Des moissons mais pas de médaille

L’idée de couverture de l’album est assez géniale. Le premier tome de cette série montre un poilu qui se remémore sa vie à la Belle Époque puis son départ en août 1914 pour défendre sa patrie. Il rejoint Gap, non loin de son village, ce serait vraisemblablement donc au 157e RI.

D’autres souvenirs viennent parasiter ceux présentés dans l’ordre chronologique et l’on devine que le personnage principal a participé ou a vu des supplices de fusillés pour l’exemple et (ou) des exécutions sommaires. Il est vraisemblable qu’un ami de jeunesse du héros, devenu officier, ne trouvera pas là un beau rôle. Les aventures du groupe d’enfants autour de Jean et son jumeau sont pleines de malice.

Les moments qui précèdent la mobilisation sont rendus de façon positivement originale même si on est surpris qu’avant le 28 juillet de jeunes paysans soient aussi calés en politique étrangère et que l’un puisse prévoir l’enchaînement qui débouchera sur la déclaration de guerre. Non seulement, l’attentat de Sarajevo, la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Russie (le 28 juillet) mais également la mort de Jaurès trouvent leur place dans le récit.

Je n’ai rien compris à la chronologie, en 1908 les jeunes de la bande ont 8 à 10 ans, donc ils sont nés entre 1898 et 1900, en 1914 l’un d’entre eux (le fils du châtelain) est déjà à Saint-Cyr et ils sont tous mobilisés en 1914. L’album, édité en 2013, débute par une cérémonie du "11 novembre de nos jours" où le dernier survivant combattant de la Grande Guerre se voit remettre la légion d’honneur. Le récit commence bien mal pour deux raisons tous les derniers poilus reconnus ou non (ceux qui ont fait moins de trois mois au front ne l’étaient pas en France) sont morts en 2008 (trois exactement) et en 1995 tous les survivants aient reçu la légion d’honneur.

À cela s’ajoute le fait que les habits des femmes et dans une moindre mesure celui des hommes sont assez anachroniques. Quand on fait une BD historique, il est bon de contacter par exemple le Musée de la mode retrouvée à Digoin (Saône-et-Loire), on vous expliquera que le travail en usine durant la Grande Guerre se traduit par un net raccourcissement des robes. Quant aux cheveux nus et décolletés plongeants, il faudra attendre que la Seconde Guerre mondiale soit passée.

Cet éditeur Physallis a sorti trois albums récemment autour de la Première Guerre mondiale, tous globalement de bonne qualité au niveau des intentions ; les deux autres autour de la présence de tirailleurs sénégalais sur le front français s’intitulent "Sang noir" et "Demba Diop". Il est dommage que la "Main noire allemande" soit revenue agir près d’un siècle après pour saboter à chaque fois certaines données historiques, gâchant par là le plaisir de nombre de lecteurs de BD historiques. Plus sérieusement le scénariste dit ne pas faire de la BD historique, mais utiliser un univers du passé pour raconter une histoire porteuse de valeurs.

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  La faucheuse des moissons : Tome 1 : Les blés coupés

  de Monier, Julien Chabaud, Frédéric
  PHYSALIS
  ISBN : 9782366400403 ; 10,00 € ; 01/10/2013 ; Relié

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