Tom Morel
de Pierre-Emmanuel Dequest, Jean-François Vivier

critiqué par JulesRomans, le 25 février 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Mars 1944 le maquis des Glières face aux miliciens, aux GMR, aux bataillons de chasseurs de montagne de la Wehrmacht ...
Tom Morel fait partie de ces hommes, militaires de carrière servant avant la déclaration de guerre de l’été 1939 et par ailleurs catholiques très pratiquants, qui allèrent encadrer les réfractaires au STO qui alimentèrent les maquis.

Cet ouvrage a un intérêt historique fortement local (la Savoie) mais aussi national. Il permet d’évoquer entre autres l’attaque italienne de juin 1940 contre la France, le débarquement anglo-américain en Afrique du nord et ses conséquences en métropole, les combats menés par les forces armées vichystes (en l’occurrence ici les Groupes mobiles de réserve, souvent abrégés en GMR dont le développement fut l'affaire privilégiée de René Bousquet, au secrétariat général à la police d’avril 1942 à décembre 1943) contre les résistants et la vie dans un des maquis les plus célèbres (celui des Glières).

La BD historique didactique, qui est destinée à apporter un certain nombre de connaissances, est un exercice bien plus difficile que la BD historique de fiction qui se permet de grandes libertés et peut ainsi faire souffler le vent d’aventures au fort contenu dramatique avec souvent une dimension d’amours contrariés.

Ici avec "Tom Morel" le scénario est bâti de façon non chronologique partiellement puisque l’action se déroule d’abord en mars 1944 sur trois pages, on a un feed-back qui nous ramène en octobre 1939 puis on remonte fidèlement le temps jusqu’à novembre 1944 où le général de Gaulle se rend en Haute-Savoie pour rendre hommage aux combattants des Glières en général et à Tom Morel en particulier.

Le graphisme est bien fouillé, les couleurs froides dominent évidemment et du point de vue des visages on est dans une légère tonalité caricaturale.

Dans un ouvrage destiné pour partie à la jeunesse, surtout en matière de BD historique didactique, il faut faire attention plus qu’ailleurs dans les mots choisis et le sens des mises en scène. Si l’idée de mettre en valeur un personnage historique tel que Tom Morel est extrêmement louable et le scénario est bien bâti, cependant nous avons été gêné par des points mineurs.

L’action du début parle de trahison au sujet d’une action qui relève de la désertion, elle était d’ailleurs très intéressante à dépeindre dans ses aspects multiples, puisqu’elle aurait permis de bien mettre en lumière le fait que la vie au maquis dans le cadre d’un groupe armé était quelque chose d’extrêmement dur du point de vue des conditions de vie.

On est mis en face d’un jeune, qui après avoir quitté le maquis (avec le fusil qui lui a été confié) et s’être vraisemblablement emparé d’un peu de nourriture pour survivre quelques jours, a été repris par les résistants. Tom Morel, en tant que chef du maquis, décide de l’exécution pour "vol et désertion avec arme" du jeune homme, malheureusement à deux reprises ceci est qualifié de trahison. Qu’une fois ayant quitté le maquis cet individu ait pu tomber dans des mains qui l’auraient forcé à révéler l’emplacement du maquis était en effet une possibilité. On est devant un risque de trahison mais on ne peut accuser l’intéressé de trahison.

Les conditions dans lesquelles Tom Morel trouve la mort sont partiellement inexactes, jamais les maquisards n’auraient laissé son arme à un officier, surtout des GMR, devenu leur prisonnier. En fait comme le dit wikipédia, reprenant d’autres sources, l’officier des forces de l’ordre vichyste avait sur lui un petit revolver qu'il avait dissimulé et il avait été mal fouillé. La mort de Tom Morel n’est pas due à un sens de l’honneur des résistants placé en faveur d’un officier qui trahit sa parole, mais à une négligence des maquisards. Enfin dernier point d’accrochage, préciser que le très vraisemblable dernier défilé des hommes de l’Armée de l’armistice se fait sur le cours Mirabeau, sans préciser qu’il s’agit de la principale artère d’Aix-en-Provence (l’école de Saint-Cyr y a été repliée, ce que la BD ne dit jamais) est fort regrettable. Au lieu de faire dans le pathétique larmoyant (ceci au sens propre) peu crédible auprès d’un adulte et peu instructif auprès des jeunes, le scénario aurait gagné à mieux rendre pour chacun le poids de leurs réelles responsabilités. Cependant si on compare cette BD à l'album "Vercors, Le combat des résistants" d'Alain Bouton qui parut en 1994 (critiqué sur ce site), on est avec "Tom Morel" dans le domaine qualitatif à des niveaux bien plus hauts qu'avec l'autre titre.