La cigarette et le néant
de Horace Engdahl

critiqué par TRIEB, le 22 février 2014
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
APHORISMES,MAXIMES,CRITIQUES,APOSTILLE ET COMPAGNIE...
La rédaction d’essais comportant des aphorismes, des critiques , des références à des auteurs connus est périlleuse ; cette voie ayant été empruntée par des auteurs et classiques très prestigieux dans notre littérature , il est risqué de s’y essayer de nouveau car l’intrépide littérateur qui passerait outre s’exposerait à décevoir ses lecteurs . Horace Engdahl, auteur suédois, familier des grands classiques de la littérature française allant du XVIIe jusqu'à nos jours s’est essayé à cette tâche dans son livre La Cigarette et le Néant . Et c’est absolument délicieux, c’est plein de finesse, d’esprit, d’impertinence, et aussi de légèreté avec en filigrane un soupçon d’ironie accompagnant ses observations .

Ainsi, trouve-t-on cette remarque sur l’élitisme d’une actualité évidente : « Le problème de l’élitisme, c’est que seuls les éternels seconds y adhèrent . Les meilleurs, eux, s’identifient au plus grand nombre et se jugent ordinaires. »
Ou encore sur le caractère irremplaçable de l’amitié : « Les amis, autant de portes ouvertes sur le monde, que la vie mure l’une après l’autre, inexorablement.
»Chaque fois qu’un ami meurt, la porte se rouvre, mais seulement sur la pièce où jadis nous étions jeunes. »
Le livre est riche d’autres observations sur les notions et situations les plus diverses : l’auteur dissèque ainsi le rôle que devrait selon lui, adopter un critique littéraire digne de ce nom ; il énonce ailleurs une définition de la sagesse personnelle : « Quand je m’interroge sur ce que je ferai dans les années à venir, je me rends compte qu’en réalité je me demande comment je vais me distinguer(…) Le seul problème : la sagesse du renoncement nous semble toujours valoir pour les autres. »

Le passage qui a servi à composer le titre du livre est drôle, plein d’esprit et de dérision , comme le reste de l’ouvrage . Horace Engdahl y décrit le rôle salvateur attribué à la cigarette , du temps où l’on pouvait encore fumer en tous lieux : « Quand on est vraiment secoué , il n’y a qu’une Camel sans filtre vous pous remonter , même si ça fait des décennies qu’on a arrêté de fumer . La perspective de la fin du monde serait parfaitement supportable , si seulement on pouvait s’en griller une après. »
Ouvrage à recommander. Soigne par son humour et sa profondeur, les doutes et égratignures du quotidien.