Le Don paisible
de Mikhaïl Cholokhov

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 29 juillet 2003
(Ottignies - 89 ans)


La note:  étoiles
Un roman fleuve dans la grande tradition russe
LE DON PAISIBLE de Mikhaïl Cholokhov
Un roman fleuve dans la grande tradition russe.
Il faut aimer la lecture, les romanciers russes et …avoir du temps devant soi ! Le jour où j'ai reçu ma pension j’étais en manque de lecture. Je me suis rappelé ce livre que j’avais depuis bien longtemps. Je m’y suis plongé et j'ai lu d'une traite les 1869 pages sans en passer un seul mot. C'est vous dire à quel point j’ai trouvé ce livre passionnant.
L'histoire se passe en Russie entre 1912 et 1922 et raconte le comportement des Cosaques face aux révolutionnaires soviétiques.
Les Cosaques forment un peuple mélangé de Turco-Mongols et de Slaves, descendus du nord de l'Asie en quête de territoire et de liberté. Ils étaient installés au sud de l’empire russe principalement dans la vallée du Don.
Sous l'ancien Régime, les Cosaques jouissaient d'un statut privilégié : ils n’étaient pas asservis (Cosaque veut dire : homme libre). Ils étaient même propriétaires de leur ferme et de terrains privés. De plus, leurs villages étaient propriétaires de leurs territoires et ceux-ci étaient répartis entre les fermiers, selon leur capacité à les exploiter. En échange de cette liberté, ils fournissaient au Tsar sa garde personnelle et se chargeaient du maintien de l'ordre. C’étaient des soldats d’élite et des cavaliers hors-pair qui constituaient une sorte de Gendarmerie impériale. Même si depuis le XVIIIème siècle leur autonomie s’était fortement réduite en même temps que leurs privilèges, leur attachement au Tsar était resté bien réel et ils avaient de bonnes raisons de s'opposer aux révolutionnaires communistes. Mais par contre, pour avoir vécu dans l'entourage du Tsar, ils avaient été les premiers témoins des débauches de la cour impériale et des excès scandaleux des aristocrates, qui vivaient au-dessus des lois et en dépit de toute justice.
Cette histoire du peuple cosaque en guerre contre les Soviets, est racontée à travers quelques grandes familles de paysans et surtout, autour de quelques personnages principaux qui oscillent constamment et qui s’opposent avec violence entre partisans et adversaires farouches de la Révolution, au sein même de leur village et jusque entre membres d'une même famille.
Il s'agit bien d'un roman russe plein de fureur et de tendresse, d'amour et de cruauté. Et puis, l'auteur a ce talent d’évoquer les beautés de la nature et de sa chère Russie, avec ce charme et cette poésie qui n'appartiennent qu’aux romanciers russes. Sans recherche d’effets factices et spectaculaires, c'est bien l’histoire de la vie même qui nous est ici racontée, au cœur de ces années terribles, qui ébranlèrent le monde et plongèrent la Russie dans un régime inhumain.
On a souvent prétendu qu’on ne savait pas au juste qui était l’auteur du Don paisible. Pour beaucoup de Russes, Mikhaïl Cholokhov n'est pas le nom de l'auteur. Ce serait le nom d’un membre du Parti communiste chargé de la censure dans sa maison d’édition. Quand ce communiste a reçu le manuscrit du Don paisible, il s'en serait approprié. Il aurait fait les coupures nécessaires pour la censure et aurait compensé ces coupures par des textes de son cru. Les lecteurs russes relèveraient sans peine les textes de l'usurpateur, tant ils sont de piètre qualité comparés au texte original.
Si mes informations sont bonnes, on n'aurait aucun autre texte de Mikhaïl Cholokhov. Le véritable auteur de ce splendide roman aurait disparu, assassiné ou envoyé au Goulag en Sibérie, comme tant de millions et de millions de Russes, coupables aux yeux du Régime d'être simplement intelligents ou artistes, poètes, musiciens, ou écrivains. Comment la Révolution soviétique a-t-elle pu faire basculer ce peuple magnifique de la Russie traditionnelle dans le silence et dans la mort ? C'est bien ça toute l'histoire du Don paisible.
Si parmi les très estimés lecteurs qui nous feront l'honneur de lire cette critique, il en était qui en savaient plus sur l’auteur du roman, nous serions très intéressés et ravis d'en être informés.
Une autre Russie, un autre monde... mais toujours une superbe histoire 10 étoiles

Ce que j'ai pleuré... ce que j'ai frissonné...; ce que j'ai eu peur et ce que j'ai pu me révolter....

ce roman m'a tout apporté...
Il est fabuleusement historique... décrit une période de la Russie tant raconté, la révolution... Mais il la raconte sur de nombreuses années et vue par les Cosaques... des peuples qui n'y étaient pas vraiment favorables...

Il est étrangement sentimental.... étrangement car dans le fond c'est une superbe histoire d'amour... mais on est loin des paillettes des salons Moscovites de Tolstoï... on se tire les cheveux, on s'insulte... on doit sentir l'homme et la femme.. mais les sentiments sont là... exprimés si différemment... On retrouve les mêmes questionnements que ceux de Pasternak... Ceux où aimer deux femmes n'est pas si problématique, entre l'amante de toujours et l'épouse, la mère....

Il est extraordinairement chevaleresque... c'est une histoire de guerre.... de Cosaques, de chevauchées dans la steppe, de bataille au sabre... de héros de combat.... c'est entrainant et si bien écrit! on en a mal aux fesses pour Grigori pour tous ces km parcouru à dos de cheval! On vibre pour ce peuple anciennement nomade, où les chevaux ont une vraie valeur.... un cheval c'est toute une fortune... plutôt les blesser que de se les faire enlever... On imagine parfaitement les Tatares faire de même pendant la révolutions...

Il est méticuleusement politique.... Il explique tellement bien les tenants et les aboutissants de cette révolution. Ce n'est plus les blancs contre les rouges, les possédants contre les opprimés.... c'est une explication très nette de la révolte qui montait et l'explication limpide de ce pourquoi elle semble aberrante dans certaine partie de la Russie...

Et enfin pour terminer.... c'est un roman exceptionnellement universel... lorsqu'on comprend la complexité des situations sur cette petite partie de Russie qu'est la région du Don, on comprend la complexité des conflits humains dans leur globalité. Mais surtout on comprend comment la violence engendre la violence dans ce roman qui va crescendo... et on comprend l'impossibilité d'y mettre fin.


ai-je besoin de vous dire après cela que j'ai aimé???

Chocolat liègeois - - 41 ans - 2 octobre 2010


Terriblement prenant 9 étoiles

Oui, ce livre est un véritable chef-d'oeuvre !... Les descriptions de la nature y sont époustouflantes !

Il n'empêche qu'il n'est vraiment pas aisé à lire ! Non seulement c'est une énorme brique, mais à cela il nous faudra ajouter les noms des personnages divers et variés. En plus, comme toujours ces noms changent en sobriquets ou diminutifs nombreux. Ajoutez-y encore un solide paquet de noms de villages et vous comprendrez que ce n'est pas facile. Pour ne rien arranger, n'arrivant déjà pas à bien les retenir il vous sera de toute façon très difficile de les situer.

Last but not least, nombreux sont ceux qui, au cours des combats, vont changer de camp !... Ces 1400 pages ne seront donc pas facilement digérées !

Cela dit cette histoire du peuple cosaque pendant la première guerre mondiale puis lors de la révolution soviétique est vraiment des plus prenantes !

Une fois entré dans la famille de Panteleï Prokofievitch et ses fils, Petro et Grigori, vous serez happé ! Pour faire bonne mesure il y a aussi trois femmes importantes: Daria, femme de Petro et pour le moins très sensuelle, Aksinia, femme d'un voisin qui partira avec Grigori et qu'il aura dans la peau, et enfin la pauvre femme de Grigori, Natalia.

Pour le reste, outre les multiples infamies et fausses promesses des "rouges", vous assisterez à toutes les horreurs inhérentes aux guerres civiles.

Ce livre a un souffle romanesque fabuleux ! A ne pas manquer malgré les difficultés !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 26 mars 2008


Les cosaques du Don 9 étoiles

Le Don Paisible est une gigantesque fresque historique (1400 pages bien serrées dans l'édition omnibus), une grandiose épopée qui m'a tenu en haleine pendant un mois !

Le livre couvre huit ans de l'histoire des cosaques de la région du Don, de 1912 à 1920 : la première guerre mondiale, la guerre civile russe, la révolution et la contre-révolution, les insurrections des cosaques contre les soviets. C'est passionnant et les personnages sont excessivement attachants. La grandeur humaine y côtoie les instincts les plus bas. Il y a des scènes de batailles sauvages, des évocations superbe de la nature ainsi que de femmes sensuelles aux grands yeux noirs et aux lèvres charnues. Il y a des scènes de bonheur familial, mais aussi de la passion et de la jalousie.

Une restriction : les batailles sont trop nombreuses et certaines scènes sont très dures (massacres de prisonniers par exemple). En outre les mouvements de troupes et les énumérations des stanistavas et divisions sont parfois lassants. Il est vrai que le lecteur occidental de maintenant ne connaît pas suffisamment l'histoire des cosaques que pour s'y retrouver, à tel point que parfois on ne sait plus de quel côté les personnages se battent. Un autre exemple : l'auteur mentionne un moment le sanguinaire contre-révolutionnaire Petlioura, mais sans rien dire de lui (je connaissais le nom grâce à "la garde blanche" de Boulgakov que je vous conseille fortement). En fait le roman n'est jamais aussi bon que lorsque le héros revient au village et quand l'auteur évoque les scènes de champ et la nature.

Les cosaques forment un peuple fascinant, un peuple de guerriers avant tout et sauvages aux combats mais il y a des côtés plus sympathiques : leur manière de boire de l'alcool par exemple. Et puis un grand amour de la nature, un attachement profond à la steppe, aux chevaux,... ces combattants passaient des journées à cheval, s'arrêtant pour dormir à même le sol.

Reste la polémique quand à la paternité du roman, apparemment celle-ci n'est pas terminée même si on aurait en effet retrouvé des brouillons écrits par Cholokhov (voir le forum). Le livre, sans être carrément anti-communiste, décrit les rouges de façon peu avantageuse surtout par rapport au héros qui combat les soviets. Il parait que Staline aimait ce livre, peut-être est-ce pour ça qu'il a protégé l'auteur ? Il faut dire aussi que Cholokov est devenu membre du parti (ce qui ne cadre pas tout à fait avec ce qu'on imagine de l'auteur en lisant son livre en fait). C'est parait-il aussi parce que Staline aimait "La garde blanche" de Boulgakov que ce livre ne fut pas censuré, contrairement aux autres de Boulgakov.

Séquoia - Bruxelles - 59 ans - 1 août 2005


Chef d'oeuvre en effet ! 10 étoiles

Merci Septularisen de remettre les "pendules à l'heure" quant à la paternité de ce splendide roman. La vérité a enfin été rétablie définitivement avec la découverte du manuscrit original (identifié et certifié) ce qui éteint donc la polémique qui a fait couler tant d'encre ces dernières années en Russie (On a publié la dessus presque autant de bouquins qu'autour du Da Vinci Code !!!).
Il existe d'autres livres de Cholokov traduits en Français... notamment le très beau "Ils ont combattu pour la Patrie", mais il faut fouiner chez les bouquinistes pour les trouver... Pas eu de réédition récemment à ma connaissance.

Patman - Paris - 62 ans - 28 juin 2005


CHEF D'OEUVRE! 10 étoiles

J'aimerais (avant de parler du livre) tout d'abord rectifier quelques contre vérités décrites ci-après par St. Jean Baptiste et Saule avant qu'elles ne fassent encore plus de "dégâts" dans la communauté des lecteurs.

S'il est vrai que l'identité de l'écrivain ayant écrit "Le Don Paisible" a longtemps fait polémique, il est vrai aussi que l'on a aussi depuis retrouvé les manuscrits originaux du livre écrits de la main de CHOLOKOV lui même, et comportant les brouillons de tout le livre... et ce il y a déjà nombreuses années...

Fin de la polémique donc, il faut rendre à CHOLOKOV ce qui est à CHOLOKOV, et le dire très franchement, il s'agit là d'un grand, très grand écrivain Russe.

Le livre à présent est dans la veine des grands romans fleuves russes avec ses plus de 1800 pages, il fait un excellent livre à amener en vacances... On risque de ne pas avoir fini le livre à la fin des vacances... (c'est ce qui m'est arrivé d'ailleurs...), mais en tous cas le livre est plein d'actions et on ne s'ennuie pas une minute à sa lecture.

Les descriptions sont magnifiques, spécialement les scènes de guerre, les paysages décrits de façon magistrale, les personnages attachants, bien que tous les personnages principaux (à l'exception du héros et de son fils) meurent à la fin.

Le livre vaut aussi la peine d'être lu pour ses descriptions des moeurs du début du XX Siècle en Russie et plus spécialement donc chez les russes "blancs" qui vivaient le long de la plaine du Don. On découvre ainsi leur vie de tous les jours, le labeur des champs, les mariages, les adultères, (à rapprocher du livre "Les Paysans" du Polonais Wladyslaw REYMONT) les guerres livrées contre les "rouges", l'aide apportée à la Russie blanche par les nations européennes, notamment le Royaume-Uni, en fait, on prend une véritable leçon d'histoire tout en lisant...

Je ne saurai que vous recommander de vous armer de courage et de patience et de lire ce livre, car, comme déjà dit plus haut, il s'agit là d'un grand, très grand écrivain Russe (Prix Nobel de Littérature 1965!).

Septularisen - - - ans - 27 juin 2005


Ecrivains fantômes ? 10 étoiles

En réponse à l’interrogation de Saint Jean-Baptiste à la fin de sa critique, je résume un petit article que je viens de trouver dans le « Newsweek » et qui confirme ses dires.
Depuis sa parution en 1928 des rumeurs persistent comme quoi ce livre aurait été écrit par un groupe de « nègres » et qu'ensuite l'état soviétique aurait attribué le roman à Sholokhov, un personnage obscur, afin de créer une figure littéraire populaire. Bien que jamais démontrée cette thèse est à nouveau accréditée par une étude récente d'un historien littéraire israélien : selon celui-ci la base du livre serait l’oeuvre d’un officier de l'armée blanche, Venianim Krasnushkin, tué par les communistes durant la guerre civile russe. La police secrète se serait ensuite approprié le manuscrit et l'aurait fait compléter par un groupe d'écrivains. L’écriture collective serait perceptible via des incohérences stylistiques et des voix discordantes.
A suivre.
Ecoutant la voix de l'illustre prédécesseur je ne manquerai pas de lire le livre, en attendant je lui mets 5 étoiles, confiant dans son jugement.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 21 octobre 2003