La diva et le Kriegspiel
de Pierre Christin, Annie Goetzinger

critiqué par Shelton, le 4 janvier 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Du très solide....
Annie Goetzinger et Pierre Christin ont écrit cet album en 1981 et ce qui surprend totalement c’est le fait que trente ans après cette histoire reste d’une modernité totale, avec une narration graphique qui n’a pas pris une ride ou presque ! Cela signifierait-il que ces deux auteurs seraient tout simplement des grands de la bédé ? Les albums de ce duo constituent une véritable œuvre et j’espère vous le montrer une fois de plus…

Histoire de femme, certes, mais histoire d’une Diva et donc c’est l’occasion de comprendre que le talent artistique est aveugle et sourd à ce qui se passe dans le monde. Camille, chanteuse lyrique, va pénétrer un monde qui est très éloigné du sien. C’est pour elle l’émerveillement incroyable, la découverte totale et le bonheur absolu ! Malheureusement pour elle, nous sommes dans les années trente, une période où le monde est en train de changer, où le fascisme se met en place dans toute l’Europe. Camille veut vivre sa vie d’artiste sans se soucier de ces problèmes qui lui échappent complètement… C’est ainsi qu’elle va se compromettre sans s’en rendre compte…

La vie de Camille est assez banale finalement, on a l’impression de retrouver Lucien Lacombe de Louis Malle et ses trahisons ordinaires ou Fabrice de Pierre Benoît et son incompréhension de la période… Comment est racontée cette vie ? Camille a été arrêtée par la Résistance et nous allons assister à son « procès ». Pour cela, un chef local nous raconte la vie de Camille, cette dernière réagissant parfois avec colère, émotion ou lassitude…

Ce qui est très fort dans ce destin c’est la qualité de la documentation, la précision du récit, la beauté du dessin, la force de la narration graphique qui est à la fois classique et moderne, violente et douce, profonde et légère, musicale et graphique…

Je pense que nous avons là le premier grand album d’Annie Goetzinger, celui où elle révèle son talent de façon indiscutable. C’est le moment où elle arrive à la fois à respecter le scénario de Pierre Christin et à faire preuve de créativité. Elle donne à ses personnages – pas seulement à Camille – une réalité indéniable. Quand vous refermez l’album vous avez la certitude que Camille et tous ceux qu’elle a croisés sont des personnages historiques que les auteurs ont rencontrés, interviewés, insérés dans leur histoire…

Nous avons donc bien là un grand livre, une belle bande dessinée qui a tellement marqué les esprits des lecteurs que quand vous dites aux fans de bédés ‘Annie Goetzinger » vous entendez très rapidement, pour ne pas dire immédiatement, « La Diva et le Kriegspiel » ! C’est peut-être par cet album que certains devraient commencer leur découverte de cette femme qui a marqué durablement l’histoire de la bande dessinée, et, puisqu’elle revient cette année avec une nouvelle bande dessinée, c’est bien le moment de relire toute son œuvre ! Non ?