Hector Servadac de Jules Verne, Charles Laplante (Dessin), Paul Philippoteaux (Dessin)

Catégorie(s) : Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par Bookivore, le 12 avril 2015 (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 018ème position).
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Un Jules Verne mineur et vraiment bizarre

Autant le dire tout de suite, "Hector Servadac" est un des plus étranges romans de Jules Verne, d'aucuns même diraient que c'est le plus étrange, même. Rien que le fait de raconter rapidement l'histoire (une poignée de Terriens de toutes nationalités - Français, Anglais, Allemands, Espagnols, Italiens - se retrouvent chopés, en même temps qu'un bout de leur planète et un peu de leur atmosphère, par une comète qui a frôlé la Terre d'un peu trop près et en a donc raflé une infime partie : la Méditerranée, Gibraltar, les Baléares, la côte algérienne, bref, ce coin-là) en dit long sur le côté inracontable du bouzin. La comète, appelée Gallia par un savant faisant partie des raflés (ce n'est pas Servadac ; lui, c'est un officier français), voyage vers le Soleil...

Verne aura de gros soucis avec ce roman qui, à la base, devait se terminer avec un unhappy-end total (la mort de tout le monde ; ça sera refusé par l'éditeur Hetzel, qui ne voudra pas d'une fin pareille pour un roman de Jules Verne, auteur apprécié des jeunes), ce qui explique sans doute que Servadac, à l'envers, se lit 'cadavres'. Autres soucis, durables ceux-ci, le côté atrocement antisémite qui surnage tout du long du roman, via le personnage d'Isac Hakhabut, Juif de nationalité allemande qui morfle ici pas mal dans les descriptions que Verne en fait : le côté 'appât du gain/nez crochu/mentalité fourbe' est surexploité, à la nausée, littéralement...

Sinon, entre humour parfois assez absurde, situations rocambolesques (mais elles le sont beaucoup trop), histoire totalement abracadabrantesque et longueur assez épuisante (mon édition Livre de poche fait 530 pages), plus des personnages caricaturaux, ce roman mineur ne fait vraiment pas partie des meilleurs de l'auteur de "Voyage Au Centre De La Terre". J'avais l'intention de donner un peu plus, mais entre l'antisémitisme profond (vis-à-vis d'un seul personnage, certes, mais nom de Zeus, Jules Verne y a été trop fort, ici, ce n'est pas juste un petit passage du roman, mais plusieurs, tout du long), l'histoire limite débile (Verne lui-même semblait ne pas y croire ; les éditeurs eux-mêmes ont, chose rarissime, rajouté une préface au début du roman, pour tenter d'y voir clair) et le côté trop délirant, "Hector Servadac" est, osons le dire, un mauvais Jules Verne. Enfin, un Jules Verne moyen, plutôt.

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Très bon cru nonobstant ses clichés

9 étoiles

Critique de Kalie (Sarthe, Inscrit le 4 juillet 2010, 54 ans) - 14 mai 2023

Je viens de relire ce livre que j’avais lu dans mon enfance. Avec mes yeux d’adulte, j'ai effectivement été gêné par tous les clichés sur les peuples : les Anglais orgueilleux et têtus ; les Espagnols pauvres, fainéants, toujours joyeux, et quelque peu simplets ; le Français paternaliste ; le Russe argenté… Mais la caricature vraiment perturbante est celle du personnage du juif allemand Isac Hakhabut dépeint à longueur de lignes comme ayant tous les vices (en premier lieu celui de l’avarice) et affublé d'un physique disgracieux (nez crochu…). Le personnage est tellement déconsidéré qu’on a l’impression que Jules Verne ne le considère même plus comme un être humain. Je sais que le livre est paru en 1877, une autre époque, mais tout de même… Je préfère garder en mémoire ce que j'ai toujours aimé chez l'auteur, à savoir une aventure rocambolesque (ici dans le monde solaire !), des données scientifiques joliment surannées, et une écriture à la portée de tous mais de qualité notamment dans ses descriptions telles celles-ci :

"Oui, c'était bien l'Europe qui s'étalait visiblement sous leurs yeux ! Ils voyaient ses divers États avec la configuration bizarre que la nature ou les conventions internationales leur ont donnée. L'Angleterre, une lady qui marche vers l'est, dans sa robe aux plis tourmentés et sa tête coiffée d'îlots et d'îles. La Suède et la Norvège, un lion magnifique, développant son échine de montagnes et se précipitant sur l'Europe du sein des contrées hyperboréennes. La Russie, un énorme ours polaire, la tète tournée vers le continent asiatique, la patte gauche appuyée sur la Turquie, la patte droite sur le Caucase. L'Autriche, un gros chat pelotonné sur lui-même et dormant d'un sommeil agité. L'Espagne, déployée comme un pavillon au bout de l'Europe et dont le Portugal semble former le yacht. La Turquie, un coq qui se rebiffe, se cramponnant d'une griffe au littoral asiatique, de l'autre étreignant la Grèce. L'Italie, une botte élégante et fine qui semble jongler avec la Sicile, la Sardaigne et la Corse. La Prusse, une hache formidable profondément enfoncée dans l'empire allemand et dont le tranchant effleure la France. La France enfin, un torse vigoureux, avec Paris au cœur."

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