Mio dolce amore
de Raoul Mille

critiqué par Débézed, le 3 mars 2014
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
La guerre pas l'amour
Le siècle d’Hugo n’était même pas né et pourtant « déjà Napoléon perçait sous Bonaparte », il caracolait à la tête de ses troupes dans les plaines et montagnes d’Italie bousculant, étripant, étrillant les troupes autrichiennes et piémontaises, se taillant une réputation qui aiguisait la jalousie de ceux qui avaient essayé de l’éloigner du pouvoir en lui confiant une mission loin des lieux de décision. Marié depuis trois jours seulement avec Joséphine de Beauharnais, il courait sus à l’ennemi, se couvrant d’une gloire qui laissait sa jeune épouse de marbre. Il était fou amoureux, elle ne l’était pas beaucoup, elle préférait courir les bals et les fêtes avec des officiers fantoches ou des gandins attentionnés, il crevait de rage de ne pas pouvoir la posséder comme il possédait ses ennemis.

C’est ce double combat que raconte Raoul Mille, la campagne triomphante contre les troupes piémontaises et autrichiennes et le combat acharné contre la passivité et l’indifférence de son épouse frivole. Le narrateur raconte les faits, surtout les événements militaires, et Napoléon, à travers des extraits de sa correspondance, raconte lui-même son combat contre cette femme délurée qui le délaisse sans vergogne aucune. C’est l’envers de la légende écrite sur le Pont d’Arcole et divers autres champs de bataille au cours de cette glorieuse campagne d’Italie, la face noire du héros, l’effort inhumain fait par cet homme vénéré, adulé, craint, agoni mais totalement désarmé devant cette femme qui l’a envoûté.

L’auteur réécrit une des plus belles pages de la légende napoléonienne montrant comment un général inconnu venant de nulle part, petit, maigre, affamé, malade, à la tête d’une troupe de va-nu pieds commandée par des officiers rustres et incultes, sans scrupules, sortis directement de horreurs de la révolution, triomphe des troupes impériales encore engoncées dans les us et coutumes de l’ancien régime. Mais parallèlement il raconte aussi une grande histoire de désamour qui semble s’imposer en contrepoint à l’insolente chance qui guide Bonaparte sur le chemin de la gloire militaire.

Un livre qui ravira tous ceux qui aiment les histoires d’amour, même celles qui finissent mal, mais aussi tous ceux qui apprécient les grandes épopées taillées à grands coups de sabres dans les chairs des ennemis. L’auteur ne lésine pas, n’économise pas sa plume, il la laisse s’évader dans de grandes envolées à la hauteur de la geste épique des grognards de celui qui n’était encore que Bonaparte.