La musique au fusil : Avec les Poilus de la Grande Guerre de Claude Ribouillault
Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Musique , Sciences humaines et exactes => Histoire
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Pas de fleur au violon quand la musique est au fusil
Voici un ouvrage dont les qualités tiennent autant aux textes proposés qu’à l’iconographie. Cette dernière montre, sinon la totalité des soldats des pays belligérants, du moins ceux d’un très grand nombre. Sont présents Français d’alors (Indochinois en particulier), Anglais (de la métropole ou des colonies comme ceux de l’armée des Indes), Allemands, Italiens, Russes, Serbes…La musique pratiquée par les civils avant et après la Première Guerre mondiale n'est pas absente dans les clichés proposés.
On aurait aimé aller chercher les manuscrits ou périodiques d’époque et livres divers (fictions proches du témoignage ou études) utilisés dans une bibliographie et non pas dans les notes, c’est le seul véritable reproche à faire. Certes il n’y pas de partition pour les chansons créées mais l’auteur devait en disposer de très peu et il nous indique pour certaines chansons qu’il s’agit à quel air connu il faut se reporter.
La première partie s’intitule "Musiques avant la tempête" il s’agit de montrer l’importance qu’avait la musique populaire dans la France de la Belle Époque (dans un pays essentiellement rural) chez les civils et chez les militaires.
Le second chapitre a pour nom "La dissonance est déclarée", on y apprend que si on chantait dans la zone des armées et dans les tranchées par contre on ne chantait pas en montant aux tranchées (page 62), les appelés issus du Massif central composèrent "La bourrée d’Auvergne aux armées" (texte page 108) la venue d’artistes aux armées comme Théodore Botrel (surnommé "Botrel-le-Crétin" par Barbusse dans une de ses lettres à son épouse) n’est pas toujours appréciée car ils sont perçus comme appartenant à l’univers des embusqués.
D’ailleurs l’adaptation illustrée d’une des chansons interprétée assez souvent par le barde breton "Prend ton fusil Grégoire" (paroles et musique de Paul Féval, création en 1853 avec évocation du général vendéen Charette) est présentée illustrée page 129 au chapitre trois ; il est dommage que ce commentaire nous soit dû, alors qu’on l’attendait de l’auteur. Cette troisième partie est celle où sont présentés intégralement les textes d’une bonne trentaine de chansons composés par d’authentiques poilus, dont celle devenue pour l’histoire "La chanson de Craonne".
C’est la partie la plus intéressante car elle présente des textes recueillis en particulier par
des paroles notées par Mary Pillet, cheminot dans les Deux-Sèvres puis dans la Sarthe, dont un texte au ton très ouvriériste (page 124),
une chanson du 136e RI normand (page 136),
des chansons rédigées à Gray par un soldat berrichon (page 144 et 146),
un texte composé par un Auvergnat Delzangles en décembre 1914 à Beuvraignes au sud-est de la Somme et chanté sur un air de bourrée (page 154),
une chanson écrite en breton par l’abbé Conq (page 154-156),
des paroles sur un morceau musical créées par des Bavarois sur le front des Vosges (page 156 et 158),
le passage du refrain de Ma Tonkinoise" à "ma mitrailli, ma mitrailli, ma mitrailleuse" pour un sujet qui a le même contenu que "Ma P'tite Mimi" créé en 1915 par Théodore Botrel (pages 137 et 139),
deux chansons belges pour les piottes "Ma Jeannette" sur l’air de "Si tu veux faire mon bonheur" (page 162) et "La tranchée Mariette" recueillie par Armand Carrez né en 1894 à Antoing (page 174 et 176),
une autre toujours d’outre-quiévrain "Sur les ponts de la Dyl" créés par des déportés du travail (pages 162 et 164),
une chanson autour de la pluie sur les trachées d’André Martel,
une autre sur un thème proche composé par un soldat du 69e RI lorrain (pages 170 et 172).
Nul doute que beaucoup d’entre elles gagneraient à figurer dans un ouvrage consacré à la Grande Guerre dans une région précise.
La quatrième partie évoque les chansonniers venus donnés un spectacle aux armées et la chanson patriotique interprétée à l’arrière. Le dernier chapitre pointe les évolutions musicales dues à la Grande Guerre avec entre autre l’arrivée en Europe du jazz et le développement du bal musette.
" 14- 18, la victoire en chantant " paru aux éditions Imago se centrent sur les divers chants créés ou rendus populaires chez les poilus, il constitue le complément idéal à cet ouvrage. Ce sont environ 160 textes qui sont replacés dans leur contexte historique par Pascal Wion.
Les éditions
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La musique au fusil : Avec les Poilus de la Grande Guerre
de Ribouillault, Claude
Éd. du Rouergue
ISBN : 9782812606205 ; 29,00 € ; 15/01/2014 ; 287 p. ; Broché
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"Heureusement que la musique est là..."
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 12 décembre 2014
Il faut dire que l’auteur possède à titre personnel une collection exceptionnelle de « cartes-photos » de l’époque, figurant la plupart du temps des soldats posant en compagnie d’instruments de musique conventionnels ou bien parfois entièrement réalisés avec les moyens du bord. L’ouvrage, largement illustré avec plus de deux cents de ces clichés, est l’occasion de mettre en valeur cette étonnante collection.
À travers ces témoignages photographiques, Claude Riboulliaut analyse ce qui pourrait être considéré comme un paradoxe : la musique instrumentale (et le chant) est extrêmement présente pendant la durée du conflit, en particulier dans le quotidien du soldat. L’auteur montre que le musicien professionnel ou amateur acquiert d’ailleurs à ce moment-là un statut particulier auprès de ses camarades de combat. Le livre explique également que la pratique musicale est fortement influencé par ces années de guerre, à l’instar de la société toute entière. Le brassage des cultures et l’influence urbaine (et en particulier parisienne) provoqueront en effet le déclin progressif de la culture rurale.
Même si j’ai trouvé personnellement que l’écriture de Claude Ribouillault était peut-être un peu trop neutre à mon goût, La musique au fusil s’avère être un document surprenant. Se basant sur cette thématique pourtant très particulière l’auteur nous donne des clés très intéressantes sur la sociologie des années 14-18 et nous rappelle que la musique a de tout temps permis d’adoucir bien des maux à défaut de les faire disparaître.
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