La sultane blanche
de Pierre Christin (Scénario), Annie Goetzinger (Dessin)

critiqué par Shelton, le 4 janvier 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une très bonne aventure, une histoire de qualité...
Annie Goetzinger et Pierre Christin ont beaucoup travaillé ensemble en racontant dans leurs albums de bande dessinée des destins de femmes, destins exceptionnels pour des femmes hors normes, des vies profondément humaines pour des personnages imaginaires mais toujours ancrés dans une époque, dans un lieu, dans une culture… Cette fois, nous allons découvrir Lady Sheringham, dite La Sultane Blanche…

On ne peut qu’être séduit, dans un premier temps, par l’écriture, le dessin et la narration graphique. On est emporté au bout du monde avec une jeune femme qui avale la vie comme elle arrive, qui donne l’impression d’une énergie sans limite, à qui tout réussit, qui se sort de toutes les embûches, qui découvre l’Asie, l’adopte et devient la Sultane Blanche en si peu de temps que cela en devient fou, exceptionnel, magique…

Mais qui est Lady Sheringham, cette femme qui se raconte dans son manoir britannique ? Est-elle ce qu’elle prétend être ? A-t-elle abusé du pauvre Sir Ashley avant qu’il ne décède, quelques années plus tard, dans une rébellion contre l’Empire ? Difficile à affirmer car le récit est là pour nous mettre en face de fausse pistes… Chaque lecteur devra se construire sa vérité et choisir entre le rêve et le cauchemar de la pauvre Emma…

C’est probablement là que se situe la force de ces histoires racontées par Pierre Christin et Annie Goetzinger : ils n’imposent pas de solutions définitives, ils ne portent pas de jugements sur les vies humaines, ils se contentent de nous mettre en contact avec ces personnes et ils nous laissent nous faire notre propre idée, poser notre jugement personnel…

C’est en cela que cet album, La Sultane Blanche, est beaucoup plus qu’une bande dessinée, c’est un peu comme une œuvre littéraire, le type d’ouvrage qui laisse le lecteur maitre de ses choix, libre d’«écrire » son histoire… Alors, bien sûr, certains regretteront qu’il n’y ait pas une certitude à la fin, mais c’est tellement plus riche de penser qu’il a trois ou quatre solutions possibles ! Non ?

Comme très souvent chez Annie Goetzinger et Pierre Christin, les femmes sont belles, bien habillées et bien éduquées. C’est toujours un peu artificiel car on est bien conscient que cette société décrite n’est pas représentative de la vie de tous… Mais, dans cette société bourgeoise et protégée, les hommes et les femmes vont vivre, aimer, se rapprocher, se séparer, souffrir, mentir, tricher, s’affronter et tout se termine par la vieillesse, la mort…

La vieillesse est très présente dans cet album et je trouve que c’est très touchant car cela permet à une femme de se pencher sur son histoire, sur son passé… Le lecteur peut ainsi regarder sa propre vie et découvrir qu’une bande dessinée peut être aussi une occasion de réflexion, d’introspection…

Annie Goetzinger est décidément une auteure incroyable au talent exceptionnel qui mérite d’être plus connue, lue et appréciée… Belle occasion de vous lancer dans cette œuvre où les femmes ont une place de rêve, avec La Sultane Blanche en premier mais avec les autres très rapidement… Paquebot, La Demoiselle de la Légion d’Honneur, La Diva et le Kriegspiel…