Vermilion Sands de J. G. Ballard

Vermilion Sands de J. G. Ballard
(Vermilion Sands)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Littérature => Anglophone

Critiqué par AmauryWatremez, le 12 février 2014 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 8 étoiles
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Fuir à Vermilion Sands

Vermilion Sands n'existe pas, du moins pas encore ou pas à ma connaissance, on ne sait même pas si c'est sur la planète Terre, cela pourrait tout aussi bien se situer sur un astre lointain. Près de Vermilion Sands, le voyageur peut aller prendre un verre à Red Beach, chasser à Lagoon West, sculpter les nuages à Coral D. Pour ma part, je le situe vers le Sud, mais pas le Sud géographique bien entendu, celui des rêves et de la nostalgie d'être humains moins soumis qui à l'argent, qui à des gadgets parfaitement inutiles, qui à la haine, qui à des théories parfaitement absconses car imposant un bonheur arbitraire sans demander leur avis à ceux à qui l'on souhaite l'imposer.

C'est une station balnéaire à mi-chemin entre Saint Tropez, la Riviera, la Floride, Brighton, Hollywood et Portmeirion peuplée d'excentriques, d'artistes, de fous, de rêveurs et d'idéalistes déçus en recherche de solitude. Ballard la décrit et en raconte les histoires les plus marquantes dans un recueil de nouvelles paru en 1975 aux défuntes éditions Opta que tous les amateurs de Science Fiction connaissent bien et réédité en janvier 2013 chez Tristram.

L'auteur y évoque des raies volantes, mélancoliques, des maisons vivantes, ou « psychotroniques » et littéralement hantées par les émotions de leurs anciens propriétaires, émotions dont elles gardent la mémoire, de poètes qui utilisent un « verséthiseur » IBM pour écrire leurs vers, de fleurs chantantes cultivées en serres, et qui réapprendront à écrire. Un milliardaire se fait construire un labyrinthe dont il est impossible de sortir, se perdant dans les architectures de toute l'histoire du monde ; des palais vénitiens, des temples bouddhistes, des châteaux de la Loire en réduction.

Un couple en vue fait l'acquisition d'une sculpture dont les arceaux continuent de grandir tout en reproduisant des morceaux de musique comme joués par des orchestres symphoniques. Ballard y raconte les tourments d'un écrivain raté d'une ancienne couturière célèbre, d'une cantatrice qui vient se cacher à Vermilion Sands, mais de quoi ?

Le lecteur ne sait pas comment fonctionne un verséthiseur, il ne sait pas vraiment comment se cultivent les fleurs chanteuses, il ignore comment l'on peut construire une sculpture qui se met à reproduire toute la musique humaine, en particulier les « romantiques » dont Grieg. On ne sait pas comment les hommes sont arrivés ici et par quel moyen de transport, et même si l'on parle de temps à autres d'astronefs, c'est l'air de rien.

Et ce n'est absolument pas le plus important dans ces histoires de Vermilion Sands. Cette absence de précisions explicites, comme dans les romans et nouvelles de Philip K. Dick, est d'ailleurs parfaite car elle éloignera de Ballard les esprits obtus et fermés à ce qui est de la Science-Fiction poétique, dans la mouvance de Ray Bradbury en somme. C'est aussi de la Science-Fiction introspective qui interroge sur ce qui fait notre humanité en des temps aussi tristes et mornes que les nôtres qui l'haïssent.

Dans le monde des nouvelles de Ballard, Vermilion Sands est tout d'abord un endroit à la mode où l'on se rend depuis une période qui semble une « parenthèse enchantée » de l'Humanité, « l'Intercalaire », pendant laquelle rien n'a été interdit et pendant laquelle les écrivains, les poètes, les musiciens n'ont jamais été aussi créatifs. Les vedettes, les hommes et femmes d'affaires, les héritiers et héritières finissent par s'en aller et laisser progressivement la place à des marginaux en quête d'un lieu où leur marginalité n'est pas un problème, leur marginalité naissant surtout de leur refus de la norme, de la standardisation des esprits. Et puis même eux devront partir, car l'humanité « nouvelle » sera beaucoup plus dure envers toute personne ayant des vélléités d'indépendance, envers l'art et les créateurs de formes et d'univers considérés comme fous...

Je me sens chez moi à Vermilion Sands, et toi, ami lecteur, y viendrais tu ?

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Les éditions

  • Vermilion Sands [Texte imprimé] J. G. Ballard traduction de l'anglais par Paul Alpérine, Laure Casseau, Alain Dorémieux... [et al.]
    de Ballard, J. G. Sigaud, Bernard (Editeur scientifique)
    Tristram / Souple
    ISBN : 9782367190068 ; 8,95 € ; 03/01/2013 ; 276 p. ; Broché
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