Le seul amant
de Éric Deschodt, Jean-Claude Lattès

critiqué par Homo.Libris, le 23 février 2014
(Paris - 58 ans)


La note:  étoiles
Malabar
Au Kerala, extrême sud-ouest des Indes, sous la chaîne montagneuse des Ghâts, la vie s'écoule doucement, bercée par les petits conflits locaux entre le roi de Calicut et son vassal le roi de Cochin. Krishna, Brahmane attaché au roi de Cochin, louvoie dans ce petit monde presque tranquille, où vivent en bonne entente les hindouistes et leurs 33 333 divinités, et les monothéistes : musulmans, juifs et chrétiens de Saint Thomas. Shobita, danseuse sacrée, ancienne maîtresse du roi de Cochin, dont la beauté et la grâce suscitent bien des convoitises masculines. Shobita, courtisane qui s'offre selon son bon vouloir. Shobita aimée d'un marchand juif et d'un artisan musulman. Mais Shobita qui ne veut plus danser que pour le dieu invisible, "son seul amant". Et tous attendent la mousson, chargée de l'eau de la vie.
Et puis un jour débarquent Vasco de Gama et ses aventuriers avides de richesses. Les Portugais ne tardent pas à semer le désordre et la tourmente, ils pillent et tuent sans discernement. Ils rompent alors l'harmonie de la vie du Kerala, sapent le fragile équilibre des forces présentes, semant leur fiel, contaminant ce continent du mal inquisiteur. Le loup est dans la bergerie. La paix et la sagesse sont menacées...
Fresque historique très romancée, mais néanmoins bien documentée. Les mours, les us et coutumes, les mentalités des Indes de cette période sont bien décrites et donnent envie d'en savoir plus sur l'Histoire de ce pays. On y apprend que les Indes étaient au XVe très cosmopolites et tolérantes. Les Indiens et Pakistanais du XXe siècle devraient peut-être étudier l'Histoire de leurs pays et prendre exemple sur la sagesse de leurs ancêtres.
La façon dont les Portugais et les Espagnols des XVe et XVIe siècles (et par la suite Anglais et Français) se sont installés et ont conquis leurs colonies est très bien racontée. Les exactions des conquistadores au nom du roi d'un pays plus pauvre, plus petit et plus faible que les Indes, au nom d'un pape moins sage, moins philosophe, et moins érudit que les Brahmanes, sont révoltantes et iniques. Quelle part de responsabilité ces gens avides de conquêtes au nom d'une philosophie que l'on peut aisément remettre en question ont-ils dans l'évolution actuelle des conflits mondiaux ?
Si vous aimez les romans historiques, si vous cherchez un peu de dépaysement, ce livre est pour vous.