médecin contre la morphine est un des récits de ce livre. Il donne des frissons et est exceptionnel de vérité car il s'agit d'un médecin qui s'analyse lui-même, en toute lucidité. L'ensemble du livre nous raconte ce qu'était la condition de médecin dans les premières années du communisme. Incroyable !... Et cinq étoiles pour "Le Maître et Marguerite" ainsi que pour la critique faite par Pendragon ! Espérons qu'elle donnera l'envie de lire ce livre à beaucoup d'entre-nous !
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