A la périphérie
de Sedef Ecer

critiqué par Pucksimberg, le 18 janvier 2014
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
"La périphérie du monde est une poubelle."
Dans cette pièce de théâtre, le lecteur suit deux couples à des époques différentes. Tout d'abord Dilcha et Bilo qui se sont installés en banlieue, sur la colline des anges et des djinns. Ils ont quitté la campagne, mais n'ont pas pu gagner l'intérieur de la ville et ont été parqués en périphérie, lieu sale et insalubre. Le second couple, Tamar et Azad, couple plus jeune, vit aux abords d'une ville, en banlieue. Parallèlement aux confidences de ces couples, nous découvrons Kybélée, cette voyante de la famille des Roms, elle aussi rejetée parce qu'elle serait diabolique. Pour faire rêver ce petit monde de marginaux, d'exclus de la société moderne turque, Sultane est l'animatrice d'une émission de télévision qui vend du rêve, elle est à l'écoute du peuple et vient le sauver de sa misère quotidienne en exauçant des vœux comme un génie.

Sedef Ecer a bâti une pièce de théâtre intéressante, contemporaine, qui attire l'attention du lecteur sur ces exclus, ces êtres qui vivent en périphérie, qu'ils soient turcs ou français. C'est une peinture alarmante d'une population à la dérive, que l'on oublie volontairement pour ne pas gâcher notre petit bonheur. Les êtres décrits ici sont dépassés et croient en des rêves dangereux : ils imaginent une Europe idyllique où il y aurait du travail pour tout le monde, s'émerveillent devant ce petit ruisseau vert qui n'est que de l'eau polluée, rêvent de vivre à Paris quitte à ce que ce soit dans des cités tout aussi marginalisées ...

Ceux qui possèdent, qui vivent dans le confort, sont peu évoqués comme s'il y avait véritablement deux mondes distincts entre lesquels il n'y a aucun dialogue. Cette pièce est engagée et très bien construite, plus on avance dans le texte, plus on perçoit les liens qui se créent. Le langage est courant, très accessible et l'univers dépeint est familier à tout lecteur, même s'il n'est pas turc. Cette pièce de théâtre est symbolique et interroge le lecteur comme ces enfants qui naissent sans nombril, cette usine de désherbant qui semble évincer toutes les mauvaises herbes, même celles qui sont humaines ...

Une pièce percutante et intelligente.