Les porteurs de glace de Anna Enquist

Les porteurs de glace de Anna Enquist
( De ijsdragers)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 27 juin 2003 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 4 076  (depuis Novembre 2007)

La froideur de l'isolement

Lou et Nico ont une fille de 19 ans, Maj, partie sans un mot six mois plus tôt.
Ils appréhendent la situation différemment, la gèrent comme ils le peuvent.
« Il la tira de sa chaise et la serra contre lui.
Elle sentit le poids des bras de l'homme, le souffle de sa respiration dans ses cheveux.
Comme s’il me consolait, se dit-elle, comme s’il savait ce que je pense et me soutenait.
Il n'en a pas la moindre idée, il ne me réconforte pas non plus et pourtant je le ressens de cette façon, parce que je le veux.
Si je ne le faisais pas, il ne me resterait absolument plus rien du tout. »
Ce fossé était déjà creusé dans l’éducation qu'ils ont donnée à Maj.
Nico disait : « Nous devons lui poser des conditions, la stimuler pour amorcer son développement, ignorer tout comportement négatif.
Au contraire, c’est en prêtant attention aux plaintes, aux pleurs et aux refus qu’on encourage ceux-ci », ou encore : « Je veux de l'efficacité.
Supprimer les choses superflues et vaines ».
Quant à Lou, elle ne s'opposera jamais à son mari « angoissée à l’idée que la colère de Nico se retourne contre elle ».
Mais Lou et Nico partagent au moins une attitude : la fuite dans le déni.
« Et tout cela en silence, séparés l'un de l'autre, seuls.
Lui chassait les heures à coups de pédale sur son vélo de course, elle les enfonçait à coups de bêche dans le sol .» « Ne pas en parler entre eux, ne prononcer aucun nom, n'évoquer aucun souvenir, ne faire aucune allusion, telle était leur convention la plus inébranlable.
Ce n'était l'affaire de personne.
Le non-dit était devenu le noyau de leur union. »
Les digues lâchent petit à petit…
Nico devient incontrôlable au boulot...
Lou tourne et retourne ces interrogations dans sa tête…
Car un autre secret mine le couple, on ne l’apprendra que tard dans le livre.
D'où le titre : les porteurs de glace étaient chargés autrefois de prélever des carottes d’un glacier, de les transporter sur le dos pour amener de la fraîcheur aux villes, « exactement comme Lou et lui, courbés sous un fardeau froid qui, à chaque kilomètre, pesait un peu plus sur leur moelle épinière ».
Le début et le milieu du livre mettent les éléments en place pour déboucher sur une fin parfaite.
Ce qui fait que jusqu'aux deux-tiers du récit, j’étais un peu déçue.
Mais la conclusion éclaire toute la construction du livre et du coup, la psychologie des personnages n’en est que plus vraisemblable.

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

  • Les porteurs de glace [Texte imprimé], roman Anna Enquist trad. du néerlandais par Micheline Goche
    de Enquist, Anna Goche, Micheline (Traducteur)
    Actes Sud / Lettres néerlandaises.
    ISBN : 9782742742349 ; 16,20 € ; 04/03/2003 ; 146 p. ; Broché
»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Glauque mais touchant

8 étoiles

Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 16 novembre 2004

La chape de plomb ne tarde pas à s'abattre sur la lecture de "Les porteurs de glace" ! Anna Enquist, grande prêtresse dans l'art de distiller une analyse psychologique de l'angoisse, du manque, de l'attente !.. J'ai ouvert ce roman en me sentant complètement démunie : le couple de Lou et Nico est aux antipodes, l'une tente de poursuivre ses cours et de dompter son jardin sablonneux, l'autre part en vrille dans une nouvelle orientation de sa carrière professionnelle. Un silence s'abat dans le couple, qui est perceptible dès le début. Une maison en bord de mer, dont on ne perçoit jamais les échos de la mer ou des mouettes. Juste des battements de coeur d'une femme qui souffre en silence. Car dans ce couple, il y a le poids énorme et envahissant de l'absence d'un enfant - Maj. Partie, disparue, égarée... Tous deux ont refusé d'en parler mais la chambre de l'enfant est toujours là, intacte, avec les livres scolaires, l'équipement de hockey, les chaussons de danse, etc. Le couple s'éloigne et se rapproche dangereusement du précipice. L'issue, fatale, parviendra-t-elle à les réconcilier, à exorciser les chagrins étouffés ou à balayer ce silence trop pesant ? "Les porteurs de glace" est un roman qui glace le coeur (et le sang) tant l'écriture et l'ambiance sont solennelles. Ecrit d'une main de maître, ce livre se lit à un rythme qui s'emballe progressivement. Il s'inscrit dans la lignée des romans psychologiques, dont Renate Dorrestein est également douée, des histoires implacables mais profondes et touchantes.

Forums: Les porteurs de glace

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Les porteurs de glace".